IRAN

"Stop aux stéréotypes" : une Saoudienne raconte sa vie en Iran

Sara Masry, une Saoudienne, vit depuis 10 ans en Iran. Elle a décidé de parler de sa vie sur son blog.
Sara Masry, une Saoudienne, vit depuis 10 ans en Iran. Elle a décidé de parler de sa vie sur son blog.

Publicité

Les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran sont actuellement très tendues. Mais cela ne fait pas peur à notre Observatrice, une jeune Saoudienne qui étudie en Iran et tient un blog où elle raconte son expérience.

L’Iran et l’Arabie saoudite n’ont jamais été en bons termes. L’Iran est une théocratie chiite, alors que l’Arabie saoudite est le haut lieu du wahhabisme, un courant sunnite ultraconservateur. Les guerres en Syrie et au Yémen, où les deux pays s’affrontent par groupes armés interposés, ont encore davantage tendu les relations entre Riyad et Téhéran. Dernier événement en date : la bousculade meurtrière de la Mecque qui a tué 1 633 personnes, dont plusieurs centaines d’Iraniens. Le ton est monté entre les deux pays. Selon les autorités saoudiennes, certains pèlerins iraniens sont à l’origine de la bousculade. De son côté, Téhéran a dénoncé la gestion inepte de l’incident par l’Arabie saoudite.

Après la bousculade, des Iraniens ont manifesté devant l’ambassade saoudienne de Téhéran et le consulat à Mahshad. En Arabie saoudite, certains imams sont allés jusqu’à affirmer que tuer des chiites était "halal", donc autorisé.

Dans ce contexte, une bloggeuse saoudienne, Sara Masry, qui vit et étudie à Téhéran depuis 10 mois, a fait le choix de parler de sa vie en Iran. Elle évite toutefois de parler politique, sauf à une exception : lors de la bousculade de la Mecque elle écrit : "Cet événement concentre maintenant les tensions entre les deux peuples, et repousse pour une dizaine d’années la compréhension mutuelle et l’empathie entre nous". Le sujet est trop sensible dans les deux pays pour aller plus loin.

"Quand j’ai annoncé mon plan à mes amis saoudiens et à ma famille, certains ont essayé de m'en dissuader"

Sara Masry a grandi en Arabie saoudite avant de poursuivre ses études à Londres. Elle étudie maintenant à Téhéran.

J’ai toujours été intéressée par l’Iran, sa culture, son histoire, j’avais commencé à me renseigner sur ce pays depuis Londres. Un jour, j’ai décidé qu’étudier l’Iran à distance n’était pas suffisant. Je voulais voir la réalité du pays par moi-même. Quand j’ai annoncé mon plan à mes amis saoudiens et à ma famille, certains étaient très inquiets et ont essayé de m'en dissuader. En partie parce que j’avais une bonne opportunité de travail à Londres, mais aussi parce qu’ils n’avaient pas une très bonne image de l’Iran à travers les médias saoudiens.

Sara et ses amies visitent le lac salé de Garmeh.

Depuis que je vis ici, je trouve que la majorité des Iraniens sont très accueillants, et savent séparer la politique et les individus d’une façon que je trouve unique au Moyen-Orient. Ca ne dérange pas les gens que je rencontre que je sois Saoudienne et sunnite. Beaucoup pensaient que j’étais indienne à cause de mon accent en persan. Lorsqu’ils ont appris que j’étais Saoudienne, les questions ont commencé : "Pourquoi es tu ici ? Tu aimes notre pays ? Tu vis une bonne expérience en Iran ?".

Honnêtement, je ne peux pas vous citer une mauvaise expérience. Je sais, bien entendu, que le racisme et le chauvinisme existent ici, comme dans beaucoup de pays. Mais en 10 mois, je n’en ai pas été victime.

Notre Observatrice visite une montagne à Izeh où des gaz naturels créent des flammes dans le sol.

"Je veux créer un pont entre les gens des deux nations "

Il y a quelques mois, j’ai perdu mon portefeuille. Dedans, il y avait beaucoup d’argent, car je venais de changer des livres anglaises pour des tomans. Il y avait également ma carte d’identité saoudienne dedans. Quelques jours plus tard, une dame m’a appelée, et m’a dit qu’elle avait mon portefeuille. Elle était l’épouse d’un conducteur de taxi qui l’avait retrouvé, et elle a cherché mon contact durant plusieurs jours !

Après la bousculade de la Mecque, j’étais à la cafétéria de mon université et je m’apprêtais à payer mon repas. Un ami a alors fait irruption et s’est exclamé devant le caissier, pour rire : "Ne lui vendez rien ! Elle est Saoudienne !" Une femme qui avait assisté à la scène est venue me voir pour s’excuser pendant cinq minutes du comportement de son compatriote. J’ai eu beau lui dire que c’était une blague, elle n’en démordait pas, car selon elle, cette blague était déplacée.

La plupart du temps, je poste sur mon blog des expériences culturelles ou sociales, et sur mes voyages à travers le pays. Mon but est de créer un pont entre les gens des deux nations, de tordre le cou aux mythes et stéréotypes. Pour l’instant, j’écris en anglais, mais je prévois de bientôt traduire en arabe… et la prochaine étape, en persan !