Les pèlerins de Mossoul interdits de se rendre à la Mecque
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Des centaines de pèlerins venus de Mossoul, ville sous contrôle de l’organisation État islamique, ont été interceptés par l’armée irakienne, alors qu’ils tentaient de se rendre à la Mecque. Ils sont depuis retenus dans un camp par les autorités qui les soupçonnent d’être des jihadistes. Double peine pour ces pèlerins dont les familles sont déjà menacées par l’EI.
Les pèlerins ont quitté Mossoul à bord de plusieurs bus, samedi 28 août, en direction de Bagdad. Leur voyage a été interrompu quelques heures plus tard par l’armée, en périphérie de Karbala, et ils ont été contraints de dormir à même le sol pendant plusieurs jours sans eau ni nourriture. Le gouvernement affirme qu’il souhaite vérifier l’identité de ces voyageurs afin de s’assurer que des jihadistes ne se sont pas glissés parmi eux.
Départ des pèlerins de Mossoul. Photo Twitter @yahyaalanbari.
Ce n’est qu’après le décès d’une femme âgée parmi les pèlerins que les autorités ont accepté, mercredi, de les installer dans des tentes et de leur fournir de la nourriture.
Finalement, près de 250 pèlerins, parmi les 900 qui ont quitté Mossoul, ont été autorisés jeudi à poursuivre leur voyage vers Bagdad. Ils sont actuellement hébergés par le Conseil du culte sunnite, attendant toujours leur départ vers la Mecque.
Pourtant, le comité de l’organisation du hajj, l’instance officielle chargée d’organiser le pèlerinage vers la Mecque en Irak, avait validé l’inscription de ces 900 pèlerins pour le pèlerinage et ils avaient obtenu leurs visas pour l’Arabie saoudite depuis deux semaines.
Les pèlerins de Mossoul arrêtés au bord de la route près de Karbala. Photo Twitter @Lifelover204.
Un groupe de députés de la province de Ninive (dont Mossoul est le chef-lieu) s’est mobilisé pour venir en aide aux pèlerins restés bloqués à Karbala.
Ils ont rédigé une lettre exhortant le Premier ministre Haidar al-Abadi de "n’exclure aucun pèlerin de Mossoul du voyage vers la Mecque, car leurs identités ont déjà été minutieusement vérifiées par les autorités".
Ces pélerins ont dormi à même le sol pendant plusieurs jours, après avoir été empêchés de se rendre à Bagdad par les autorités. Photo Twitter @x3leN92x.
"Cette situation est totalement absurde"
Intisar al-Jabouri est une députée de Ninive signataire de la lettre au Premier ministre irakien.Pour pouvoir effectuer le pèlerinage à la Mecque, tout Irakien doit participer à une tombola organisée par le comité de l’organisation du hajj plusieurs mois auparavant. Ces 900 personnes ont bel et bien été sélectionnées à l’issue de cette tombola. Ils ont d’ailleurs réglé les frais du voyage au comité depuis plusieurs semaines et ont obtenu leurs visas pour l’Arabie saoudite il y a 15 jours. Les autorités sont donc censées avoir vérifié leur identité !
"Ils laissent passer uniquement les personnes âgées"
En fait ce qu'il s’est passé, c’est qu’à la dernière minute les autorités ont fait volte-face et décidé de n’autoriser que les hommes âgés de plus de 60 ans et les femmes de plus de 45 ans à se rendre en Arabie saoudite. Les 250 pèlerins autorisés à se rendre à Bagdad sont en fait des personnes âgées.
Cette situation est totalement absurde. Si les autorités ne voulaient pas que les jeunes de Mossoul se rendent en Arabie saoudite, pourquoi avoir accepté de les inscrire ?
Le pèlerinage à la Mecque est une épreuve physique très difficile à supporter pour les personnes âgées. Ils sont en fait toujours accompagnés de jeunes qui les aident et surtout surveillent leur état de santé.
Sans leurs proches, le pèlerinage des personnes âgées de Mossoul risque d’être vraiment pénible.
Plusieurs sources nous ont affirmé que les pèlerins de Mossoul sont également sous la pression des jihadistes de l’EI. "Avant de les autoriser à se rendre à la Mecque, ils ont exigé qu’ils leurs remettent les actes de propriété de leurs maisons et commerces. Ils ont dit que dans le cas où ils ne reviendraient pas, ils saisiraient leurs biens et emprisonneraient leurs proches restés dans la ville", indique Ziad al-Sanjar, un journaliste de Mossoul réfugié à l’étranger.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Djamel Belayachi (@DjamelBelayachi), journaliste à France 24.