PAS 2 QUARTIER - BEZIERS

Béziers : Ils partent !

Des migrants syriens quittent le quartier de La Devèze à Béziers.
Des migrants syriens quittent le quartier de La Devèze à Béziers.
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En septembre, le bulletin municipal de Béziers titrait "Ils arrivent ! ", une première page anxiogène pour dénoncer l’arrivée imminente et massive de réfugiés dans la ville de Robert Ménard, maire apparenté Front national. Mais ces réfugiés, qui n’ont jamais été plus d’une trentaine, cherchent surtout à se construire un avenir. Medhi Roland fait partie des Biterrois qui ont choisi de leur prêter main forte. Témoignage en images.

Le montage photo mis à la Une du journal municipal de Robert Ménard est vertement critiqué.

Le déplacement qui a suivi la publication du bulletin municipal de septembre était lui aussi bien préparé. Ceint de son écharpe tricolore et escorté par la police municipale, le maire de Béziers s’était rendu dans un squat du quartier populaire de La Devèze pour expliquer aux refugiés installés dans les appartements qu’ils n’étaient "pas les bienvenus à Béziers", ajoutant qu’il ne tolérait que des "gens corrects" dans sa ville. Le maire accusait en effet ces nouveaux venus d’avoir vandalisé le bâtiment et d’y voler eau et électricité.

Ce sont ces mêmes personnes, une dizaine de familles syriennes, qu’un groupe d’activistes a décidé d’aider plusieurs mois durant et d’accompagner vers des structures adaptées. Comme pour essayer de montrer un autre visage de Béziers, Medhi Roland a suivi les dernières actions avec une caméra pour Pas 2 Quartier. 

video migrants

"30 personnes dont 11 enfants… on est loin d’une invasion"

Les premiers réfugiés sont arrivés par grappes courant juillet 2015. On parle de 13 familles, 30 personnes dont 11 enfants… on est loin d’une invasion. On ne savait pas pourquoi ils avaient choisi Béziers. On pensait qu’ils avaient de la famille ou des connaissances dans la ville, mais finalement c’est le hasard qui a fait qu’ils ont atterri chez nous. Au début, ils se sont installés dans le quartier du Faubourg. Un quartier pauvre où les loyers ne sont pas chers. Si j’évoque les loyers, c’est parce que certains ont au départ loué des appartements. N’oublions pas que, parmi eux, il y a des  médecins, un dentiste, un préparateur en pharmacie,  un prof d’anglais etc.  Pour autant, c’est difficile de tenir car c’est très cher pour eux. Mais vraiment, on est loin du cliché "des réfugiés sauvages qui viennent en France pour toucher les aides sociales".

Je pense que des personnes leur ont ensuite "conseillé" de quitter le quartier du Faubourg pour s’installer dans les logements sociaux de la Devèze. Beaucoup de ces appartements sont inoccupés depuis un moment. Sans entrer dans les détails, je peux vous dire qu’ils ont réussi à avoir les clefs, donc les appartements n’ont pas été forcés et sont dignement occupés… à défaut d’autres solutions transitoires.

Heureusement  pour eux que ce n’est pas le maire qui a la responsabilité du parc. Une procédure a bien été lancée par le président de l’agglomération Béziers Méditerranée comme le veut la loi, c’est obligatoire. Mais avec la trêve hivernale qui démarre en novembre, on savait très bien que ça leur donnerait au moins jusqu’à mars 2016.

"On a même reçu des meubles et des frigos"

Au début tout est parti d’un appel sur les réseaux sociaux, puis il y a eu l’appel de la mosquée de Béziers, puis l’aide d’autres associations. Le "secours populaire " s’est particulièrement impliqué dans l’organisation et l’acheminement de la dernière grande collecte faite par des lycéens.  On a reçu beaucoup d’aide d’un coup et d’une manière spontané. On a reçu de tout, de l’aide alimentaire bien sûr, mais aussi des produits ménagers, des habits, des matelas, puis des lits, des meubles et même des frigos. Très vite, on n’avait plus assez de place pour stocker tout ça dans les locaux de l’association.

