IRAN

Quand le café iranien pâtit des sanctions américaines… sur le nucléaire

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Donald Trump interdit aux citoyens iraniens d'entrer sur le territoire américain ? Téhéran réplique en fermant ses frontières aux Américains. Mais la guerre n’est pas seulement diplomatique. Elle a même des conséquences... dans le domaine du café. Depuis sa fusion récente avec son équivalent américain, "l’Association européenne des cafés gourmets" refuse désormais d’intervenir en Iran, par respect des sanctions américaines… sur le programme nucléaire. Ce qui désole notre Observateur.

L’association européenne des cafés gourmets (SCAE en anglais) intervenait depuis 2014 en Iran. Comme un peu partout à travers le monde, elle y organisait des ateliers pour baristas (des barmen spécialisés dans le café) et torréfacteurs, délivrait des diplômes et organisait des compétitions internationales. Quatorze formateurs iraniens avaient même reçu l’agrément de l’association. Mais le 1er janvier dernier, la SCAE a fusionné avec son homologue américaine, la SCAA.

Quinze jours avant l’entrée en vigueur de cette fusion, l’association a envoyé un email envoyé à ses adhérents iraniens les informant que "la SCAE n’étaient plus en mesure de poursuivre son activité en Iran. En raison de sa fusion avec l’association américaine des cafés gourmets, elle doit respecter la politique actuelle de sanctions".

Un formateur de la SCAE en Iran en septembre 2014. Photo : @IranianBarista

Du café, pas du pétrole

Mais de quelles sanctions s’agit-il ? La rédaction des Observateurs a contacté la SCAE pour solliciter une explication. Par email, l’association a répondu : "En tant que membre d’une organisation internationale, nous avons l’obligation de respecter la législation. Nous travaillons dans le cadre du Code des règlements fédéraux américain (section 560.209) où il est indiqué que nous n’avons pas le droit de fournir des services, avantages, informations et formations à des personnes ou entreprises opérant en Iran".

Pourtant, par une simple recherche, il est facile de constater que cette section 560.209 concerne l’industrie du pétrole, et n’a rien à voir avec le café.

Après un deuxième email sur cette question, la SCAE explique finalement que sa décision est une précaution : "Nous avons consulté notre conseiller juridique, et nous suivons son avis, qui est de ne pas entretenir de relations commerciales avec des entreprises ou des individus basés en Iran".

 

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Conséquence, les Iraniens qui comptaient sur la SCAE pour devenir baristas sont désemparés.

"Pourquoi Boeing peut-il signer des contrats et nous ne pouvons pas apprendre à faire du café ?"

Shadmehr est barista en Iran et cette décision va affecter sa vie et celle de ses collègues.

La décision de la SCAE de ne plus intervenir en Iran nous a beaucoup choqués. Beaucoup de gens ont investi des milliers d’euros pour participer aux cours et pouvoir lancer leur propre affaire. D’autres voulaient avoir le diplôme international pour travailler en Iran, mais aussi dans les pays voisins, comme Dubaï ou le Qatar. Ils sont tous bloqués par cette décision injuste. Et les Iraniens ne pourront pas non plus participer à la compétition internationale des baristas [la prochaine aura lieu à Budapest en juin 2017, NDLR].

Les membres de l’association en Iran voient cette décision comme discriminatoire et politique. Comment est-il possible que Boeing puisse signer des contrats de plusieurs millions de dollars avec l’Iran, mais que la SCAE doive rompre ses relations avec de simples citoyens qui aiment faire du café ?

Quoi qu’il en soit, cela ne nous empêchera pas de poursuivre notre passion. Dans ce monde, on ne peut plus bloquer l’art ou l’information. Certains de mes collègues pensent même que c’est l’occasion d’être plus indépendants et de créer notre propre savoir-faire.

La crainte de Donald Trump

Un conseiller de l’Union européenne explique à France 24, sous couvert d’anonymat : "Avant même l’accord sur le nucléaire, durant la période la plus dure des sanctions, les formations de citoyens iraniens par des Américains n’étaient pas interdites, en tout cas dans les domaines qui ne concernaient pas la technologie. Par exemple, une grande compagnie d’audit comme PricewaterhouseCoopers travaillait et réalisait des formations en Iran. Alors enseigner l’art du café aux Iraniens ne peut pas être illégal, en vertu d’une quelconque loi américaine. Je pense seulement que les entreprises ont peur de poursuivre leur engagement en Iran depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump ".

Le nouveau président a certes fermé les frontières américaines aux ressortissants iraniens pour trois mois. Mais après avoir promis durant sa campagne de remettre en cause l’accord sur le nucléaire, il a annoncé le 30 janvier qu’il veillerait à une "application rigoureuse "du texte.

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