À Aulnay-Sous-Bois : "C’est toute la jeunesse qui se sent humiliée"
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Habitant d’Aulnay-sous-Bois, Elvis Zannou revient sur les violences policières survenues dans la cité des 3000. En colère, il garde la tête froide et veut faire confiance à la justice.
Ces dernières semaines, nous avions observé dans le quartier une augmentation de la présence policière, plus intimidante, comme s’ils voulaient marquer leur territoire, pour dire "c’est nous qui contrôlons". Nous nous attendions à un débordement, mais pas à ce point-là. On était loin d’imaginer ce qui est arrivé. J’ai été choqué et j’éprouve de la haine contre ces policiers, parce que ça aurait pu être moi ou n’importe qui d’autre. Je connais peu Théo, mais c’est un jeune sans problèmes, calme et sociable. La police veut qu’on la respecte, mais eux n’ont pas respecté Théo, et donc toute la jeunesse et les habitants d’Aulnay-sous-Bois à travers lui.
"Si les policiers sont condamnés à la hauteur de leur crime, on se sentira compris"
Je veux faire confiance à la justice. Qu’elle soit faite, ferme et impartiale, car les faits sont graves. Nous ne voulons pas d’un non-lieu, de simples suspensions ou de sursis, la sanction doit être la même que si la victime était un policier. Si les policiers sont condamnés à la hauteur de leur crime, on se sentira compris. On saura alors que la justice est la même pour tous. Mais s’ils s’en sortent une fois de plus, il y a de fortes chances que ça s’embrase. Et ça prend déjà. Certains parlent de s’en prendre au bien public en signe de représailles contre la police, casser des abribus par exemple. Même certains qui n’ont pas l’habitude des violences veulent s’y mettre. Mais ça n’a pas de sens, ce sont eux qui habitent la ville qu’ils veulent dégrader. Il faut montrer et exprimer notre colère, mais pas de n’importe quelle manière.
La police doit se montrer responsable et exemplaire, ce sont des adultes. À Aulnay-sous-Bois, il y a une fracture entre la police et la population. L’autre jour, j’attendais mon petit frère devant son école primaire, une voiture de police passe. Un élève de primaire désigne la brigade et prévient ses potes : "Eux cassent la gueule à tout le monde ! ". Après l’arrestation de Théo, un collégien m’a également dit que les policiers qui étaient censés nous protéger et représenter la sécurité, étaient finalement les plus "méchants ". Il y a un travail à mener auprès des plus jeunes notamment.
Je voudrais organiser prochainement une rencontre avec les élus du Conseil de la vie lycéenne (CVL) des deux lycées Jean Zay et Voillaume, pour la création d’une charte "Vivons en sécurité ". Le but est une meilleure entente entre la jeunesse et la police pour qu’il y ait moins de violences policières et plus de responsabilité. C’est un travail sur le long terme, mais ce genre de situations ne doit plus se reproduire. Je peux comprendre parfois la fatigue de la police, mais qu’ils se contrôlent et gardent leur sang-froid. "
"C’est un choix qui a été fait d’humilier ce jeune homme"
Lundi, à 13h30, une marche blanche en direction du commissariat a réuni près de 500 personnes, avec à leur tête, les mères de familles accompagnées de leurs enfants. "Théo est une bonne personne, ça peut donc arriver à n’importe lequel de nos enfants. Nous ne nous sentons plus en sécurité. ", témoigne l’une d’entre elles sur un live Facebook. "Rien ne justifie de telles atrocités. Les policiers sont des professionnels, il y a des méthodes d’interpellation légales. C’est un choix qui a été fait d’humilier ce jeune homme ", s’indigne un autre habitant qui connaît bien Théo.
Sur les réseaux, nombreux sont les habitants des quartiers à avoir exprimé leur colère, rappelant que les violences policières y sont courantes.
Des appels à la violence ont aussi circulé. Depuis trois nuits, des affrontements ont lieu dans la cité de la Rose des vents, appelée aussi cité des 3000. Un hélicoptère a survolé la zone pendant la nuit et la police a confirmé avoir fait usage de balles réelles pour des tirs de sommation. Vingt-trois personnes ont été interpellées dans la nuit de lundi à mardi.
Le jeudi 2 février, à Aulnay-sous-Bois, dans la cité des 3 000, Théo, sans passé judiciaire, avait violemment été interpellé par quatre policiers. Le jeune homme de 22 ans avait été conduit à l’hôpital. Les constatations médicales ont fait état de l'introduction d'une matraque dans l'anus sur une profondeur de 10 centimètres. Les quatres policiers ont été mis en examen pour violences volontaires en réunion dont un également pour viol, en plus de l’interdiction d’exercer.