Algérie : les ratés de la construction de logements sociaux à marche forcée
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Capture d'écran des photos documentant trois exemples de constructions mal finies en Algérie.
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Manque de contrôle dans le processus de fabrication, retard dans la livraison, engagements non tenus, défauts de fabrication : photos à l’appui, de nombreux Algériens moquent régulièrement le programme de logements sociaux lancé en Algérie à partir des années 2000.
Ce programme prévoit de construire 2,2 millions de logements sociaux pour faire face à l’accroissement de la demande, causée notamment par l’explosion démographique et l’exode de civils fuyant l’insécurité dans les campagnes pendant les années de terrorisme. Dans le parc immobilier, 450 000 logements sont réservés au bénéfice d’Algériens éligibles au programme d’amélioration et développement du logement (AADL)
Ce programme s’adresse notamment aux Algériens issus de la classe moyenne qui souhaitent acquérir un logement public subventionné. Ils candidatent auprès de l’AADL, qui dépend du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme et si le dossier est retenu, ils pourront devenir propriétaire d’un logement AADL.
Mais le programme a eu son lot de ratés. Sur Facebook, une page a détourné le sigle AADL pour en faire "Arnaque Algérienne du Logement". Les cas plus marquants y sont recensés.
À Sidi Abdallah, une "piscine" peu ragoutante
Dans la ville nouvelle de Sidi Abdallah, au sud-ouest d'Alger, près de 54 000 logements doivent être construits. Mais des questions se posent, comme le montrent ces photos. À la vue de ces logements en cours de construction, l’auteur de la page Arnaque Algérienne du Logement présente, non sans ironie, la "piscine" creusée dans la nouvelle ville aux pieds d’un immeuble. "Qui est le propriétaire du projet ? Qui contrôle le processus de fabrication ?" demande-t-il.
"Ces photos montrent le cas de logements réalisés selon la procédure AADL, où le contrôle technique des sols préalable à la construction n'a pas été fait sérieusement", explique à France 24 Al-Habib Benkoula, architecte algérien.
Une "pluie de pierres"
Une autre page Facebook consacrée aux projets AADL rapporte également l’effritement de la façade d’un immeuble qui aurait causé des dégâts matériels en décembre dernier dans la cité d’El-Achour, en banlieue d’Alger, qui compte 500 logements AADL. "La cité venait juste d’avoir dix ans. Elle avait été livrée vers les années 2005-2006 par la société chinoise CSCEC" est-il précisé. "Une pluie de pierres" ironise l'internaute en décrivant les photos.
Et un immeuble…à l’horizontal
La page Arnaque Algérienne du Logement recense également le cas d’un immeuble en construction qui s'est effondré en octobre 2016 à la cité URBA 2000 d'El Achour sans faire de victimes. L'affaire a été largement couverte par la presse. Le promoteur immobilier a perdu son agrément sur ordre du ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, selon le site Algérie 360.
"Des souscripteurs du programme AADL en 2001 n’ont toujours pas obtenu de logements, mais tous mes proches sont satisfaits"
Hacen (pseudonyme) a déposé une demande pour acquérir un logement AADL.
J’habite avec ma femme chez mes parents et, bien sûr, nous aspirons à fonder notre propre nid. Je n’ai pas les moyens d’acquérir un logement dans le secteur privé, c’est quatre fois plus cher. En 2013, j’ai fait une demande auprès de l’AADL. Je suis passé par le site, à peine ouvert aux candidatures, il a très vite atteint près de 300 000 souscriptions.
Capture d'écran du site AADL
J’ai été déclaré éligible à ce programme. J’ai effectué le premier versement pour le paiement du loyer et j’aurais dû être logé en 2017. Mais les travaux ont pris du retard et selon la direction, je devrais attendre 2019 pour y habiter. Je table plutôt sur 2022 à cause de la baisse des revenus pétroliers. Des souscripteurs du programme AADL en 2001 n’ont toujours pas obtenu de logements…
Ce n’est pas un choix idéal. Ce sont des constructions standardisées à travers tout le territoire. Si j’avais pu, j’aurais acheté dans le privé, mais là je ne vais débourser que l’équivalent de 17 000 euros et je serai propriétaire d’un trois pièces de 75 m2. Et parmi mes proches, tous ceux qui ont pu bénéficier de ce programme sont satisfaits.
"Aujourd’hui, en Algérie, on construit des cités de l’a peu près"
C’est le programme présidentiel que l’État entend réaliser à marche forcée, mais cela se fait de façon très anarchique. Le programme AADL devait à l’origine concerner les Algériens vivant dans des sites précaires qu'il devait améliorer et aménager. La procédure a été détournée. L’État est devenu promoteur immobilier public, avec des prix au mètre carré qui défient toute concurrence.
Les logements publics aidés sont censés être construits dans les règles de l’art, mais il n’y a pas de contrôle réel sur leur fabrication. On se retrouve avec des immeubles affreux qui défigurent le paysage, mal réalisés et mal finis.
J’ai visité des logements dans des tours de 14 étages, excentrées, des cités non reliées aux routes, non raccordées aux réseaux d’assainissement. Le sol était mal fait, les peintures débordaient, il n’y avait pas d’isolation thermique, parfois même pas de gaz ni d’électricité. Tout ça est également rapporté par les médias. Aujourd’hui, en Algérie, on construit des cités de l’a peu près, mais les habitants s’en contentent car ils payent un loyer symbolique.
"Pourquoi attribuer ces projets en grande partie à des entreprises étrangères, notamment chinoises ?"
Il y a un écart entre les déclarations du gouvernement et la réalité. On est encore dans l’ère de la propagande nationaliste, pas encore dans l’ère de la compétence.
Les études réalisées avant la construction ne sont pas sérieuses, l’architecte choisi par l’entreprise pour suivre le projet est mal formé, les entreprises choisies par le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme fabriquent vite et sans le souci de la qualité. Se pose aussi la question de pourquoi attribuer ces projets en grande partie à des entreprises étrangères, notamment chinoises. Les immeubles ne sont pas de meilleure qualité et certains chantiers sont même abandonnés. Il y a de quoi s’étonner.
L’État devrait s’attaquer en premier à la mauvaise gestion dans la répartition des logements. Il y a en Algérie près de 2 millions de logements inoccupés, alors que le déficit en logement sur le plan national est lui estimé à environ 1 million.
Annonce du lancement prochain des travaux de réalisation de 5 000 logements type AADL à Sidi Abdellah (wilaya d’Alger) sur les 40 000 unités prévues. Source: Télévision Algérienne