Les miliciens Koglweogo refusent de rentrer dans le rang au Burkina Faso
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Réunis le 3 décembre à Kombissiri, dans le centre du Burkina Faso, les principaux chefs Koglweogo – des milices rurales d’auto-défense – ont annoncé qu’ils refusaient d’intégrer la police de proximité œuvrant dans le pays. Une volte-face regrettable pour notre Observateur, qui regrette le pouvoir exercé par "la base" des miliciens sur ses chefs.
Les Koglweogo sont des membres de comités de vigilance auto-constitués, qui se sont donné comme mission de lutter contre les délinquants dans les zones rurales du Burkina Faso. Leur nombre s’est multiplié depuis deux ans. Bien qu’ils semblent appréciés par une grande partie des habitants, leurs méthodes de travail – jugements hâtifs, punitions violentes, etc. – sont aussi très critiquées.
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Ces derniers mois, des discussions ont été engagées entre les autorités et les Koglweogo, afin de réfléchir à la façon dont leur travail pourrait être davantage encadré.
Le 5 octobre, le Conseil des ministres a finalement adopté un décret sur les "modalités de participation des populations à la mise en œuvre de la police de proximité", permettant "d’encadrer les initiatives locales de sécurité et d’assurer le suivi de leurs activités". Directement concernés par ce décret, les Koglweogo l’ont salué, estimant qu’il s’agissait d’une "reconnaissance" pour eux.
Lancée par les autorités en 2005, la police de proximité est composée de simples citoyens, dont le rôle est d’appuyer les forces de l’ordre dans leur lutte contre l’insécurité, notamment à travers la prévention.
"Les chefs Koglweogo n’arrivent pas à imposer leurs choix à leurs hommes"
Clément Bassolé est community manager pour la radio burkinabè Wat FM. Il était présent à Kombissiri, une ville située à une quarantaine de kilomètres au sud-est de la capitale, le 3 décembre.Dans la matinée, une dizaine de chefs Koglweogo se sont réunis chez le président national du mouvement, pour discuter de leur participation ou non à la police de proximité. À l’extérieur, je pense qu’il y avait environ 500 hommes qui attendaient leur décision. Mais au bout de deux heures de discussion, ils ont commencé à s’impatienter.
Les chefs ont donc souhaité s’adresser à eux, mais leurs hommes ont commencé à leur crier dessus et à les menacer. Visiblement, ils avaient pressenti que leurs chefs étaient d’accord pour intégrer la police de proximité, alors qu’eux ne le souhaitaient pas.
Les chefs ont donc recommencé à discuter entre eux. Au bout d'une demi-heure, le président national est sorti pour déclarer qu’ils ne voulaient finalement pas être mêlés à la police de proximité. Tout le monde a alors applaudi et crié de joie.
"Pour les Koglweogo, la police n’a pas les mêmes méthodes qu’eux"
Je pense que les chefs ont été influencés par leur base. Ils n’arrivent pas à imposer leurs choix à leurs hommes. C’est dommage car je pense que les Koglweogo devraient intégrer la police de proximité afin de travailler dans un vrai cadre, pour éviter l’anarchie et les dérives qui leur sont reprochées.
Les Koglweogo ne veulent pas travailler avec la police de proximité car ils pensent qu’elle fonctionne mal et qu’ils n’ont pas les mêmes méthodes de "travail". Par exemple, quand les Koglweogo attrapent un voleur, ils ont tendance à le juger et à le punir très vite. Donc ils veulent garder leur "indépendance".
Par ailleurs, l’un des chefs, Moussa Thiombiano, dit "Django", estime que tous leurs hommes ne pourront probablement pas rejoindre la police de proximité, ce qui pourrait créer des tensions entre eux. En effet, les membres de la police de proximité touchent une petite rémunération. Donc il pense que les autorités ne pourront pas rémunérer autant de personnes à la fois.
Enfin, un autre chef, Boukary Kaboré, dit "Le Lion", aimerait surtout que leurs hommes soient rattachés directement à la présidence de la République.
Le 3 décembre, un autre chef Koglweogo, se faisant appeler "Ben Laden", en a également profité pour faire savoir qu’ils souhaitaient mettre en place des miliciens à Bobo-Dioulasso, la capitale économique du pays.
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À la suite de l’annonce faite par les Koglweogo, Simon Compaoré, le ministre de l'administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure, a réagi en indiquant qu’il restait "serein" et qu’il organiserait une tournée dans les treize régions du pays pour expliquer aux populations en quoi consiste la police de proximité.
ACTUALISATION : Samir Abdoul Karim Ouedraogo, porte-parole des Koglweogo, a précisé à France 24 pourquoi ils ne souhaitaient pas intégrer la police de proximité : "Cela signifierait que nous serions rattachés au ministère de la sécurité intérieure, alors qu'il voulait initialement nous supprimer. Nous avons donc l'impression que c'est une stratégie des autorités pour nous éliminer petit à petit. Par ailleurs, nous craignons que l'on nous impose des méthodes de travail inefficaces. Cela dit, nous souhaitons tout de même poursuivre notre coopération avec les autorités et nous ne sommes pas fermés à leurs propositions."