BAHREÏN

Un "Mannequin Challenge" pour dénoncer les préjugés à Bahreïn

Capture d'écran de la vidéo ci-dessous, réalisée par Omar Farooq.
Capture d'écran de la vidéo ci-dessous, réalisée par Omar Farooq.

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Depuis un mois, les vidéos de "Mannequin Challenge" sont devenus virales sur les réseaux sociaux. Il s’agit de vidéos généralement légères, montrant des personnes figées dans différentes postures. Un réalisateur et activiste bahreïni a décidé de surfer sur cette tendance pour se moquer des préjugés qui ont la peau dure dans son pays, et dénoncer les inégalités ou encore les tensions liées à la religion.

"Que pense la société ?" : c’est la question posée au début de cette vidéo, réalisée par Omar Farooq. De nombreuses personnes, habillées de façon traditionnelle ou à l’occidentale, sont ensuite filmées, avec un commentaire correspondant à chacune d’entre elles.

Vidéo diffusée sur la chaîne Youtube d'Omar Farooq.

Les jeunes ? "Tous frivoles"

Plusieurs thèmes sont abordés, à commencer par la question des mœurs. Un homme lisant le journal déclare ainsi : "Les jeunes d’aujourd’hui sont tous frivoles. Qu’Allah nous protège." (0’22) Une femme portant le hijab réplique alors : "Tous frivoles, sans exception ? Votre problème, c’est que vous adorez faire des généralités." (0’28)

L’homosexualité est également évoquée. Alors qu’un homme déclare souhaiter que tout le monde s’aime (1’29), deux autres rétorquent : "Nous aimer les uns les autres ? Vous parlez du mariage gay, c’est évident." (1’35) De fait, bien que l’homosexualité soit légale dans le pays, les discriminations restent fortes pour les gays et lesbiennes.

Les personnes appartenant à un autre courant religieux ? "Tous sectaires"

Les tensions entre sunnites et chiites sont également abordées par deux hommes se traitant tour à tour de "sectaires" (0’32, puis 0’39). Le réalisateur semble également dénoncer l’extrémisme religieux à travers un homme portant une arme à feu, le visage semi-couvert, et qui tient des propos menaçants, suivis d’un coup de feu : "Vous allez tous finir en enfer. Le drapeau d’Allah durera toujours." (0’47)

Par ailleurs, le réalisateur se moque des Bahreïnis qui estiment que l’Iran "est la cause de tous [leurs] problèmes", comme l’assure un homme dans la vidéo (1’21). En 2011, lorsqu’une révolte populaire avait éclaté au Bahreïn – une monarchie dominée par une famille sunnite, alors que la population est majoritairement chiite – le régime iranien avait ainsi été accusé de soutenir la révolte. Celle-ci avait été brutalement réprimée par les autorités, avec l’aide des troupes saoudiennes.

Des inégalités critiquées par le réalisateur

Les inégalités dans le royaume – entre hommes et femmes, riches et pauvres – sont également dénoncées. Des femmes qui manifestent demandent : "Est-ce que vous dites que les femmes n’ont aucun rôle à jouer dans la société ?" (1’54) "J’aimerais vous voir dans des manifestations tous les jours !" (1’59), leur répond alors un homme sur un ton condescendant, avant de les siffler. Puis un homme assis par terre demande : "Pourquoi c’est comme ça ? Pourquoi ils ont tout, alors que je n’ai même pas de quoi manger" (2’04).

Enfin, le gouvernement en prend aussi pour son grade : "Personne n’est ignorant, en dehors des gouvernements", dénonce un homme portant une veste bleue (1’14). Et le réalisateur se moque des généralités faites par certains au sujet des médias, qualifiés de "maçonniques" par deux hommes (1’39)

À la fin de la vidéo, un message apparaît : "À tous ceux qui se reconnaissent dans cette vidéo : elle est faite pour vous. Quant à ceux qui ne se reconnaissent pas, elle est également faite pour vous. Simplement, nous n’avions pas assez de comédiens."

Dans une interview accordée à la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabiya, le réalisateur Omar Farooq a indiqué qu’il avait réalisé cette vidéo en s’inspirant notamment de la révolte populaire de 2011 :

Nous, les Bahreïnis, nous avons été témoins d’une crise en 2011. Je pense que le conflit entre sunnites et chiites doit cesser. Il y a encore des gens qui font des blagues sectaires, qui peuvent provoquer la discorde dans la société et générer de la haine chez les gens.