En Turquie, le "paradis des ours" menacé par une mine d’or
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La mobilisation contre la construction d’une mine d’or à Cerattepe, une petite ville à l’est de la Turquie, prend de l’ampleur depuis le lundi 15 février. Habitants et militants écologistes craignent que ce projet minier ait de graves conséquences sur ses espaces naturels protégés. Une mobilisation qui pourrait prendre de l’ampleur et qui rappelle la vague de contestation de Gezi Park, en 2013, qui avait elle aussi commencé sur des revendications écologiques.
Depuis plusieurs années, les habitants de Cerattepe se battent contre la construction d’une mine d’or dans leur ville. Selon la presse locale, en 2014, un tribunal administratif avait demandé l’annulation du projet après la publication d’un rapport, par des groupes écologistes, faisant état des nombreuses conséquences néfastes que pourrait avoir la mine.
La compagnie minière Cengiz Holdings avait toutefois fait appel auprès du Conseil d’État, qui a débouté les ONG de leurs demandes. Un nouveau rapport, commandé par le ministère des Eaux et Forêts, a finalement abouti à des conclusions inverses et l’entreprise a donc été autorisée à poursuivre son projet.
Alors que les travaux devaient commencer lundi 15 février, les habitants se sont mobilisés et ont bloqué l’accès au site avec des barricades.
Sora est professeure à Artvin, elle suit les mouvements de contestation contre le projet minier depuis plusieurs années et a participé aux rassemblements cette semaine.
"Depuis les mobilisations du Gezi Park en 2013, ce genre de rassemblement écologiste fait peur au gouvernement"
Cela fait 20 ans que nous luttons. Notre ville est située dans une région montagneuse, connue pour sa faune et sa flore. Nous sommes entourés de forêts où l’on trouve des animaux protégés comme les ours, mais aussi de nombreux oiseaux. Il y a plusieurs réserves animalières et un parc national, le Hatina National Park, un espace où l’on compte près de 200 espèces de plantes différentes, dont une centaine n’existe que dans notre région. Si le projet aboutit, elles seront sacrifiées !
Nous avons aussi une rivière, qui est notre principale ressource en eau potable dans la région. Nous avons peur que l’activité minière ne pollue cette source.
En juin, le rapport concernant les risques environnementaux liés à ce projet minier a été rejeté par le conseil d’état. L’été 2015 a alors été marqué par de nombreux rassemblements anti-mine. Certains militants ont même campé jour et nuit dans la montagne, près de la zone de construction.
Les manifestants tentent de bloquer la route.Sesimiz şehre ulaşıyor. Herkes coşkulu #ArtvindeMadeneHayır pic.twitter.com/8rJsYfPn6R
— Sercan Dede (@srcndede) 17 février 2016"Devant la résistance des habitants, la police est intervenue en utilisant des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc"
Lundi 15 février, nous avons vu arriver dans notre ville les membres de la compagnie minière avec tous leurs camions et leurs équipements pour commencer la construction. Cela a poussé les habitants de Cerattepe à se mobiliser à nouveau. Nous avons mis en place des barricades et des pierres sur la route qui mène au lieu de construction pour empêcher les camions de passer et la police d’intervenir. Nous avions également garé des voitures en travers de la route.
Mardi, devant la résistance des habitants, la police a donc décidé d’intervenir en utilisant des gaz lacrymogènes et des balles en cahoutchouc pour disperser la foule et permettre aux membres de la compagnie de commencer la construction. Ils se sont montrés très violents et plusieurs personnes ont même été blessées, nous avons dû appeler des ambulances dans la soirée. Depuis les mobilisations du Gezi Park en 2013, ce genre de rassemblement écologiste fait peur au gouvernement.
#Turkey: People defending nature against mining in #Cerattepe, #Artvin attacked by police with tear gas#DirenArtvin pic.twitter.com/NxfGPB3CaJ
— İstanbul Indymedia (@Istanbul_Indy) 16 février 2016Mais nous n’allons pas arrêter notre mobilisation, au contraire : nous sommes de plus en plus nombreux. Des gens venus d’Ankara et Istanbul étaient là aujourd’hui.
Selon plusieurs journaux locaux, le directeur de la compagnie minière, Mehmet Cengiz, serait un proche du président turc Recep Tayyip Erdogan. L'occasion pour l'opposition de s'emparer du sujet. Le député d'opposition Ugur Bayraktutan, membre du Parti républicain du peuple (CHP), a appelé les habitants à rejoindre les manifestations. Dans un tweet, le parti pro-Kurde HDP a également annoncé son soutien à la mobilisation.