Rébellion anti-koglweogo : les milices populaires ne font pas l’unanimité à Ouagadougou
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Des affrontements entre des koglweogo – des membres de comités de vigilance auto-constitués pour lutter contre la délinquance – et des habitants se sont produits ce week-end dans un village en périphérie de Ouagadougou. En toile de fond : le rejet de ces groupes par une partie de la population burkinabè vivant dans les zones urbaines ou périurbaines, qui dénonce les dérives et les violences liées à leurs activités.
Les koglweogo ont formé des comités de vigilance dans les zones rurales du Burkina Faso. Ils interpellent et punissent eux-mêmes ceux qu’ils soupçonnent de délinquance. Leur nombre s'est multiplié depuis un an et demi afin de contrer, selon eux, la hausse des cas de banditisme, face à laquelle la police serait impuissante. Bien que leur travail soit souvent apprécié par les habitants vivant à la campagne, leurs dérives inquiètent également (punitions violentes, jugements hâtifs, etc.).
Pour en savoir plus sur les koglweogo :
>> Lire notre article : Les "koglweogo", ces milices rurales qui suppléent la justice au Burkina Faso
>> Regarder notre reportage Ligne Directe : Les milices incontrôlables du Burkina Faso
Vendredi 24 juin, un incident a mis le feu aux poudres à Zongo, un village situé à la périphérie de Ouagadougou. Selon la presse locale, des koglweogo auraient arrêté un jeune du quartier, l’accusant d’être un voleur, ce qui aurait provoqué la colère des habitants.
Le lendemain, des jeunes de Zongo et de quartiers environnants, munis d’armes blanches, se sont rendus au quartier général des koglweogo, situé dans la zone, afin de s’en prendre à eux. Des affrontements ont alors éclaté, provoquant l’intervention des forces de l’ordre. Selon un habitant du village interrogé par la radio burkinabè Radio Omega, des tirs auraient été entendus.
Les forces de l'ordre sont intervenues pour mettre fin aux affrontements. Photo de notre Observateur.
"Les habitants de Zongo ne veulent plus de ces milices visiblement"
Tidiane Kevin Traoré, un habitant de Ouagadougou, s'est rendu à Zongo samedi 25 juin, après avoir entendu parler des affrontements qui étaient en cours. Il est arrivé sur place peu après la fin des violences.Quand je suis arrivé là-bas, des blessés se trouvaient à terre : c'était des jeunes qui s'étaient opposés aux koglweogo. Les pompiers sont ensuite arrivés et en ont emmené trois avec eux. L’un d’eux était blessé à la cuisse, un autre au flanc : ils avaient manifestement reçu des éclats provenant de l’utilisation de fusils de fabrication artisanale par les koglweogo. Je crois qu’il y a eu une dizaine de blessés environ, parmi les jeunes du village et des quartiers environnants. [Selon la presse locale, au moins cinq personnes ont été blessées, NDLR.]
Des CRS et des membres de la Brigade anti-criminelle étaient présents quand je suis arrivé, tandis que les gendarmes sont venus plus tard. Comme deux motos [appartenant aux koglweogo, NDLR] avaient déjà été brûlées, les policiers ont récupéré les motos restantes et des vélos, et les ont mis à bord d’un véhicule, pour éviter qu’ils ne soient également brûlés ou volés.
URGENT #Burkina Kogléwéogo # groupes de jeunes à Zongo
Deux motos des éléments des koglweogo parties en fumée. pic.twitter.com/jQxa6PAlYD
Les policiers ont dû protéger les koglweogo, car les habitants voulaient s’en prendre à eux. Mais ils ont également arrêté certains miliciens, puisqu’ils auraient tiré sur la population. [Selon Morgane Le Cam, une journaliste collaborant pour Le Monde Afrique au Burkina Faso, les autorités ont annoncé avoir interpellé une soixantaine de koglweogo ce jour-là, NDLR.]
Ensuite, j’ai vu la population saccager les deux hangars – l’un en tôle, l’autre en paille – constituant le quartier général des koglweogo, avant de les brûler.
Afin de réclamer la libération des koglweogo, des jeunes qui les défendent ont manifesté sur la route nationale à la sortie de Ouagadougou, mardi. La police est donc intervenue pour les faire partir.
"En ville, où les gens se sentent plus en sécurité qu’à la campagne, les opinions sont très divergentes concernant les koglweogo"
Cela faisait trois ou quatre mois que les koglweogo s’étaient installés dans le village de Zongo. Au début, je crois que cela convenait aux habitants, car ils se disaient qu’ils allaient assurer leur sécurité. Les koglweogo avaient le soutien des autorités locales, comme c’est généralement le cas dans les endroits où ils s’installent.
Mais ensuite, les habitants de Zongo ont vu qu'il y avait également des dérives liées au travail de ces milices. Par exemple, il y a un mois, un mécanicien d’un village voisin a été violenté par des koglweogo, car un client l’avait accusé de lui avoir volé des pièces de sa moto. Ensuite, les koglweogo ont voulu l’emmener pour le "juger", mais la population s’y est opposée et il y a eu des affrontements. Beaucoup d’habitants de Zongo ne veulent donc plus de ces milices.
À Ouagadougou et en périphérie, certains habitants soutiennent les koglweogo, car ils estiment qu’ils sont utiles. D’autres sont d’accord pour qu’ils arrêtent les délinquants, uniquement s’ils les remettent ensuite à la police, sans faire justice eux-mêmes. Enfin, d’autres sont totalement opposés à ces milices, comme moi. L’usage de la force est un monopole de l’État. Ce n’est pas à des milices de remplir le rôle des forces de l’ordre, en infligeant des sévices corporels aux personnes qu’elles arrêtent. En plus, je trouve que nos policiers ne s’en sortent pas trop mal pour nous protéger, vu le peu de moyens dont ils disposent.
Cela dit, les policiers sont plus nombreux en ville qu’à la campagne, donc les citadins se sentent sûrement plus en sécurité : c’est pourquoi ils soutiennent nettement moins les koglweogo que les habitants des zones rurales.
En périphérie de Ouagadougou, des koglweogo se sont également installés dans les villages de Zagtouli, Tanghin-Dassouri, Saaba et Komsilga, selon Yaya Boudani, le correspondant de RFI, joint par France 24.