PAKISTAN

Pakistan : le vendeur de thé aux beaux yeux devenu mannequin grâce à Internet

Photo grâce à laquelle Arshad Khan est devenu célèbre. Crédit: Jiah Ali
Photo grâce à laquelle Arshad Khan est devenu célèbre. Crédit: Jiah Ali

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Il a les yeux revolver. Un vendeur de thé de 18 ans est devenu une star nationale au Pakistan après que sa photo a été postée sur les réseaux sociaux, mettant en valeur ses étonnants yeux bleus. Si les médias locaux se réjouissent de cette success story inespérée, nombre d’internautes et de chroniqueurs y voient aussi une illustration d’un mépris de classe dans la société pakistanaise.

Depuis trois mois, Arshad Khan passait ses journées à vendre du thé dans une petite échoppe sur un marché d’Islamabad. Rien ne prédestinait cet ancien vendeur de légumes, qui n’est jamais allé à l’école, à devenir la coqueluche de tout un pays. Mais nous sommes en 2016 : il aura suffi du post Instagram d’une photographe ayant immortalisé son visage ténébreux transpercé par un regard couleur bleu lagon pour que l’adversité fasse place à la félicité.

"Aimée" par plus de 21 500 internautes et commenté par près de 2500 personnes depuis le 14 octobre, la photo a fait fureur sur la toile, attirant les médias locaux et internationaux jusqu’à son stand du marché.

Sur Twitter et Facebook, les internautes ont été aussi nombreux à partager sa photo :

"Béguin national des filles"

"S’il-vous-plaît, que quelqu’un fasse de cet homme un mannequin !"

Les détournements ont aussi été nombreux :

"50 shades of shaiwala in Islamabad" ["shaiwala" signifie "vendeur de thé" en ourdou]

La notoriété éclair d’Arshad Khan n’a pas laissé les hommes pakistanais indifférents :

"Jiah, moi aussi vais ouvrir un kiosque sur le marché dimanche prochain"

 À première vue, ce phénomène semble être du pain béni pour Arshad Khan, qui voit une nouvelle vie s’offrir à lui. "J’avais conscience que j’étais beau mais on ne peut rien faire quand on est pauvre", a-t-il déclaré à l’AFP. Depuis, une marque de vêtements pakistanaise l’a ainsi sponsorisé comme mannequin :

Sur les réseaux sociaux, le hashtag #chaiwala a été créé.

Un phénomène sexiste ?

Pourtant, des critiques se font aussi entendre, certains jugent que ce phénomène avant tout virtuel est sexiste :

"La majorité des personnes qui partagent la photo sont des filles, disant qu’il est beau, blabla. Et si je partageais la photo d’une fille travaillant dans un centre commercial. Comment vous m’appelleriez ? Un harceleur de fille qui travaille ?"

Sur le site anglophone Dawn, le plus consulté au Pakistan, la féministe pakistanaise Maria Amir dénonce un phénomène sexiste :

Si des hordes d’hommes commencent à twitter et à faire des memes [phénomène — notamment une image — repris et décliné en masse sur Internet, NDLR] d’une photo de femme parce qu’elle a un beau physique et des yeux bleus, beaucoup d’entre nous seraient outrés. Je sais que je le serais. (…) Le sexisme inversé reste du sexisme.

La vraie raison de son succès : être un pauvre beau ?

D’autres mettent en avant l’existence d’une violence de classe, notamment la blogueuse Fahranaz Zahidi :

J’ai un problème avec le fait que c'est parce que cet homme est un vendeur de thé que cela provoque la surprise. Qu’on l’on constate que cet homme a de toute évidence des origines très modestes, et qu’il est quand même beau. [..] Les classes supérieures bourgeoises du Pakistan pensent-elles que même la beauté et les attributs donnés par Dieu dépendent de l’argent et de la richesse ?

Une internaute moque ainsi l’engouement des jeunes femmes :

"Toutes les femmes deviennent gaga devant ce chaiwala et une fois qu’il enverra sa demande en mariage je pense que personne ne voudra de lui."

Ce qu’un autre internaute approuve :

"C’est juste un moyen de s’amuser car ils pensent que si tu as de l’argent, tu es beau. Alors c’est un choc pour eux eux [qu’il soit attrayant, NDLR]."