ARABIE SAOUDITE

Ces hommes qui défendent la cause féminine en Arabie saoudite

À Riyad, des activistes ont taggé sur des murs l'expression "Nous réclamons l'abrogation du système de tutelle sur la femme". Photo Twitter.
À Riyad, des activistes ont taggé sur des murs l'expression "Nous réclamons l'abrogation du système de tutelle sur la femme". Photo Twitter.
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En Arabie saoudite, les femmes sont traitées comme des mineures. Que ce soit pour voyager à l’étranger, se marier, travailler ou bénéficier de soins de santé, elles doivent au préalable obtenir une autorisation d’un homme. Ces dernières semaines, une campagne réclamant l’abrogation de ce système appelé "tutelle légale" a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux. Et elle n’est pas portée que par des femmes…

La campagne a été lancée par l’ONG Human Rights Watch en juillet dernier. "Le système de tutelle masculine est l'obstacle le plus important à la réalisation des droits des femmes […]" dit l’ONG, rappelant que l’autorisation d’un homme (père, mari, frère, et parfois fils) est nécessaire pour à peu près n’importe quel fait et geste, incluant la réalisation de transactions bancaires ou la location d’un appartement. Alors que des droits basiques leur sont toujours refusés, notamment celui de conduire une voiture.

Sous le hashtag #TogetherToEndMaleGuardianship ( #سعوديات_تطالب_باسقاط_الولاية, en arabe, soit "ensemble pour mettre fin à la tutelle masculine"), de nombreuses Saoudiennes participent à cette campagne sur Twitter.

Une Saoudienne brandissant une pancarte avec l’inscription : "Je ne suis pas mineure".

 

"Je vis dans un pays où je ne peux me déplacer nulle part sans l’accord de mon mari. Je suis en train de mourir ici. Je ne fais que manger ou dormir."

Comme le montrent les images ci-dessous, certaines personnes ont même tagué les murs de la capitale Riyad avec des messages exigeant la fin du système de tutelle masculine.

Dans cette campagne, des hommes ne sont pas en reste. Certains Saoudiens ont ainsi tenu à faire entendre leur voix. Si les exemples restent encore peu nombreux, quelques Saoudiens ont tenu à afficher ouvertement, sur les réseaux sociaux, leur soutien à l’émancipation de la femme.

"Les droits des femmes, je les défends en tant qu’avocat et conseiller juridique".

"Le rôle de la mère est de former les générations futures. Comment former les générations futures lorsqu’on est traité comme un mineur ?!"

Nos Observateurs ont aussi pris position à l’occasion de la campagne. Accorder aux femmes une place égale à celles des hommes est pour eux nécessaire, et serait salutaire pour tout le pays.

"Ceux qui soutiennent le système de tutelle sont des complexés, qui ne supportent pas d’être surclassés par une femme"

Nazzar al-Barraq est activiste dans le domaine des droits de l’Homme. Il n’hésite pas comparer la situation de la femme en Arabie saoudite à de l’esclavagisme.

Notre société ressemble à un corps souffrant d’une paralysie partielle. C’est comme si on était amputé de la moitié de la nation. Tant que la femme ne pourra pas jouir pleinement de ses droits naturels, on restera à la traîne des nations développées.

Ceux qui soutiennent ce système sont des complexés, qui ne supportent pas d’être surclassés par une femme. Quand la femme saoudienne n’est pas réduite à un statut de citoyenne de seconde zone et marginalisée, elle est capable d’accomplir des choses extraordinaires. Regardez la chercheuse Adah Almutairi qui, après avoir poursuivi ses études aux États-Unis, a obtenu des prix prestigieux et est aujourd’hui reconnue à travers le monde pour ses travaux dans le domaine de la nano-médecine. En Arabie saoudite, il y a des milliers d’Almutairi mais malheureusement, leur créativité est bridée à cause de ce système rétrograde qui en fait des esclaves. Il faut totalement et simplement abroger le système de tutelle afin que la femme ait les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’homme.

Je suis pour la création d’une loi qui consacre les droits à la liberté et à la justice pour toutes les femmes en Arabie saoudite, et qui stipule notamment clairement que la femme peut se marier et avec qui elle veut, le tout sans demander l’autorisation de personne. L’âge du mariage devrait également être fixé à 18 ans [L’âge légal du mariage pour la femme est actuellement fixé à 16 ans].

"À force, beaucoup de Saoudiennes ont perdu confiance en elles"

Mashaal est un habitant Riyad. Il a pris position pour la campagne sur Twitter.

Je soutiens cette campagne car je considère qu’elle défend un droit humain fondamental. La femme devrait jouir des mêmes droits que l’homme et être son propre tuteur. Comme le stipule la Charte internationale des droits de l’Homme des Nations unies. La tutelle, c’est une manière légale d’humilier la femme et de la réduire en esclavage.

Certains religieux et des internautes prétendent que cette campagne est un complot sioniste visant à déstabiliser l’Arabie saoudite. Cela me fait rire ! En Arabie saoudite, nous sommes obsédés par les théories du complot. Mais ils ne sont pas nombreux à être obsédés par les droits de l’homme...

 

"Une campagne orchestrée par les suppôts des sionistes est en train d’appeler à la libération de la femme et à l’abrogation de la tutelle, qui a été prescrite par Dieu et son prophète pour les croyantes."

Je suis marié, et je dis souvent à ma femme : "Je ne suis pas ton tuteur, tu es ton propre maître". Et je dirais la même chose à ma fille quand elle sera plus grande. J’essaye de faire comprendre aux femmes de ma famille que rien ne les empêche de prendre leur destinée en main.

À force de s’entendre dire par leurs pères, frères, maris, qu’elles sont moins fortes et moins intelligentes, beaucoup de femmes finissent par croire qu’elles sont inférieures et par perdre toute confiance en elle. C’est surtout cela qu’il faut changer. Et ça passe par l’éducation.