Permettre aux populations des zones rurales et arides d’avoir accès facilement à une eau potable, de façon écologique et peu coûteuse : c’est l’idée d’un architecte italien avec sa tour Warka. Faite de bambou, elle permet de capturer l’humidité de l’air pour la transformer en eau propre à la consommation. Le premier modèle a vu le jour en Éthiopie, mais le projet devrait maintenant se développer à travers le monde.
Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé paru en 2013, près de 2,4 milliards de personnes seraient privées d’eau potable saine et 1,8 milliards de personnes consommeraient une eau dangereuse pour leur santé.
Une situation particulièrement préoccupante en Éthiopie, où seulement 34 % de la population a accès à l’eau potable, d’après les chiffres avancés par l’entreprise Warka Water.
C’est pour remédier à ce problème que l’architecte italien Arturo Vittori a inventé un réservoir d’eau potable fonctionnant grâce à un système de récupération de l’humidité de l’air.
La première tour Warka en Ethiopie. Photo : Warka Water.
"La structure est faite de bambou et recouverte d’un tissu dont le maillage permet de recueillir l’humidité"
En 2012, je suis parti en voyage dans le nord-est de l’Éthiopie. J’ai traversé plusieurs petits villages isolés et j’ai vu des femmes et des enfants parcourir des kilomètres à pied pour ramener de l’eau dans leur village. J’avais déjà entendu parler du problème de manque d’eau dans des reportages à la télévision, mais c’était la première fois que je m’en rendais compte de mes propres yeux. Cette situation m’a beaucoup ému et, de retour en Italie, j’ai commencé à réfléchir à une idée qui permettrait d’apporter de l’eau dans ces villages.
Sur place, je m’étais rendu compte que le matin le climat était très humide et je me suis dit qu’il était possible de récupérer cette humidité. Je me suis rappelé que dans la région où j’ai grandi en Italie, lors de la cueillette des olives, on place sous les arbres de grands filets qui permettent de ramasser le tout plus facilement. Je me suis souvenu que le matin, lorsque nous retournions dans les champs, le filet était toujours mouillé, non pas parce qu’il avait plu dans la nuit, mais à cause de l’humidité qui s’était déposée.
Le maillage qui recouvre la structure permet de capturer l'humidité de l'air. Photo : Warka Water.
"Le nom Warka est celui d’un figuier sous lequel les villageois ont l’habitude de se retrouver"
J’ai alors tenté de reproduire ce phénomène à la verticale, pour que l’eau puisse ruisseler et être récupérée. J’ai voulu que la structure soit conçue avec des matériaux peu chers pour les villageois. Il s’agit essentiellement de bambou. Cette structure est recouverte d’un tissu dont le maillage permet de recueillir l’humidité. Les gouttes coulent ensuite vers un réservoir central.
La tour imite les constructions traditionnelles. Photo : Warka Water.
Avec une seule tour, on peut en moyenne récupérer 100 litres d’eau par jour. Je tenais également à ce que cette tour s’adapte au paysage, ainsi sa forme arrondie imite les constructions traditionnelles. Le nom "Warka" est celui d’un figuier en Éthiopie, c’est sous cet arbre que les villageois se rassemblent, c’est un lieu de socialisation.
L'arbre Warka, qui a donné le nom à la tour. Photo : Warka Water.
"Nous allons maintenant travailler sur des projets similaires au Brésil, en Indonésie et en Colombie"
J’ai proposé ce projet aux chefs du village de Dorzé. Je leur ai expliqué le concept et je leur ai dit que si ça ne leur plaisait pas ou si ça posait le moindre problème, je pourrais l’enlever facilement. C’est en effet l’un des atouts de la tour : elle se construit en moins d’une semaine elle est facilement transportable. Nous voulons que la structure soit relativement accessible et que son prix n'excède pas les 1 000 dollars.
Pour les habitants du village de Dorzé, plus besoin de faire des kilomètres à pied pour avoir accès à l'eau potable. Photo : Warka Water.
Nous travaillons sur ce projet depuis trois ans et maintenant la tour en Éthiopie marche bien, alors nous sommes appelés par plusieurs associations dans le monde. Au Liban et au Brésil, des tours ont déjà été installées et nous allons maintenant travailler sur des projets similaires en Indonésie et en Colombie.
Pour développer le projet en Éthiopie, Arturo s’est entouré de deux jeunes étudiants de l’université d’architecture d'Addis Abeba, Kidus Belayneh et Adane Alemayehu.
"Beaucoup d’enfants ont maintenant le temps d’aller à l’école !"
Nous avons aidé Arturo à construire la tour à Dorzé. Le projet a été très bien reçu et les habitants n’ont pas eu de mal à s’approprier la structure. Aujourd’hui, plus besoin de marcher des heures pour aller ramener de l’eau. Conséquence : beaucoup d’enfants ont maintenant le temps d’aller à l’école !
J’ai de la famille qui habite dans des villages reculés où les sources d’eau potable sont quasiment inaccessibles. C’est un problème que nous connaissons bien en Éthiopie et qui pousse beaucoup d’habitants à ne pas faire attention à l’eau qu’ils consomment, ce qui provoque des maladies. Et ça ne touche pas que les zones rurales : même dans la capitale, il est difficile de trouver de l’eau potable.
Kidus Belayneh a pu participer à la construction de la tour en Éthiopie. Photo : Warka Water.
Avec un autre étudiant de mon université, nous sommes actuellement en stage en Italie, avec Arturo. Nous essayons de faire évoluer le projet pour pouvoir ensuite l’implanter dans d’autres villages dans notre pays.
Pour le moment la priorité c’est l’accès à l’eau potable, mais nous réfléchissons également à des tours qui serviraient à l’irrigation et à l’agriculture pour faire face aux graves sécheresses. [Selon l’ONU, l’Éthiopie fait face à la pire sécheresse depuis 30 ans, NDLR].