Une “marche de la honte” pour deux touristes en Indonésie
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Deux touristes australiens ont dû marcher sur l’île Gili Trawangan, en Indonésie, affublé d'une pancarte signalant qu’ils étaient des voleurs. Ils étaient accusés d’avoir volé un vélo.
Une photo des deux jeunes a été postée une première fois le 10 décembre sur une page Facebook dédiée aux îles, mais l’image n’a attiré l’attention sur les réseaux sociaux et les médias qu’une semaine plus tard.
“JE SUIS UN VOLEUR – NE FAITES PAS CE QUE J’AI FAIT…!”, peut-on lire sur la pancarte accrochée au cou des touristes. Le duo a été accusé d’avoir volé le vélo d’un hôtel de l’île et a été repéré via des caméras de vidéo-surveillance. Les autorités de l’île les ont ensuite arrêtés avant de les faire défiler sur l’île, pancartes autour du cou, lors d’une "marche de la honte ". En Indonésie, ce type de punition est fréquent pour les infractions mineures comme le vol. France 24 n’a pas été en mesure d’obtenir des informations sur l’identité des touristes.
“Ils n’étaient pas tenus ou forcés – ce n’était pas un spectacle”
Notre Observateur était en vacances sur l’île et a assisté à la marche des deux Australiens.C’était notre dernier jour là-bas et nous étions au port pour embarquer sur les bateaux. Nous avons vu un peu d’agitation en haut de la rue – il n’y a qu’une seule rue principale. Les gens libéraient le passage et, vu qu’il n’y a pas de voitures sur l’île, nous avons trouvé cela étrange. Ensuite, nous avons vu des hommes habillés en noir en train de remonter la rue tout en encerclant quelqu’un.
[Les deux touristes] avaient de la place, ils étaient libres de leurs mouvements et n’étaient pas tenus ou forcés. L’un des policiers tenait un bâton, mais c’était simplement un élément de son uniforme. Tous marchaient normalement. Ils n’étaient pas en train de faire sonner une cloche pour attirer l’attention, c’était juste une marche dans le centre-ville, ce n’était pas un spectacle. Ils ne les montraient pas du doigt, ne se moquaient pas. Ils ne les ridiculisaient pas et ne les humiliaient pas non plus.
Je sais que si j’étais à leur place, je me sentirais humilié, mais ils marchaient normalement. Ils n’avaient pas les épaules rentrées ni la tête baissée, ils étaient simplement en train de se promener. Il ne m’a pas semblé que ça méritait d’être couvert par les médias.
Ils les ont juste montrés une fois sur la rue principale et, pendant ce temps-là, nous sommes allés nous asseoir en attendant notre bateau. Ils [les touristes] ont rejoint notre groupe qui embarquait peut-être 15 minutes plus tard. Je n’ai pas voulu leur parler. Je pense que la situation était sans doute suffisamment embarrassante. Mais ils avaient l’air d’aller bien, ils avaient été punis et c’était terminé.
Voir des marches de touristes blancs est une nouveauté
Gili Trawangan est une île inscrite dans une triade de petites îles indonésiennes situées à l’est de Bali, une destination très touristique. Le voyage en bateau depuis Lombok, la grande île la plus proche, prend environ 35 minutes. Du fait que les îles sont très petites, il n’y a pas de police locale. Ces marches sont des punitions habituelles pour le vol et ont lieu depuis des années. Ray Montgomery, un journaliste anglais qui habite à Gili Trawangan, est revenu plus en détail sur cette tradition des "marches de la honte" lors d’un entretien avec France 24.Cette pratique reste cantonnée aux petites infractions comme le vol. Pour un crime plus sérieux, les suspects seraient emmenés à la police de Lombok. Cette tradition est plus un moyen de dissuasion qu’autre chose. En général, les accusés doivent porter une pancarte et sont promenés de haut en bas de l’île. La plupart du temps, ils passent ensuite une demi-journée à nettoyer l’île ou à faire des travaux d’intérêt général avant d’être bannis de l’île.
Il n’y a pas d’agent de police présent de façon permanente sur l’île, les hommes qui entouraient les touristes sont des forces de sécurité privées. Ils ont le droit de détenir quelqu’un en cas de besoin, mais ça n’est pas vraiment une arrestation. Dans ce genre de cas, ils auraient été appelés par le chef du village et c’est lui qui aurait pris la décision.
Ce n’est pas un procès en bonne et due forme, pour être honnête. La décision est prise par les autorités en 20 ou 30 minutes. Il y a très peu d’assistance pour les accusés. Ils ont le droit de suivre la procédure officielle avec la police à Lombok, mais cette option prend beaucoup de temps et coûte cher. En général, donc, ils préfèrent faire la marche.
Je dirais que ces promenades ont lieu environ 3 ou 4 fois par an, et ça devient de plus en plus fréquent. D’habitude, ce sont les locaux qui doivent le faire. Voir des marches de touristes blancs est une nouveauté, bien que ce ne soit pas la première fois que ça arrive. Les locaux se rassemblent autour d’eux pour les regarder.