AUSTRALIE

"Paris" : le cri de ralliement des manifestants anti-islam en Australie

Les manifestants anti-islam ont agité des drapeaux australiens, mais également français, lors des rassemblements organisés dans l’ensemble du pays dimanche. Capture d’écran d’une vidéo d’une manifestation à Melton, dans la banlieue de Melbourne.
Les manifestants anti-islam ont agité des drapeaux australiens, mais également français, lors des rassemblements organisés dans l’ensemble du pays dimanche. Capture d’écran d’une vidéo d’une manifestation à Melton, dans la banlieue de Melbourne.

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Sydney, Melbourne, Perth, Brisbane, Canberra… Ces villes australiennes ont été le théâtre de manifestations anti-islam dimanche, toutes contrées par des rassemblements antiracistes. Afin de servir leur cause, les manifestants anti-islam ont multiplié les références aux attaques terroristes de Paris.

Le mouvement "Reconquérir l’Australie" est à l’origine de ces manifestations islamophobes, visant à dénoncer ce qu’ils appellent "l’intrusion" de l’islam. Sur leur site Internet, il est indiqué qu’ils veulent "être libres d'être 'australiens'" et que le pays cesse de délivrer des certifications halal.

Ce mouvement avait auparavant déjà organisé plusieurs manifestations émaillées de violences à travers l’Australie. Celles de dimanche n’ont pas fait exception à la règle. À Melbourne – où les manifestants protestaient également contre la construction d’une mosquée – trois hommes ont été arrêtés pour possession d’armes et deux autres pour comportement violent. Un peu plus tôt dans la semaine, un habitant de cette ville assurant être en lien avec le mouvement "Reconquérir l’Australie" avait également été inculpé pour possession illégale de tasers et d’un manuel expliquant comment fabriquer des bombes.

Des manifestants anti-islam, à Melton, dans la banlieue de Melbourne, dimanche. Certains portent des drapeaux français.

“Ils exploitent cette tragédie pour justifier leur islamophobie et provoquer la peur chez les gens à l’égard des musulmans"

Maya Jee est une étudiante qui s’est rendue à la contre-manifestation à Perth. Elle a souhaité que l’on utilise un pseudonyme, par crainte d’être harcelée par des manifestants anti-islam.

Beaucoup de policiers étaient présents afin de maintenir les manifestants et les contre-manifestants à distance les uns des autres. Il y avait à peu près autant de monde des deux côtés. D’après ce que j’ai vu, les manifestants anti-islam étaient tous blancs et plutôt d’âge mûr. En revanche, il y avait beaucoup plus de diversité du côté des contre-manifestants : certains étaient musulmans, d’autres aborigènes…

Les manifestants du mouvement "Reconquérir l’Australie" portaient des pancartes avec des slogans anti-islam, comme "Interdisez l’islam" ou encore "Interdisez le halal". Ils sont visiblement convaincus que la nourriture halal finance le terrorisme, alors que c’est complètement faux. Il y avait aussi plein de pancartes demandant d’interdire l’immigration. Certains faisaient même un lien entre l’islam et la pédophilie ! [Sur son site, le mouvement "Reconquérir l’Australie" prétend que l’islam rend possible les "mariages d’enfants", bien qu’ils soient interdits en Australie, ndlr.]

Ils avaient énormément de drapeaux australiens, mais aussi français. À Perth et dans les autres villes du pays, ils n’ont cessé de faire référence aux attaques de Paris, exploitant cette tragédie pour justifier leur islamophobie et provoquer la peur chez les gens à l’égard des musulmans.

Les manifestants anti-islam traitent les contre-manifestants d’ "ordures de communistes", pendant que la police les retient. Vidéo tournée lors d’un rassemblement à Melton, dans la banlieue de Melbourne.

"L’islamophobie bat son plein en ce moment"

Le mouvement "Reconquérir l’Australie" essaie de se construire une image respectable, en mettant en avant le fait qu’il est composé de "mères et de pères". [Lors de récentes manifestations, des participants ont été vus en train d’arborer des symboles nazis. Depuis, les leaders du mouvement ont cherché à prendre leurs distances avec ces individus, ndlr.] Mais leur mouvement est par essence agressif, raciste et haineux. Pour eux, tous leurs problèmes viennent des musulmans. Ce sont leurs boucs émissaires.

Des contre-manifestants chantant à Melton.

Cela fait des années qu’il y a des problèmes de racisme en Australie, dont souffrent notamment les aborigènes. Et désormais, les musulmans en sont aussi victimes. L’islamophobie bat son plein en ce moment. Je ne suis pas religieuse, mais je viens d’une famille musulmane et j’ai déjà reçu des insultes racistes en public. De même, j’ai déjà vu des gens insultant des personnes non blanches dans la rue et dans les transports en commun. Par ailleurs, il existe également un type de discrimination plus subtil, au travail par exemple. La plupart des musulmans trouvent qu’il est très dur de trouver un emploi dans le climat actuel.

Selon un sondage réalisé en 2014, les Australiens croient que 16 % de la population est musulmane. En réalité, les musulmans ne représentent pourtant que 2 % des 23 millions d’habitants que compte le pays.

De nombreux immigrants vivent en Australie, essentiellement originaires du Royaume-Uni, de Nouvelle-Zélande et de nombreux pays asiatiques. Les personnes nées à l’étranger représentent un cinquième de la population environ.

La politique de contrôle des frontières du pays est toutefois l’une des plus drastiques au monde, en témoignent les mesures prises par les gouvernements conservateurs contre l’immigration illégale ces dernières années. Les autorités forcent désormais les bateaux à bord desquels voyagent des demandeurs d’asile à rebrousser chemin et les forcent à vivre dans des centres de rétention situés sur les îles de Nauru et de Papouasie-Nouvelle-Guinée, où de nombreux scandales sanitaires et sécuritaires ont éclaté ces derniers mois. En outre, aucune réinstallation n’est possible pour ces personnes dans le pays.