"Pour nous il était clair dès le début qu’ils n’avaient pas vocation ni intérêt à rester dans la ville"

Dès le premier jour, on s’est mis en relation directe avec les autorités compétentes pour trouver des solutions qui vont au-delà de l’aide d’urgence qu’on assure. Il revient à l’État de prendre le relais, pour nous il n’y pas de doute la dessus. Sans parler du coût financier qu’on est incapable de supporter seuls sur une longue période. Car si les gens sur le coup de l’émotion donnent beaucoup,  ils finissent par s'arrêter alors que  les besoins sont constants. Il a donc  fallu gérer la distribution des aides au mieux avec tout ce que ça nécessite comme logistique et régularité.

"Tous ont eu peur des ‘autorités’ après  l’intervention houleuse du maire"

Pour nous, il était clair dès le début qu’ils n’avaient pas vocation ni intérêt à rester dans la ville, car tout simplement on n’a pas les moyens ni les structures nécessaires pour subvenir à leurs besoins.

C’est le préfet qui statue sur les affectations dans les lieux ou centres d’accueils. Les familles de réfugiés souhaitaient toutes rester dans la région, à défaut de pouvoir rester ensemble à Béziers. Ce sont des gens très respectueux. Ils se connaissent, ils sont tous originaires de Homs. Et ils ont tous fait le même long périple qui les a amené depuis la Syrie, à travers l’Égypte, le Maroc, puis la France, jusqu’à Béziers. Il est donc  naturel qu’ils veuillent poser leurs valises et rester ensemble. Et tous ont eu peur des "autorités "après  l’intervention houleuse du maire de Béziers [Robert Ménard].

Il est vrai que ce départ en a choqué certains. Ils ont peur de se retrouver parqués dans des hôtels insalubres ou de ne pas pouvoir cuisiner par exemple car ils n’ont pas les moyens d’aller au restaurant. Mais la plupart ont conscience qu’ils auront plus de chances d’avancer en passant par ces centres.

"Alors qu’elles n’ont quasiment rien, ces familles ont du mal à demander ou même à accepter de l’aide"

Les centres de la ville de Béziers ne sont pas adaptés aux enfants. Sur les 13 familles, cinq sont déjà partis vers trois autres villes de la région : Alès, Nîmes et Narbonne. [Béziers  bénéficie de deux Cada ou centre d’accueil des demandeurs d’asile. L’un des deux est complet a expliqué la préfecture, tandis que l'autre ne dispose pas de logement adapté à ces familles.] On est resté en contact avec la famille d’un vieux monsieur diabétique, celui que l’on voit sur le quai sur la vidéo. Son histoire démontre que les moyens mis en œuvre pour répondre aux besoins des réfugiés restent insuffisants. Alors qu’on avait prévenu de son état, aucun dispositif n’a été mis en place pour l’accueillir à Nîmes. Ils ont préféré l’envoyer direct aux urgences, ce qu’il a refusé, de crainte d’être séparé de sa famille. Maintenant, il est suivi par des amis sur place. On a su aussi qu’il n’y a pas d’arabophones ou d’interprètes à disposition. C’est un vrai problème.

Alors qu’elles n’ont quasiment rien, ces familles ont du mal à demander ou même à accepter de l’aide. Il a fallu qu’on découvre nous-mêmes leurs besoins à force de discussions. Je pense qu’on a beaucoup à apprendre d’eux. C’est une mentalité complètement différente de la nôtre.

Après le départ de trois familles fin octobre vers le Cada d’Alès, Frédéric Lacas, président de l'agglomération de Béziers, s’est réjoui, expliquant que "cela leur permettra de vivre plus sereinement, loin de toute agitation médiatique stigmatisante, et de pouvoir désormais régulariser leur statut". Et d’ajouter "qu’agiter les chiffons rouges ne profite à personne."