Lynchage d’un militaire au Ghana : "Ce type de drame doit cesser"
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À gauche, une photo de Maxwell Adam Mahama dans son uniforme militaire. À droite, une capture d'écran de la vidéo de son lynchage.
Texte par :
Catherine Bennett
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Une sordide affaire secoue le Ghana depuis une semaine. Lundi 29 mai, un militaire a été lynché et partiellement brûlé par la foule dans le village de Denkyira-Obuasi, dans la région du Centre. Selon plusieurs témoignages, les habitants l’avaient pris pour un voleur armé, bien que les circonstances de ce drame restent floues.
Le capitaine Maxwell Adam Mahama faisait son jogging lorsqu’il aurait demandé son chemin à des villageois, qui auraient alors aperçu son arme. Ils l’auraient donc pris pour un voleur, avant de s’en prendre violemment à lui.
Sa mise à mort a été filmée par plusieurs personnes et diffusée sur les réseaux sociaux. L’une d’entre elles montre le début du lynchage : des dizaines de personnes courent le long de la route et se ruent vers Maxwell Adam Mahama. Elles se mettent alors à le frapper avec des planches en bois, avant de lâcher des briques sur sa tête. Son corps est ensuite traîné jusqu’à un fossé et des hommes continuent de le battre. À la fin, une femme s’approche du corps du militaire pour le brûler.
ATTENTION, CES IMAGES PEUVENT CHOQUER.
Une foule autour du corps de Mahama, qui se trouve dans un fossé. Capture d'écran d'une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
La scène a suscité une vive indignation dans le pays. De nombreux messages rendant hommage au capitaine et réclamant justice ont ainsi inondé les réseaux sociaux depuis lundi.
De leur côté, les autorités ont rapidement réagi en envoyant des militaires dans le village pour retrouver les auteurs de ce crime. Craignant des représailles de leur part, une partie des villageois aurait alors pris la fuite, ce qui compliquerait l’enquête d’après la police. Selon les témoignages de certains habitants, les militaires auraient en effet mené des opérations punitives depuis leur arrivée. La plupart des écoles ont fermé dans la zone, puisque de nombreux enfants seraient partis avec leurs parents.
Des habitants courent vers l'endroit où l'homme s'est fait lyncher. Capture d'écran d'une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
"J’espère que cet événement servira de leçon"
L'un de nos Observateurs a suivi les événements. Il assure que les cas de lynchages sont malheureusement courants dans le pays.
Mardi 30 mai, un premier groupe de militaires a pris d’assaut le village. Ils ont rassemblé les habitants, pour les obliger à faire des exercices et à se donner des gifles. C’était une forme de vengeance : je pense que ce n’était pas la bonne idée. Ils ont expliqué que c’était un entraînement militaire, mais c’est surtout un abus de pouvoir à mon sens. Beaucoup d’habitants sont ensuite partis, à l’image de la plupart des jeunes hommes que l’on peut voir dans la vidéo.
Des jeunes hommes autour du capitaine. Capture d'écran de l'une des vidéos du lynchage.
Un jeune homme jette une brique sur la tête de la victime. Capture d'écran de l'une des vidéos du lynchage.
Les lynchages sont fréquents, en particulier à l’extérieur des centres urbains, surtout si le suspect est armé. La foule tente généralement de prendre le dessus, avant de le lyncher. La loi du talion – "œil pour œil, dent pour dent" – est encore bien ancrée chez les gens. Ils raisonnent ainsi : "Si vous essayez de me tuer, je vous tuerai d’abord."
Cela dit, cette histoire est assez particulière. D’abord parce que l’homme était innocent et que ce n’était pas un criminel potentiel. Il était membre de l’armée, une institution normalement respectée. Le problème, c’est qu’il n’était pas en uniforme. Or, les habitants ont remarqué qu’il était armé et c’est pour cela qu’ils s’en sont pris à lui. Cela ne se serait pas passé ainsi s’il avait été en uniforme.
J’espère que cet événement servira de leçon et fera changer les comportements. J’espère également que les personnes arrêtées feront l’objet d’un véritable procès.
L'un des assaillants, armé d'une planche, tabasse le militaire. Capture d'écran de l'une des vidéos du lynchage.
"Ce crime odieux doit être puni"
Fred McBagonluri est l’oncle du capitaine Mahama. Contacté par France 24, il souhaite que des solutions soient trouvées pour que les habitants ne recourent plus à la justice populaire.
Lundi 29 mai, j’étais sur le point d’aller dormir quand ma femme m’a appelé. Lorsqu’ j’ai entendu le nom "Adam", j’ai tout de suite compris qu’il lui était arrivé quelque chose de grave. Il avait prêté serment pour protéger ces gens, et eux l’ont lynché… Cela faisait seulement trois semaines qu’il était dans la région.
Cette photo a été publiée à de nombreuses reprises sur les réseaux sociaux pour rendre hommage au soldat.
Un hommage au soldat publié sur les réseaux sociaux.
Au Ghana, il y a comme une forme de tolérance à l’égard des lynchages. Les habitants ont perdu confiance en la justice, alors ils se défendent eux-mêmes. Mais si cela devient la norme, il y a de quoi avoir peur. Une solution doit absolument être trouvée pour faire cesser ce type de drame et ce crime odieux doit être puni par la justice.
Une foule autour du corps de Mahama. Capture d'écran de l'une des vidéos du lynchage publiées sur les réseaux sociaux.
Au total, la police ghanéenne a arrêté sept suspects. Tous ont été identifiés à partir des vidéos du lynchage publiées sur les réseaux sociaux.
Le capitaine Mahama laisse derrière lui une femme et deux jeunes enfants. Il avait été envoyé dans la région dans le cadre d’une opération militaire destinée à réprimer les mineurs illégaux, surnommés "galamsey ", qui y opèrent. Deuxième producteur d’or au monde, le Ghana a vu se développer ces dernières années des sites illégaux où des orpailleurs clandestins utilisent des méthodes ultra-polluantes, pouvant avoir des conséquences irréversibles sur l’environnement.