Marseille : des policiers enfilent des tenues musulmanes… pour arrêter un dealer
Publié le : Modifié le :
Un homme soupçonné d’être un dealer a été interpellé mercredi 1er février à Marseille par deux policiers vêtus d’un kamis blanc et d’un jilbab noir — des tenues traditionnelles musulmanes — qui ont ensuite été aidés par un troisième agent en uniforme. La scène a été filmée et diffusée sur les réseaux sociaux, où l’on s’interroge : cette technique est-elle vraiment loyale ?
L’arrestation s’est déroulée dans le quartier de la Bricarde, dans le 15e arrondissement de Marseille, dans le nord de la ville. L'un des deux policiers apparaissant dans la vidéo est vêtu d'un kamis, un vêtement long porté par certains hommes musulmans. L'autre porte un jilbab, une longue robe couvrant le corps et la tête des femmes.
Diffusée sur Snapchat, la vidéo a ensuite été relayée sur Twitter :
Vidéo hallucinante montrant deux policiers déguisés en "musulmans" pour arrêter un jeune de Marseille, dans le quartier de La Bricarde. pic.twitter.com/XbxdotVMRR
Dans le quartier, nombre d’habitants n’ont guère apprécié la technique utilisée par les policiers, à l’image de Wassim (pseudonyme), contacté par France 24 :
C’est la première fois que j’entends parler d’une telle technique. Je trouve qu’il n’est pas correct que les policiers se fassent passer pour des musulmans afin d’arrêter quelqu’un, même s’il n’y a pas vraiment de règles quand on joue au chat et à la souris. Ils auraient pu être en civil, tout simplement, sans forcément se faire passer pour des musulmans.
Par ailleurs, certains habitants n’auraient pas apprécié le fait que cela renverrait l’image de banlieues où "il n’y aurait que des musulmans", selon l’internaute qui a relayé la vidéo sur Twitter : "Cela donne l’impression qu’il faut forcément être musulman ou ressembler à un musulman pour s’y fondre." Par ailleurs, toujours selon cet internaute, cela "peut créer un climat de méfiance vis-à-vis de ceux que les policiers ont cherché à imiter".
Un moyen de "se fondre dans la masse"
En revanche, certains habitants du quartier estiment que cette technique particulière est un "mal pour un bien", à l’image de Clara (pseudonyme), contactée par France 24 :
Dans les quartiers, il y a des guetteurs qui alertent les dealers quand les policiers arrivent. Ils arrêtent aussi parfois les personnes qu’ils ne connaissent pas. Du coup, je pense que le fait de se fondre dans la masse, pour ne pas attirer l’attention, est une bonne méthode pour essayer d’attraper les trafiquants.
Par ailleurs, les policiers ne sont plus vraiment respectés dans les cités, qui sont devenues des zones de non-droit. Ils craignent même d’y venir, ce qui n’est pas normal. Donc ce n’est pas étonnant qu’ils en arrivent à se déguiser pour y aller quand même, même si je comprends que beaucoup de gens critiquent cette méthode.
Selon cette internaute, ce sont les activités de la personne arrêtée qu'il faudrait blâmer en priorité, et non la méthode employée par les policiers.
Une technique classique
Contactée par le site français Mediapart, la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) des Bouches-du-Rhône a indiqué que cette arrestation s’était déroulée dans le cadre d’une opération de la brigade spécialisée de terrain (BST), destinée à démanteler un trafic de stupéfiants dans le quartier : "Les policiers de la BST ont interpellé le vendeur en possession d’un kilo de cannabis et quelques centaines d’euros dans sa sacoche, ainsi que le trésorier et un acheteur."
Selon l’interlocuteur joint par Mediapart, se vêtir d’un déguisement serait une technique classique, utilisée notamment par les policiers "primo-intervenants" pour "s’approcher au plus près de la scène d’infraction" afin d’"extraire le suspect sans causer de trouble, ni de blessé".
Cité par le quotidien 20 minutes, Luc Poignant, du syndicat Unité SGP Police–Force Ouvrière, s’est néanmoins déclaré surpris par l’emploi d’une telle méthode. Selon lui, les actions de police s’effectuent généralement en tenue de civil ou en tenue de service : "L’idée est de se fondre dans la masse, mais pas jusqu’au bout quand même !".