Un policier turc se lance dans une diatribe anti-kurde
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Les internautes kurdes, de Turquie et d’ailleurs, sont très en colère après la diffusion d’une vidéo dans laquelle un policier turc humilie une dizaine de Kurdes, allongés par terre les mains dans le dos.
Dans la vidéo, filmée par une caméra apparemment fixée sur l’équipement d’un policier turc, on peut l’entendre pester :
"Vous allez voir à quoi ressemble la République turque ! Je vous connais, chacun d’entre vous ! Ceux qui veulent toucher à la Turquie en paieront le prix ! Vous en paierez le prix ! Qu’est ce que cet État vous a fait ? Tous, vous allez payer ! Vous allez voir la puissance des Turcs ! D’accord ? [Puis il parle à un homme] Ne me regarde pas ! Tous, baissez vos têtes ! "
Selon les médias locaux, la vidéo aurait été filmée le 5 août à Yuksekova, une ville peuplée majoritairement de Kurdes, à la frontière avec l’Iran. Les hommes à terre seraient des ouvriers du bâtiment interpellés sur un chantier. Ils seraient suspectés d’être des sympathisants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation armée considérée comme terroriste par la Turquie.
Ces dernières semaines, la police turque a mené plusieurs opérations et arrestations de membres présumés du PKK, sur la base de dénonciations. La Turquie est en effet engagée dans une lutte avec le groupe armé depuis la rupture du cessez-le-feu le 25 juillet. Le PKK estime, de son côté, la Turquie responsable de l'attentat suicide de Suruç survenu le 20 juillet dernier, attribué au groupe jihadiste État islamique (EI), qui a fait 32 morts, principalement des Kurdes.
Flots de réactions ironiques sur Twitter
La vidéo a suscité un tel tollé que le Premier ministre, Ahmet Davutoglu, a pris la parole en affirmant qu’une enquête allait être ouverte.
Cette déclaration n’a cependant pas calmé la colère des sympathisants kurdes sur les réseaux sociaux, qui ont lancé le hashtag "Qu’est ce que l’État [turc] vous a fait ?" (#NeYaptiBuDevletBize).
"L’État a tué Mahir Cayan et ses amis" a twitté par exemple le journaliste Ahmet Aziz Nesin, en référence à l’assassinat, en 1972, du leader du Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple par l’armée turque (ci-dessous).
Un autre internaute du nom de Mevsimsizadam a twitté : "Qu’est ce que cet État a fait pour nous ? Il a tué Hrant Dink" en référence au rédacteur en chef du journal hebdomadaire "Turkish Agos" assassiné dans ses bureaux en 2007.
Ömer Faruk Hatipoğlu, un autre internaute, va même plus loin : "40 000 personnes sont mortes, des millions ont été déportées. Que voulez vous de plus ? Quelle autre persécution allez-vous mettre en place ?".
Le Twittos Orhan Aydin ironise : “L’État a fait des artistes des ennemis, a banni et censuré l’art, a jeté les artistes en prison et volé l’héritage culturel".
L’indignation en ligne n’était pas seulement l’apanage de Kurdes. Des membres de l’opposition turque ont également rappelé au gouvernement sa réaction violente lors des manifestations du parc Gezi en 2013, ou en postant des photos de violences policières à Istanbul ou Izmir sur les réseaux sociaux.
Le hashtag #NeYaptiBuDevletBize est devenu en quelques heures l’un des sujets les plus discutés sur Twitter en Turquie.
Ce billet a été rédigé en collaboration avec Van Meguerditchian (@beirutbeats) et Gaelle Faure (@gjfaure), journalistes à France 24.