BRÉSIL

Dans le nord du Brésil, des gangs contrôlent l’insurrection urbaine depuis leur prison

Capture d'écran de la première vidéo ci-dessous.
Capture d'écran de la première vidéo ci-dessous.
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Des bus, des voitures de police, des édifices publics incendiés ou criblés de balles… Depuis vendredi, une soixantaine d’attaques ont été commises par des gangs dans plusieurs villes situées dans le nord-est du Brésil, afin de protester contre l’installation d’un système brouillant les ondes des téléphones portables dans une prison locale. Sur place, nos Observateurs décrivent une population apeurée et une vie tournant au ralenti.

La colère grondait du côté des gangs depuis le jeudi 28 juillet. Ce jour-là, des installations permettant de brouiller les ondes des téléphones portables – empêchant ainsi de passer ou de recevoir des appels – avaient été mises en place dans la prison de Parnamirim, une ville située au sud de Natal, la capitale de l'État du Rio Grande do Norte.

Des messages audio faisant référence à ces installations et contenant des menaces avaient alors commencé à circuler sur WhatsApp, enregistrés par des détenus et leurs complices à l’extérieur de la prison, tels que celui -ci : "Préviens tes amis, ta mère… pour qu’ils ne sortent pas de chez eux, car une attaque importante va se produire après 18 h. On va répondre à l’État, qui a bloqué l’usage des téléphones portables ici, à la prison, compris ?"

Les premières attaques se sont produites dès le lendemain, commanditées depuis les prisons, selon les autorités. De nombreux bus, plusieurs postes de police, un tribunal, un gymnase ou encore une banque ont été incendiés ou attaqués par balles à Natal et dans d’autres villes environnantes.

Dans cette vidéo circulant sur WhatsApp, tournée à Natal, des individus portant des pistolets – pour certains cagoulés – mettent le feu à des bus, avant d’entrer dans un local adjacent, où ils demandent "où sont les clés".

Au total, une soixantaine d’attaques ont été répertoriées depuis vendredi, et au moins une personne a été blessée, lors de l’explosion d’une voiture sur un parking de supermarché.

Par ailleurs, 17 prisonniers sont parvenus à s’évader du Centre de détention provisoire de Ribeira, un quartier de Natal, dans la nuit du dimanche au lundi.

Un bus incendié vendredi à Natal.

Un autre bus incendié à Natal. Les transports publics ont été les plus touchés par la vague d'attaques ayant commencé vendredi.

"Seuls les endroits représentant de près ou de loin les pouvoirs publics ont été attaqués"

Adriana (pseudonyme) est une adolescente vivant à São Gonçalo do Amarante, une ville située à l’ouest de Natal.

Depuis vendredi, je suis peu sortie de chez moi en raison de tout ce qui se passe actuellement et des messages audio qui circulent sur WhatsApp, disant que des magasins ou encore des écoles vont être attaqués, et qu’il ne faut pas sortir. D’ailleurs, c’est également ce que les autorités nous ont conseillé. [D'autres habitants vivant dans la zone ont indiqué à France 24 qu’ils n’étaient pas sortis de chez eux depuis vendredi, NDLR.]

La personne ayant filmé cette vidéo vendredi, à Natal, évoque la "terreur" des habitants, alors qu'un bus a été incendié plus loin.

Pourtant, la population n’a pas été ciblée jusqu’à présent. Seuls les endroits représentant de près ou de loin les pouvoirs publics ont été attaqués. [Contacté par France 24, un autre habitant raconte que le bus dans lequel voyageait l’un de ses amis a été incendié par un individu, mais que ce dernier avait demandé aux passagers de sortir du véhicule au préalable, NDLR.]

"La vie tourne au ralenti"

Ici, la vie tourne vraiment au ralenti : depuis vendredi beaucoup d’écoles ont été fermées, de nombreux magasins ont baissé le rideau, presque personne ne sort dans les rues… C’est la première fois que c’est comme ça. Mais on a l’impression que les médias en parlent peu, car ils semblent focalisés sur les Jeux olympiques.

Dans cette vidéo, on aperçoit notamment un local de la police civile.

Alors que les transports publics avaient cessé de fonctionner depuis samedi après-midi, une partie des bus ont commencé à circuler à nouveau lundi matin, à Natal.

Par ailleurs, les autorités ont annoncé que 60 personnes suspectées d’être liées à ces attaques avaient été arrêtées depuis vendredi. Un millier de militaires devraient également arriver sur place cette semaine, afin de prêter main forte à la police.

"Les narcotrafiquants en prison utilisent leurs téléphones portables pour gérer le trafic depuis leurs cellules"

Daniel (pseudonyme) habite à Fortaleza, dans l'État voisin du Ceará, où des attaques similaires s’étaient déjà produites en juillet. Selon lui, les récents évènements dans les deux États répondent à la même logique.

Dans le Ceará, les attaques se sont produites quatre mois après l’approbation d’un projet de loi par l’Assemblée législative locale obligeant les opérateurs de téléphonie mobile à bloquer les ondes des portables dans les prisons : ce n’est pas un hasard... [Les autorités avaient indiqué à l’époque qu’il s’agissait d’un outil destiné à combattre le crime organisé, NDLR.]

En fait, les narcotrafiquants qui se trouvent en prison utilisent leurs téléphones portables pour gérer le trafic depuis leurs cellules. D’où les représailles des gangs, lorsque les autorités cherchent à stopper à ces pratiques.

Selon moi, les gangs ne s’en prennent pas aux gens directement car ils veulent qu’ils les laissent faire leur trafic "en paix". Par contre, lorsqu’ils menacent et attaquent l'État, ils souhaitent montrer qu’ils sont tout-puissants et que la police est impuissante face à eux.

Une voiture ayant explosé dans un parking, au nord de Natal.