"Viser haut", cri du cœur de la jeunesse oubliée des quartiers nord
Publié le : Modifié le :
À l’automne dernier, l’équipe de Pas 2 Quartier a rendu visite à une dizaine de jeunes de la Busserine, dans le nord de Marseille. Des rappeurs amateurs à qui nous avions proposé d’écrire un texte sur leur quartier. Quelques mois plus tard, voici le résultat. Un hymne au droit de s’en sortir, antidote aux stéréotypes.
Se focaliser sur la misère et la violence des quartiers nord, très peu pour eux. Le ras-le-bol est général face à "ce que l’on montre toujours à la télé". Le texte partira donc de ce constat pour raconter la joie, les espoirs qui naissent au milieu des difficultés et démonter "l’image négative qui colle à la peau des jeunes des quartiers nord".
Tous font partie de l’atelier d’écriture du centre social de l’Agora. Miad, en charge du dernier couplet, habite depuis 4 ans à la Busserine. C’est lui qui défend en premier le thème auprès du groupe.
Violence, crime, drogue, l’image n’est pas fausse, c’est certain. Mais cette perception négative que l’on doit à une minorité l’emporte sur tout le reste. C’est ça qu’on voulait montrer. On en arrive au point où des gens de l’extérieur s’imaginent que c’est la guerre chez nous, qu’un passage par ici et t’es mort. Je suis plus mature maintenant mais il y a quelques années, tout ça m’a pesé. Quand je sortais dans le centre, j’étais mal à l’aise. Avec toujours cette impression que s’il se passait quelque chose, un vol de portable ou autre, c’est sur moi que les regards se poseraient.
À 19 ans, Miad vit avec sa mère. Il poursuit son BTS informatique et entraine une équipe de football du quartier, quand il n’est pas à l’atelier rap de l’Agora. Tous se sont attribués un nombre de mesures et ont travaillé les textes chez eux, avant de se retrouver pour répéter au centre social.
J’ai grandi dans le sud de la ville et je vois, par comparaison, les bons côtés de la Busserine. Quand je suis arrivé ici, ce qui m’a marqué c’est à quel point les gens sont chaleureux. On dit toujours que lorsqu’on achète à manger, on finit par partager en 7. C’est une hyperbole, mais ça représente bien le fait que peu importe nos moyens, la solidarité est là plus qu’ailleurs. Ça c’est un aspect qu’on ne montre jamais alors que c’est notre quotidien.
Aux manettes de ce projet d’écriture, réalisé en trois semaines, on trouve l’infatigable Aurelie Moulin. Via le rap, l’animatrice et professeur d’histoire-géographie multiplie les projets qui permettent d’ouvrir les habitants sur l’extérieur. C’est comme ça qu’en novembre 2015, elle les amène à écrire sur le changement climatique en collaboration avec le site Reporterre.
La vidéo a été tournée sur une zone de travaux à côté de la gare Picon-Busserine. Le quartier de la Busserine, est situé dans le 14e arrondissement de Marseille, et dépend de la mairie du 7e secteur, passée du Parti socialiste au front national aux dernières élections municipales. Il s’agit de l’une des zones les plus pauvres de la France métropolitaine : 42 % pourcentage des ménages y perçoivent moins de 60 % du revenu médian, soit 977 euros par mois selon l’Insee.
Le quartier est le plus souvent médiatisé pour les règlements de compte et les trafics qui y ont cours. Pourtant, aujourd’hui, ce qui inquiète Aurélie Moulins, c’est la fermeture d’espaces culturels par la nouvelle mairie, parmi lequel le théâtre de l’Espace Culturel Busserine dont le financement est menacé, sous prétexte d’une fermeture pour travaux décidée par la mairie.
Un grand remerciement aux jeunes de la Busserine pour leur investissement et à l’équipe d’encadrement du centre social de l’Agora.