NAURU

Vidéo : vives tensions dans un camp de migrants, bloqués depuis 1 000 jours à Nauru

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Plusieurs migrants refoulés par l'Australie sur l'île de Nauru sont retenus depuis maintenant plus de 1 000 jours, soit près de trois ans. Pour alerter l'opinion sur leur sort, des dizaines de migrants manifestent depuis deux semaines… et cela ne plaît visiblement pas aux agents de sécurité du camp. Une vidéo montre une scène de panique après des heurts avec les forces de sécurité. Selon notre observatrice des enfants ont été blessés. Témoignage de Maria, 18 ans, bloquée dans le camp depuis deux années.

La république de Nauru, micro-État insulaire situé dans l’océan Pacifique, héberge dans un centre de rétention plusieurs centaines de migrants, dont une quarantaine d’enfants, refoulés par l'Australie.

Depuis deux semaines, plusieurs dizaines de migrants bloqués à Nauru manifestent pour rappeler à Canberra qu'ils ont passé près de 1 000 jours dans ce camp.

DAY 9 Protesting. Locked in the hell hole camp Nauru.Human Rights where are you?

Posted by Free the Children NAURU on Sunday, March 27, 2016

Selon plusieurs témoignages, une manifestation a dégénéré mercredi 6 avril. Une vidéo, postée après les incidents sur la page Facebook "Free the Children of Nauru" et très largement commentée par la presse australienne, témoigne du climat de tension dans le camp.

Security try to get in at the end when everyone starts screaming.

Posted by Free the Children NAURU on Wednesday, April 6, 2016

On y voit une personne à terre et plusieurs autres se rassembler autour d’elle, puis on entend la voix d'un homme. "Les officiers ont commencé à les frapper", commente-t-il, puis une femme intervient : "Ils nous ont agressés, ils ont frappé tous les enfants". L'image vire ensuite au noir, un groupe de personnes crie puis l’on voit plusieurs individus lancer des chaises.

Les images ne montrent pas clairement des affrontements entre agents de sécurité et migrants, mais selon plusieurs témoignages et des photos relayées sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes, dont des enfants, auraient été blessées par les gardes.

Cette journaliste, fréquement en contact avec des réfugiés du camp de Nauru, a expliqué à notre équipe avoir reçu cette photo via un contact sur place. L'ONG Refugee Action a également relayé cette photo.

Notre Observatrice Maria a 18 ans. Elle vit dans le camp :

"En partant pour l'Australie, nous pensions juste pouvoir rejoindre un pays des droits de l'Homme"

Cela fait 19 jours qu’il y a des manifestations dans le camp parce que certains ont passé plus de 1 000 jours ici.

Après deux semaines de contestation, sept jeunes garçons, mineurs, ont grimpé sur une tente et on dit qu’ils allaient sauter et se tuer.

Photo envoyée par le porte-parole de l'ONG Refugee Action, Ian Rintoul.

La sécurité leur a demandé pourquoi ils voulaient faire ça et ils ont expliqué qu’ils avaient trop de questions sans réponse. Ils se demandent notamment pourquoi, quand ils sont arrivés en bateau en Australie, ils ont été déplacés vers Nauru par la force, alors que d’autres ne l’ont pas été, et pourquoi ils n'ont toujours pas le droit de s'installer en Australie. Ils ont écrit une lettre qu'ils ont envoyée aux services d’immigration.

Letter from the children on Nauru to Canberra.

Posted by Free the Children NAURU on Wednesday, April 6, 2016

Mercredi, une dame est venue nous apporter la lettre de réponse, mais elle ne répondait à aucune de nos questions et il y était écrit que Nauru était un bon endroit, où l’éducation est la même qu’en Australie et que si ça ne leur convenait pas, ils pouvaient demander à partir vers leur pays d’origine ou le Cambodge. [L'Australie a signé en septembre 2014 un accord controversé avec le Cambodge, l'un des pays les plus pauvres du monde, prévoyant que les migrants ayant obtenu le statut de réfugié à Nauru puissent, s'ils le veulent, s'installer de façon permanente au Cambodge, NDLR]

Alors, des jeunes du camp ont commencé à être très frustrés et à lancer des chaises. La sécurité est intervenue et a commencé à les frapper. Mon frère était là, alors j’ai essayé de l’aider mais un garde m’a jetée contre un mur. Les parents sont venus et les gardes ont commencé à frapper tout le monde. Nous avons essayé d'écarter les enfants pour les mettre en sécurité et, voyant que nous voulions calmer la situation, les gardes sont retournés derrière les barrières.

La vidéo a été prise quand les gardes étaient à l’extérieur du camp, juste après les bagarres. C’était la panique, quand les gardes se sont approchés à nouveau de la grille, nous avions eu peur qu’ils nous agressent à nouveau, c’est pour cela qu'on entend des gens crier.

Dans un communiqué, les services d’immigration australiens ont confirmé que des incidents avaient eu lieu dans la nuit de mercredi à jeudi. Selon eux, plusieurs agents de sécurité ont été blessés et deux réfugiés ont reçu des soins médicaux. En revanche, ils nient les violences à l'encontre de femmes et d’enfants.

Mais difficile de savoir exactement ce qui se passe dans ce camp. En octobre 2015, Amnesty international avait publié un rapport expliquant que les médias internationaux se voyaient systématiquement refuser l’accès à l’île.

Et selon notre Observatrice, le camp s'apparente à une véritable prison.

Ici, nous ne pouvons rien faire. Si nous voulons aller à l'école, il faut y aller avec les habitants de Nauru. Mais nous ne sommes pas très bien vus et on n'y est pas vraiment en sécurité… Donc on n'y va plus.

À l’extérieur, nous sommes agressés par les habitants de l’île. Depuis plusieurs années, certains habitants de l’île menacent les migrants. [En décembre 2014, le quotidien britannique The Guardian avait recueilli plusieurs témoignages de migrants qui racontaient les agressions quotidiennes qu’ils subissaient, NDLR.]

Personne ne peut venir ici, on essaie de nous cacher. En partant pour l'Australie, nous pensions juste pouvoir rejoindre un pays des droits de l'Homme.

Il y a un an, nous avions déjà reçu plusieurs photos de migrants détenus sur l'île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, un autre État à qui l'Australie sous-traite la prise en charge de ses demandeurs d'asile.