IRAK

Autour de Mossoul, les civils suffoquent sous la fumée noire de l’EI

Photo prise à Qayyarah vers midi ce mercredi. La ville est pratiquement plongée dans le noir à cause de la fumée du pétrole
Photo prise à Qayyarah vers midi ce mercredi. La ville est pratiquement plongée dans le noir à cause de la fumée du pétrole
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Dimanche dernier, l’organisation de l’État islamique (EI) a fait exploser une usine de soufre à Mishraq, à 60 km au sud de Mossoul. La destruction des infrastructures est une technique classique des jihadistes quand ils sont attaqués : avant de fuir, ils ont ainsi incendié des champs de pétrole, notamment dans la région de Qayyarah. Les épaisses fumées noires exposent des dizaines de milliers de personnes à de sérieuses conséquences sur la santé, et inquiètent de plus en plus les médecins sur place.

En août dernier, l’armée irakienne réussissait à reprendre la ville de Qayyarah, à 60 mk au sud de Mossoul, aux combattants de l’EI. Avant de fuir, les jihadistes avaient mis le feu aux puits de pétrole dans la région. Et deux mois plus tard… ces puits brûlent toujours. Les jihadistes avaient même été jusqu’à inonder les rues de la ville de pétrole et y avaient mis le feu. Des équipes d'ingénieurs irakiens étaient néanmoins parvenues à éteindre une partie de l’incendie et à empêcher le feu de se propager dans les quartiers résidentiels.

Mettre le feu aux puits de pétrole est une technique utilisée par l’EI pour handicaper ses adversaires : l’épaisse fumée noire qui se dégage alors réduit la visibilité et complique l’avancée des troupes irakiennes et les vols des avions de reconnaissance et de chasse de la coalition.

Dans ce tweet, on peut lire : "Les images que vous êtes en train de regarder ont été prises dans la matinée…"

"C’est comme si on avait un pot d’échappement de voiture dans son appartement"

Sinan Khaddaj est médecin et responsable de l’ONG Women and Health International, qui gère deux centres de santé à Qayyarah.

Nous sommes devant un vrai problème de santé publique. Dans l’une des cliniques mobile que nous gérons à Qayyarah, rien que depuis ce matin [26 octobre] nous avons reçu 21 patients dont 18 femmes qui souffrent d’insuffisance respiratoire. Dans un autre centre de santé de la ville, nous avons reçu depuis ce matin près de 200 personnes. Les deux tiers d’entre elles souffrent également de problèmes respiratoires.

Certains jours comme aujourd’hui, un gros rideau de fumée s’abat sur Qayyarah. La ville s’obscurcit, et on suffoque. C’est comme si on avait un pot d’échappement de voiture dans son appartement. Le problème est récurrent depuis plusieurs semaines. Quand la direction du vent change, il nous amène cette fumée toxique.

"La nuit n’est pas encore tombée. Nous sommes en plein le jour. Mais l'EI a mis le feu aux puits de pétrole et aux gisements de soufre ici" dit cet utilisateur de Twitter.

"À long terme, on pourrait avoir des bronchites chroniques, ou même des cancers des poumons"

Ces émanations ont également pollué le fleuve Tigre, à l’est de la ville. Il y a des craintes désormais que le pétrole pollue les nappes phréatiques qui approvisionnent les habitants en eau potable.

À Qayyarah, près de 40 000 personnes sont exposées ainsi aux fumées toxiques. Nous avons distribué environ 5 000 masques chirurgicaux aujourd’hui, principalement aux personnes vulnérables, les enfants et ceux qui souffrent de maladies respiratoires. La fumée toxique n’a pas touché uniquement Qayyarah, mais plusieurs villages de la région, jusqu’à la ville de Makhmour, à plusieurs dizaines de kilomètres à l’Ouest.

Cette fumée a provoqué des cas d’insuffisance respiratoire surtout chez les enfants, des infections respiratoires et des cas de pneumonies. À long terme, cela risque d’être plus grave. On pourrait voir des cas de bronchites chroniques, ou même de cancer des poumons. Tout ce qu’on peut espérer quand ça arrive, c’est que le vent change rapidement de direction.

"Ces photos ont été prises ont prises à 11 heures et demi du matin..." explique ce tweet, alors qu'il fait nuit noire.

Pour venir en aide à la population, nous avons réhabilité cette semaine le rez-de-chaussée de l’hôpital de Qayyarah. Cet hôpital avait été bombardé par la coalition en août dernier, car des combattants de l’EI l’occupaient. Cette semaine, l’armée irakienne a déminé l’établissement. Près de 50 engins explosifs ont été retirés. Nous avons investi les lieux mais nous restons prudents. D’autres explosifs peuvent encore s’y trouver."

Éteindre l’incendie d’un puits de pétrole s’avère particulièrement complexe, puisque le pétrole, présent en très grande quantité, entretient les flammes. L’intervention est par ailleurs très dangereuse, en raison des explosions qui peuvent se produire, et coûteuse.

Deux semaines après le début de l'opération pour reprendre Mossoul, les forces irakiennes ont continué à avancer mercredi dans la banlieue de la ville. Elles sont parvenues à reconquérir de nombreux villages sans livrer de combats de rue. La plupart du temps, les jihadistes s’étaient enfui avant que les soldats ne pénètrent dans les villes.