Frappes russes près de Homs : "Ils n’ont touché ni Al-Qaïda ni le groupe État islamique"
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Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a déclaré jeudi que les frappes aériennes de son armée en Syrie visaient l'organisation de "l’État islamique, le front al-Nosra (la branche d'Al-Qaïda en Syrie) et d’autres groupes terroristes". Pourtant, dans le nord de Homs, nos contacts rapportent que ce sont des groupes armés considérés comme modérés, et des civils, qui ont été bombardés.
L’aviation russe effectue des frappes en Syrie depuis mercredi dans plusieurs régions de Syrie, notamment près de Homs une zone contrôlée par des groupes armés rebelles. Ces raids ont ciblé les villes de Talbissa et Rastane, faisant 36 morts parmi les civils, selon la Coalition nationale syrienne (groupe politique d’opposition).
Rami H. est un activiste de l’opposition à Homs avec lequel France 24 est en contact depuis le début du conflit syrien. Il se trouve dans le quartier al-Ouaar, encerclé par les forces loyalistes depuis plusieurs mois. Ses propos ont été corroborés par les témoignages d’autres Observateurs.
Nous subissons depuis plusieurs années les raids de l’aviation syrienne, nous connaissons donc bien sa manière de faire. Hier [mercredi], quand des avions se sont approchés de la zone où je suis, j’ai été surpris par un bruit inhabituel, beaucoup plus puissant que d’habitude. Les avions russes semblaient beaucoup plus rapides, ils volaient plus bas que les chasseurs syriens.
Le ministère de la Défense russe a publié, le 29 septembre, cette vidéo des frappes menées en Syrie en affirmant qu'elles visaient des positions de l'EI.
Nous avons été très surpris par les bombardements russes, parce que dans le nord de Homs l’EI n’est pas du tout présent. Les groupes qui luttent contre le régime dans cette région, sous l’égide de l’Armée syrienne libre [l’ASL est une coalition de groupes armés, considérée comme modérée, mais qui a perdu beaucoup d’influence dans la guerre en Syrie, NDLR], considèrent aussi cette organisation comme un groupe terroriste. Il y a quatre mois, l’EI a lancé des attaques dans le nord de Homs et ils avaient d’ailleurs été chassés de cette zone par l’ASL après des combats très violents, qui ont fait des centaines de morts.
Les zones qui ont été bombardées sont surtout habitées par des civils. À Talbissa, un quartier où il n’y a aucun combattant a été presque entièrement rasé : 11 personnes sont mortes et 46 autres ont été blessées [bilan non confirmé, NDLR].
Mais l’aviation russe a également bombardé des positions de l’ASL. Par exemple, Iyad al-Deek, l’un des premiers officiers de l’armée du régime à avoir déserté et rejoint l’opposition, a été tué dans ces raids. Il était le chef du groupe "Mouvement de la libération de Homs", qui comprend environ 80 officiers du régime syrien qui ont fait défection. Ce groupe est reconnu par la Coalition nationale syrienne. Il n’a rien de terroriste.
Dans la région de Hama, les Russes ont même bombardé le groupe "Tajammo-al-izza", connu pour ses liens avec les États-Unis. Huit personnes de cette formation ont participé à un entraînement militaire chapoté par les États-Unis.
Russian MoD video shows RuAF bombing Al-Latamneh, northern Hama. No ISIS there. https://t.co/632ttT2IF6 pic.twitter.com/jE3d4D6H7S
Parmi les groupes combattants dans le nord de Homs, Liwa al-Tawhid ["La Brigade de l'Unité"] est le plus important. Ce groupe est considéré comme modéré [il s’agit tout de même de groupes islamistes, NDLR] et reconnu par la Coalition nationale [cette brigade serait financée par le Qatar et la Turquie, NDLR]. Il y a aussi le groupe Ahrah al-Sham, considéré lui comme extrémiste, mais il n’a pas été inquiété par l’aviation russe. Il y a aussi d’autres formations, mais beaucoup plus petites.
C’est vrai que l’organisation Jabhat-al-Nosra [la branche syrienne d’al-Qaïda, NDLR] est présente dans la zone nord de Homs. Mais cette organisation ne compte ici que quelques dizaines de combattants, elle a peu d’influence. Et je ne crois pas qu’ils aient perdu des hommes dans les frappes russes.
Tout de suite après les bombardements russes, l’armée syrienne a placé des blindés dans les villages limitrophes et demandé aux habitants de les évacuer. Il s’agit notamment des villages de Suneisil, Jaoualik et al-Mahatta. On craint donc maintenant une offensive terrestre du régime.
Vendredi, l’armée russe a annoncé avoir bombardé Raqqa, ville du centre de la Syrie et fief de l'EI. Une information non confirmée pour l’instant. Selon l’AFP, des Soukhoï-34, des Soukhoï-24M et des Soukhoï-25 ont également effectué des bombardements à Idlib et Hama. Ils ont cette fois frappé "l’Armée de la conquête", une coalition d’islamistes radicaux dont fait partie le Front Al-Nosra.
L’objectif des frappes russes semble être de sécuriser des zones vitales pour le régime syrien. Elles frappent pour l’instant de manière indiscriminée les différents groupes de combattants présent en Syrie, sans s’attacher particulièrement à repousser l’État islamique.