MALI

Bars pillés et incendiés lors d’une manifestation anti-alcool à Tombouctou

Des manifestants sont réunis devant un bar de Tombouctou, des meubles sont brûlés devant l'entrée. Image publiée sur Facebook.
Des manifestants sont réunis devant un bar de Tombouctou, des meubles sont brûlés devant l'entrée. Image publiée sur Facebook.

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Plusieurs centaines d’enfants, d’adolescents et de jeunes se sont attaqués à des bars de Tombouctou dans le nord du Mali, le 25 février. Les réserves de bières ont été détruites, les lieux vandalisés et les meubles incendiés. Ces jeunes menaient une campagne anti-alcool depuis plusieurs semaines, sans succès. Ils ont organisé une manifestation, qui a dégénéré.

Il y a plusieurs semaines, des jeunes du quartier d’Hamabangou, situé au sud-est de la ville, se sont mobilisés contre la consommation d’alcool et de stupéfiants chez les mineurs. Pour eux, c’est un "fléau" qui nuirait à la santé et au bon déroulement des études de ceux qui en consomment.

Selon notre Observateur, les autorités sont restées indifférentes à leur mobilisation pacifique. Ils ont donc décidé de manifester dans leur quartier mais la mobilisation a rapidement dégénéré. La police était présente sur place mais n’est pas intervenue.

Des jeunes pillent le bar Élysée de Tombouctou, samedi 25 février, et brûlent le mobilier de l'établissement. Vidéo publiée sur Facebook.

"Le rassemblement organisé par les jeunes a dégénéré"

Mohamed AG Alher Dida travaille dans la radio locale Jamana, il suit le mouvement des jeunes depuis plus d’un mois.

Les jeunes ne pensaient pas que ça prendrait une telle ampleur, ils se disaient que ça serait juste une marche de sensibilisation. Samedi, vers 11 h, ils ont commencé à marcher dans le quartier d’Hamabangou. Ils sont arrivés devant la seule discothèque de la ville, Kaleme, et ont pillé et saccagé l’endroit. [La vente d’alcool est autorisée dans les bars et discothèques, NDLR.]

Des meubles et des caisses de bières brûlent devant un bar de Tombouctou. Photo publiée sur Facebook. 

Un internaute opposé au mouvement des jeunes partage les photos de la discothèque Kaleme, quelques jours après la manifestations. 

Ils ont brûlé les meubles et pris tout ce qui était à l’intérieur. De jeunes adultes qui participaient à la manifestation en ont profité pour voler le matériel de sonorisation. Tout ce qui ne pouvait pas être transporté a été cassé ou brûlé.

"La police n’a rien fait"

La police était dans les environs et n’a rien fait, elle est arrivée devant la discothèque vers midi, alors que les manifestants étaient en train de cambrioler la maison de la gérante de l’établissement un peu plus loin, cette dernière étant en train de faire ses courses au marché. La police n’est pas intervenue.

Des dizaines d'adolescents et de jeunes enfants parcourent les rues de Tombouctou lors de la manifestation. Vidéo réalisée par notre Observateur et publiée sur sa page Facebook. 

En tout, les quelque 200 jeunes se sont attaqués à six bars des environs. Il y avait beaucoup de mineurs et de jeunes enfants. Les enfants ont volé les boissons sucrées non-alcoolisées dans les bars, tandis que les jeunes adultes en ont profité pour voler des objets de valeur.

"Il ne s’agit pas d’un mouvement religieux ou islamiste"

C’est un mouvement anonyme, on ne pouvait distinguer aucun leader, aucun chef de file. Les jeunes n’ont pas manifesté au nom d’un groupe. Il ne s’agit pas non plus d’un mouvement religieux ou islamiste.

Les jeunes du quartier veulent que l’alcoolisme juvénile cesse, autant que la consommation de stupéfiants. [Des événements similaires avaient eu lieu en avril 2012, quand la ville était sous le contrôle de rebelles touareg alliés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, NDLR]

Une jeunesse mobilisée contre l’alcoolisme

À Tombouctou, les mineurs peuvent notamment acheter des sachets d’alcool, appelés Kick, pour 150 francs CFA [0,20 euros] ou des comprimés de Tramadol pour 100 francs CFA [0,15 euros], généralement vendus par plaquettes [ce médicament, un antidouleurs à base d’opium, est très addicitif, NDLR].

Un sachet de "gin" Kick, très répandu dans le quartier et consommé par les mineurs. Photo publiée sur Facebook.

Le quartier d’Hamabangou est pauvre et c’est là que se fait le trafic de drogue et d’alcool. C’est le plus touché par ce phénomène et ces jeunes manifestants ont essayé de le résoudre par leurs propres moyens. Ces produits sont notamment vendus par des femmes originaires du Niger, qui louaient des maisons transformées en points de vente illégaux.

Les jeunes de ce quartier ont commencé à mener des actions de sensibilisation il y a plusieurs semaines, notamment dans les écoles. Vu que le quartier a mauvaise réputation, ils ont même rénové un cimetière, samedi 18 février, pour faire bonne figure auprès des riverains et des autorités. Ils ont ensuite posé un ultimatum au chef du quartier pour qu’il stoppe la vente illégale d’alcool et de drogue aux mineurs.

"Les jeunes ont regretté et condamné les actes de vandalisme"

L’ultimatum adressé aux autorités n’ayant pas été respecté, le rassemblement organisé par les jeunes a dégénéré. Tous ceux à qui j’ai ensuite parlé ont regretté et condamné les actes de vandalisme.

Les responsables de l’hôtel de ville, le gouverneur, le conseil communal des jeunes, le conseil local des jeunes, la société civile ont tous condamné les violences. Le seul à avoir soutenu le mouvement est Mahmoud Dicko, le président du haut conseil islamique du Mali.