Zyed et Bouna "morts pour rien", Clichy est "blasé"

Nawufal, 25 ans, habite Clichy-sous-Bois. Il est du quartier et de la génération de Zyed et Bouna, les deux adolescents morts électrocutés en 2005, alors qu’ils tentaient d’échapper à la police. À l’annonce de la relaxe définitive des policiers, il s’est rendu à un rassemblement de soutien où il s’attendait à entendre de la colère. Mais sur place, les Clichois étaient aux abonnés absents. Pour comprendre pourquoi, loin des caméras, il a enregistré sa conversation avec les jeunes sur place.

Rendez-vous était donné devant le tribunal de Bobigny. Quelques heures plus tôt, à Rennes, la relaxe des deux policiers poursuivis pour "non assistance à personne en danger"après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005 était annoncée.

Deux cents cinquante personnes se sont retrouvées sur place pour contester le verdict. Elles ont été rejointes par des journalistes de différents médias. Nawufal Mohamed, habitant de Clichy-sous-Bois, a décidé de couvrir lui-même la mobilisation pour notre projet collaboratif "Pas 2 Quartier".

"Difficile de croire aux valeurs de la République quand les nôtres meurent comme ça"

On s’est retrouvés au tribunal de Bobigny parce qu’il représente pour nous l’injustice de la justice française. C’est le tribunal qui a toujours acquitté les policiers et condamné les nôtres. C’est pour ça qu’il a été choisi, pour la symbolique.

Si je suis policier, je peux pas avoir ça sur la conscience, je suis obligé de le dire… Ils savaient qu'ils étaient à l'intérieur du site !

Ce qui m’a frappé en tant que Clichois, c'est l’absence des gens de mon quartier. C’est vrai que les représentants des associations s’étaient déplacés à Rennes pour soutenir les membres des familles, mais il y avait moins de dix personnes de Clichy. Ils pensent que ça ne sert à rien de venir. J’ai parlé à l'un d’entre eux, qui m’a dit venir en "spectateur".

J'étais là pendant les émeutes. Je suis venu ce soir, pour voir si cette histoire touchait des gens autres, que nous.

Je suis d’accord avec cet habitant, on savait que les policiers n’allaient pas être emprisonnés. On ne le demandait d’ailleurs même pas. Mais une mesure symbolique aurait suffi pour apaiser les gens. Au moins, qu’ils reconnaissent qu’ils ont commis une faute, la relaxe est inacceptable et incompréhensible, surtout qu’on sait que Zyed et Bouna n’ont rien fait, n’ont rien volé. Pour nous, en négligeant d’appeler les secours pour les sortir [du site EDF], les policiers les ont enterrés vivants.

J’ai aussi parlé à un jeune de 18 ans pour qui cette situation rappelle les récentes bavures policières aux États-Unis.

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Je n’ai pas envie que ça devienne comme les États-Unis, de voir mes potes se faire plomber pour des conneries. L’État n’a pas su reconnaître son erreur. Comment  attendre de nous qu’on soit des citoyens.

 - Un journaliste : “Ça peut être quoi les conséquences à Clichy ? Les gens ont la haine,

on les a entendu.”

 - Un jeune : “À Clichy-sous-Bois, il y aura rien. Nous les anciens émeutiers, on a fait un vrai travail depuis dix ans. On sait ce que c'est la pression, mais nos jeunes, maintenant, on sait les encadrer.”

Mais beaucoup restent très suspicieux à l’égard des médias, comme en témoigne cette conversation avec une jeune femme venue de Saint-Ouen.

 

·         - S'il y autant de médias, c’est parce qu’ils espèrent, ils pensent que ça pourrait partir en live !

  - Ils attendent que ça ! (...) C'était pas dans ce sens-là leur questions ? 

  - Oui, mais j'ai tout fait pour éviter que ça aille dans ce sens-là !

On nous demande d’adhérer aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité. Mais il est difficile d’y croire quand les nôtres meurent comme ça. En tant qu’être humain, policier ou pas, quand on commet une erreur, on doit l’admettre et assumer les conséquences.

Le dérapage en fin de rassemblement filmé par un manifestant

Le projet Pas 2 Quartier, c'est quoi ? Cliquez sur l'image...

Billet écrit avec la collaboration de Ségolène Malterre @segoMalterre et Wassim Nasr @simnasr