ZIMBABWE

Vidéos : au Zimbabwe, la nouvelle monnaie sème la discorde

Les nouveaux billets émis par la banque centrale du Zimbabwe ne font pas encore l'unanimité et sont refusés dans certains magasins.
Les nouveaux billets émis par la banque centrale du Zimbabwe ne font pas encore l'unanimité et sont refusés dans certains magasins.

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Refusés dans certaines stations essences et boutiques les "billets d’obligation", nom de la nouvelle monnaie mise en circulation le 28 novembre, au Zimbabwe, peinent à faire l’unanimité… Des vidéos, publiées sur les réseaux sociaux, montrent des commerçants refuser ces billets et ces pièces, qui doivent pourtant relancer la machine économique.

Le Zimbabwe n’a plus de monnaie nationale depuis 2009, le dollar zimbabwéen ayant disparu suite à une inflation hors norme de 231 millions de pourcent. Il avait alors été remplacé par le dollar américain et le rand sud-africain.

Le pays, à court de devises, a décidé d’injecter l’équivalent de 12 millions de dollars américains sous forme de "billets d’obligation ". Les premières coupures de 2 "dollars" et les "pièces d’obligation" de 1 dollar ont fait leur apparition lundi…Mais il semble difficile de payer avec !

Deux vidéos publiées sur Facebook le jour même de l’émission de cette nouvelle monnaie montrent déjà des commerçants refuser les "billets d’obligation".

La vidéo ci-dessous, filmée dans une station essence Zuva, montre une employée expliquer aux clients que son supérieur ne lui a pas encore donné l’autorisation d’accepter cette monnaie. Pour se justifier, elle leur montre le message qu’elle a reçu, lui indiquant de ne pas prendre les "billets d’obligation".

Une autre vidéo a été largement relayée. L’équipe des Observateurs de France 24 n’a pas réussi à déterminer le lieu exact où la vidéo a été enregistrée, mais selon nos Observateurs, il s’agirait d’un des magasins de la chaîne de supermarchés "Pick’n’Pay". On y voit un client tendre un nouveau billet. Il explique n’avoir sur lui que des "billets d’obligation", mais les deux employés refusent de le laisser payer avec.

"Les employés expliquent ne pas pouvoir vérifier l’authenticité des billets"

Selon notre Observateur Tendai Mbofana, habitant de Kwekwe, cette nouvelle monnaie suscite de nombreuses inquiétudes.

Il y a en effet des magasins qui ne prennent pas ces billets, ça m’est moi-même arrivé hier. Les employés expliquent ne pas avoir encore reçu de dispositif de sécurité permettant de vérifier l’authenticité des billets.

Certains sont également sceptiques quant à la véritable valeur de ces billets. Le gouvernement affirme qu’un Bond Note [billet d’obligation] est égale à un dollar américain, mais beaucoup n’y croient pas… Ils sont très inquiets et craignent le retour de l’hyperinflation.

"Dans la rue, les trafics commencent"

Le problème, c’est que de nombreux citoyens n’ont pas d’autres choix que d’utiliser cette nouvelle monnaie, parce qu’eux-mêmes n’ont plus de dollars. Je pense qu’à terme, les commerçants vont être obligés de prendre ces nouveaux billets et que la situation va s’arranger.

Mais pour le moment, c’est encore très confus. Il y a de longues queues devant les distributeurs automatiques : les gens veulent retirer au plus vite des dollars américains pour les garder chez eux. Dans la rue, les trafics commencent, certaines personnes s’échangent des billets d’obligation contre des dollars américains… à des taux totalement variables, parfois, c’est deux dollars américains contre trois dollars de billets d’obligation… Ce n’est pas le taux de change fixé par le gouvernement !

Une monnaie déjà dévaluée ?

Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes ont remarqué que la dévaluation de la nouvelle monnaie par rapport au dollar américain a déjà commencé.

Légende : Jour 1 et le billet d’obligation s’échange déjà à un niveau plus faible que le dollar américain.

Plusieurs économistes et opposants montent également au créneau pour dénoncer une mesure inutile. Pour l’économiste Anthony Hawkins, le principal problème du pays est qu’il ne récupère pas assez de devises étrangères, en raison du manque d’exportations, et selon lui, l’introduction d’une nouvelle monnaie ne va pas changer le problème de fond.

De son côté, le Mouvement pour un changement démocratique dénonce un subterfuge pour "réintroduire le dollar zimbabwéen" et estime les billets d’obligation "illégaux". "Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne provoquent de nouvelles pénuries" a déclaré le porte-parole de ce principal parti d’opposition, Obert Gutu. “Ces nouveaux billets zimbabwéens sont une grosse arnaque”, écrit même le site d’opposition Zimnews.net.

Fronde contre Robert Mugabe

L’introduction de cette monnaie ravive la fronde dirigée contre Robert Mugabe, le président au pouvoir depuis 28 ans. La semaine dernière, huit militants de l’opposition ont été agressés et passés à tabac, quelques heures avant un rassemblement contre l’introduction des billets d’obligation.

La crise économique et politique semble s’accentuer encore dans ce pays où près des trois-quarts des 16 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, et 90 % de la population active n’a pas d’emploi formel.