Des commerçants chinois violentent des femmes roms en banlieue parisienne
Publié le : Modifié le :
Une vidéo amateur filmée le 25 mai montre des commerçants chinois de la zone industrielle d'Aubervilliers, dans la région parisienne, maltraitant des femmes roms qu'ils accusent d'avoir volé dans leur magasin. Une scène symbole de leur frustration face aux larcins dont ils sont régulièrement victimes, mais qui n'est pas le signe d'une tension communautaire, selon un vendeur de la zone. Lire la suite...
Une vidéo amateur filmée le 25 mai montre des commerçants chinois de la zone industrielle d'Aubervilliers, dans la région parisienne, maltraitant des femmes roms qu'ils accusent d'avoir volé dans leur magasin. Une scène symbole de leur frustration face aux larcins dont ils sont régulièrement victimes, mais qui n'est pas le signe d'une tension communautaire, selon un vendeur de la zone.
La vidéo a été filmée par un commerçant de la rue de la Haie Coq, une zone d’Aubervilliers, au nord-est de Paris, où des grossistes viennent s’approvisionner quotidiennement en textile et maroquinerie. On entend des commerçants crier "La voleuse !" puis l'on y voit deux femmes de la communauté rom se faire malmener et déshabiller par des commerçants. Les deux femmes parviennent finalement à s’enfuir en criant : "Au secours, police !"
Vidéo filmée par un commerçant chinois le lundi 25 mai dernier dans la rue de la Haie Coq à Aubervilliers. Images éditée et floutée par France 24.
"Les vols sont monnaie courante dans cette zone industrielle"
Léo (pseudonyme), un commerçant français d’origine chinoise, a été témoin de la scène :Ces deux femmes ont tenté de voler dans la caisse d’un des commerces à côté du mien. L’utilisation de la violence n’est jamais une bonne chose, mais je comprends le ras-le-bol de mes collègues : les tentatives de vols sont monnaie courante dans cette zone commerciale. Les camions de nos fournisseurs sont fréquemment forcés au petit matin, et on ne compte plus les vols de téléphones ou d’iPad dans les boutiques. Il y a quelques jours, on m’a même volé un escabeau que j’avais laissé dehors !
La vidéo a fait beaucoup de buzz en Chine sur les réseaux sociaux comme Weibo ou WeChat. La plupart des utilisateurs disaient "bravo, pour une fois que les Chinois ne se laissent pas faire !" et se moquaient des filles qui crient "police" alors qu’elles ont tenté de voler.
"Nous avons l’habitude de fermer nos entrepôts tous en même temps"
L’endroit où s’est produite l’altercation a une particularité : 90 % des commerçants y sont d’origine chinoise. Des acheteurs de France et d’Europe viennent y faire leur marché quotidiennement depuis 2005. Aubervilliers est aussi une ville où une forte communauté rom est installée. Des villages d’insertion y ont été construits en 2007 pour lutter contre la discrimination dont ils font l’objet.
Pour Léo, il n’y a cependant pas d’animosité particulière entre les communautés chinoise et rom :
Il faut nuancer cette scène, qui reste un acte isolé : la communauté chinoise ne craint pas particulièrement la communauté rom, car leurs tentatives de vol se font très rarement avec violence. Nous craignons beaucoup plus les attaques à main armée et les agressions physiques.
Les entrepôts d’Aubervilliers sont difficiles d’accès pour la police et donc compliqués à sécuriser. Aussi, nous essayons de prendre nos précautions. Par exemple, le soir, nous fermons tous nos entrepôts en même temps pour partir groupés et ne pas laisser un collègue tout seul. Les récents événements montrent qu’on a raison d’être prudents : la semaine dernière, la photo d’un restaurateur chinois agressé à Levallois-Perret [au nord-ouest de Paris, NDLR] a suscité l’émoi à travers notre communauté.
Le 14 juin dernier, un internaute a partagé sa colère sur Facebook après l'agression et le vol de son père, un restaurateur d'origine asiatique dans la région parisienne, alors qu'il rentrait chez lui.
"Les agressions sur des personnes d’origine chinoise sont fréquentes, mais dans les faits, il y a peu de plaintes"
Les vols avec violence, c’est bien la crainte des commerçants chinois d’Aubervilliers, mais aussi de la communauté chinoise d’Île-de-France. En avril, une pétition de 17 000 signatures condamnant les violences contre les membres de la communauté asiatique a été transmise au Premier ministre Manuel Valls."Ces violences sont une réalité", commente Christophe Crépin, porte-parole du syndicat de police UNSA, contacté par France 24. Le policier explique :
"Les agressions sur des ressortissants d’origine chinoise sont fréquentes, mais dans les faits, les plaintes déposées sont rares pour plusieurs raisons : beaucoup pensent que ça ne sert à rien de porter plainte, car c’est du temps perdu. Et certains commerçants, qui ne maîtrisent pas bien le français et qui parfois n’ont pas de papiers, ont peur de le faire."
Cet article a été rédigé par Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à France 24.