ANGOLA

Épidémies : débordés, les hôpitaux angolais se transforment en mouroirs

Les proches des malades attendent pour donner leur sang. Photo envoyée par notre Observateur.
Les proches des malades attendent pour donner leur sang. Photo envoyée par notre Observateur.
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Des couloirs bondés, de longues files d’attentes devant les morgues… plusieurs Observateurs angolais nous ont envoyé des images alarmantes de la situation dans les hôpitaux de la capitale, Luanda. Selon notre Observateur médecin à l’hôpital Boa Vida, la crise est devenue totalement ingérable pour les hôpitaux.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), au moins 250 personnes sont mortes de l'épidémie de fièvre jaune qui sévit en Angola depuis fin décembre et  qui continue de s'étendre. Luanda, épicentre de l'épidémie, croule sous les déchets et plusieurs Observateurs nous avaient déjà fait part de leur inquiétude concernant l'insalubrité de la ville et la prolifération des maladies. Malheureusement, leurs prédictions sont devenues réalité, une crise sanitaire est en cours.

Antonio L. est médecin à l'hôpital Boa Vida de Luanda. 

"Nous ne sommes déjà plus en mesure de soigner tout le monde"

Depuis décembre, l’Angola doit faire face à la résurgence de plusieurs épidémies comme la fièvre jaune mais aussi le paludisme et la dengue. Chaque jour, des centaines de personnes attendent dans les couloirs des hôpitaux.

Les plus touchés sont les enfants et les jeunes, jusqu’à 20 ans, parce qu'ils n'ont pas assez de défenses immunitaires. Ces maladies existaient déjà en Angola, mais cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu à faire face à une telle crise. La dernière était une épidémie de choléra au début des années 2000.

Toutes ces maladies sont véhiculées par les moustiques et ce n’est pas un hasard. L’insalubrité de la ville et les fortes pluies ont permis leur prolifération. En 2004, un programme de lutte contre les moustiques avait été mis en place mais avec la crise, il n’a plus été financé. Il consistait notamment à distribuer des moustiquaires aux habitants.

"La campagne de vaccination contre la fièvre jaune se fait de façon confuse"

Je pense que le gouvernement angolais n'a pas sensibilisé assez la population à propos des vaccins, notamment contre la fièvre jaune.

Depuis le mois de janvier, l'OMS a noté une forte résurgence de cette maladie. Le gouvernement a finalement lancé une vaste campagne de vaccination. Mais c’est un peu tard et, surtout, cela se fait de façon très confuse. Beaucoup d’hôpitaux n’ont pas assez de vaccins en stock et les files d’attente sont immenses.

Dans les hôpitaux, nous manquons de moyens humains et matériels pour prendre en charge tout le monde, certaines familles attendent toute la journée dans un couloir. En plus, étant donné le temps d’attente, beaucoup de gens préfèrent rester chez eux, même malades. Du coup, quand ils arrivent à l’hôpital, c’est souvent dans un état très critique, voire quand c'est déjà trop tard. Comme nous  n’avons pas assez de personnel, beaucoup d'étudiants en médecine viennent bénévolement donner un coup de main dans les hôpitaux.

Selon nos estimations avec mes collègues médecins, au moins cinquante personnes, souvent très jeunes, meurent chaque jour dans l’un des hôpitaux de Luanda. Le quotidien O Pais titrait mardi 22 mars "500 personnes enterrées à Luanda samedi dernier". Ce chiffre n’est pas du tout étonnant, la semaine dernière a été la pire.

"Les hôpitaux n’ont plus de sang en stock et les médecins demandent aux familles d’aller faire des dons"

Notre Observateur Alexandre S nous a envoyé plusieurs prises à l’hôpital Boa Vida à Luanda.

Les personnes que l’on voit sur mes photos attendent leur tour pour donner leur sang.

En attendant de donner son sang à l'hôpital Boa Vida. Photo envoyée par notre Observateur Alexandre S.

Quand je suis arrivé, il était 23 h et plusieurs personnes m’ont dit qu’ils attendaient depuis le matin. Tous étaient là pensant sauver un de leurs proches en allant donner leur sang. La fièvre jaune provoque une forte anémie et des hémorragies. Mais, les hôpitaux n’ont plus de sang en stock et les médecins demandent aux familles d’aller faire des dons.

En attendant de donner son sang à l'hôpital Boa Vida. Photo envoyée par notre Observateur Alexandre S.

Comme on peut le voir sur les photos, nous étions tous fatigués et un peu désespérés. Seule une infirmière s’occupait de nous faire passer à tour de rôle.