ARABIE SAOUDITE

Plus aucune nouvelle de Dina Ali, la Saoudienne renvoyée de force dans son pays

Capture d'écran de la vidéo d'appel à l'aide de Dina Ali à gauche. À droite, les billets du vol qui a mené Dina Ali jusqu'aux Philippines.
Capture d'écran de la vidéo d'appel à l'aide de Dina Ali à gauche. À droite, les billets du vol qui a mené Dina Ali jusqu'aux Philippines.

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Elle s’appelle Dina Ali, et elle est au centre de tous les débats en Arabie saoudite. Cette enseignante de 24 ans a fui le royaume wahhabite. Elle s’est d’abord rendue au Koweït voisin, puis a décollé le 10 avril pour l’Australie. Mais son escapade a pris fin dès son escale aux Philippines, où elle a été arrêtée et remise aux autorités saoudiennes. Elle a tout documenté sur les réseaux sociaux. Mais depuis son retour en Arabie Saoudite, plus aucune nouvelle d’elle.

C’est depuis l’aéroport de Manille, aux Philippines, que Dina Ali a lancé un appel à l’aide. Elle a été appréhendée par les autorités philippines, qui l’ont retenue dans une salle d’attente, d’où elle a pu se filmer et poster la vidéo sur Twitter.

"Si ma famille vient ici, ils me tueront. Si je rentre en Arabie Saoudite, je suis morte. S’il vous plait aidez-moi !", supplie-t-elle. "Je m’appelle Dina Ali. Je suis une femme saoudienne et j’ai quitté l’Arabie saoudite pour demander l’asile en Australie. Les autorités philippines ont confisqué mon passeport", a encore indiqué la jeune femme. Et d’ajouter : "Je suis retenue ici depuis 13 heures par les autorités philippines avec la coopération de l’ambassade saoudienne".

Vidéo postée par Dina Ali depuis l'aéroport de Manille, le 10 avril.

Avec le téléphone d'une touriste canadienne

Impossible de savoir comment les autorités philippines ont pu être alertées, mais Dina Ali rapporte également avoir été appréhendée par un membre de l’ambassade saoudienne aux Philippines. Il se pourrait que sa famille ait découvert son projet de fuite et ait alerté la représentation saoudienne à Manille.

À l’aéroport de Manille, Dina Ali a reçu l’aide de Meagan Khan, une passagère canadienne. Elle lui a notamment prêté son téléphone pour qu’elle puisse poster des vidéos sur Twitter. Contactée par France 24, Meagan Khan raconte :

Il était 10 h 30 du matin. Dina m’a a dit qu’elle était censée embarquer pour Sydney, mais que les autorités avaient confisqué son passeport. Je lui ai dit que c’était étrange. Elle m’a montré sa carte d’embarquement, qui indiquait que le décollage pour Sydney était prévu pour 10 h 30 (...) Elle m’a également dit qu’un employé de l’ambassade d’Arabie saoudite était venu la voir. Elle m’a expliqué qu’il l’avait agrippée par le bras et essayé de la faire sortir de force de la salle d’attente, mais Dina s’est alors mise à crier et il a fini par partir (…)

Dina pleurait et me disait qu’elle était en danger et que ses oncles allaient venir et la tuer. (…). Nous avions commencé à contacter les personnes qui pouvaient l’aider. Ses amis nous envoyaient des numéros de téléphone sur Snapchat et WhatsApp, notamment des avocates ou des militants des droits de l’Homme. Elle a contacté notamment une activiste qui n’a pas eu le temps de l’aider.

Sur Twitter, Dina Ali a également posté une photo de ses billets d'avion du Koweït aux Philippines pour prouver sa bonne foi.

Vol retour pour Riyad

Mais Dina finira par être appréhendée. Dans un communiqué du 11 avril, l’ambassade d’Arabie saoudite aux Philippines a indiqué que Dina était rentrée en Arabie Saoudite, et que l’incident relevait d’un affaire familiale, sans donner plus de précision.

Depuis son retour forcé à Riyad, les autorités saoudiennes sont restées muettes sur le sort de Dina Ali. Hala Adosari, une activiste saoudienne installée aux États-Unis, a tenté en vain de contacter la famille de Dina. Elle relate à France 24 :

Certaines sources m’ont affirmé que Dina a été emmenée dans un centre d’accueil pour femmes maltraitées et qu’on lui a défendu d’en sortir. Je ne peux toutefois pas confirmer cette information.

Pour une Saoudienne, impossible de voyager seule

Ces derniers mois, plusieurs cas de femmes ayant fui l’Arabie saoudite pour trouver refuge dans des pays européens ou aux États-Unis ont été relayés.

En Arabie saoudite, les femmes sont privées de leurs droits les plus basiques. Que ce soit pour voyager, se marier, travailler, ou bénéficier de soins de santé, elles doivent au préalable obtenir l’autorisation d’un parent masculin. Ce système appelé "tutelle légale" est régulièrement dénoncé par les ONG des droits de l’Homme.

Cependant, au cas par cas, certaines peuvent obtenir le droit de se déplacer seule. L’Association nationale des droits de l’Homme a indiqué en juin 2016 que la justice avait autorisé depuis 2015 200 femmes à voyager sans la présence d’un homme à leurs côtés, notamment pour poursuivre des études, faire du tourisme ou recevoir des soins. L’ONG a également indiqué que 350 femmes avaient deposé des demandes d’autorisation de voyage sans la presence d’un tuteur.

Une étude menée en 2016 par l'université islamique Umm al-Qura indique que 96,6 % des personnes qui fuient l'Arabie saoudite sont des femmes. Environ 86 % de ces "fugueuses" sont célibataires.

Article initialement publié par la rédaction des Observateurs de France 24 dans le cadre du projet InfoMigrants.