L’amertume des manifestants burundais : "Les putschistes ont bafoué notre contestation"
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Les manifestants burundais sont passés de l’espoir à la désillusion en quarante-huit heures. Alors que leur protestation prenait de l’ampleur mercredi, leur élan a, selon eux, été brisé par l’échec de la tentative de coup d’État du général Godefroid Niyombaré. Pour notre Observateur, les manifestants refusent d’être assimilés aux putschistes.
Des militaires burundais circulent dans les rues de Bujumbura jeudi, quelques heures avant la tentative de coup d'État. Photo Albert Rudatsimburwa.
Les manifestants burundais sont passés de l’espoir à la désillusion en quarante-huit heures. Alors que la protestation prenait de l’ampleur mercredi, leur élan a, selon eux, été brisé par l’échec de la tentative de coup d’État du général Godefroid Niyombaré. Pour notre Observateur, les manifestants refusent d’être assimilés aux putschistes. Témoignage…
Les espoirs suscités par la tentative de putsch ont été réduits à néant vendredi matin après que les putschistes ont annoncé leur reddition. Au moins trois leaders des troupes mutines ont été arrêtés. Leur chef, le général Niyombaré, aurait, quant à lui, pour l’instant échappé à l'armée loyaliste. Le président burundais Pierre Nkurunziza, est quant à lui rentré en urgence de Tanzanie, où il s’était rendu pour un sommet des chefs d’État d’Afrique centrale sur la crise dans son pays. Une foule importante de partisans se sont rassemblés vendredi matin pour fêter son retour.
#Burundi : Nanezerewe kubona ingene Abarundi banyakiriye i #Bujumbura, canke mu zindi ntara zose nkuko vyama. Imana ibahezagire.
Posted by Pierre Nkurunziza on vendredi 15 mai 2015
Vidéo du retour de Pierre Nkurunziza à Bujumbura vendredi 15 mai. Photo publiée sur Facebook par l'équipe du président.
Au sein des Observateurs qui manifestaient depuis quinze jours sans discontinuer, la tentative de coup d’État avait d’abord été accueillie par les vivats. Mais depuis ce matin, beaucoup ont déchanté. Et certains s’interrogent sur les raisons qui ont poussé l’ex-chef d’état major à mener ce putsch.
"Les manifestants ont l’impression d’avoir été manipulés par les putschistes"
Prosper (pseudonyme) participe à la contestation depuis son début.Les manifestants ont aujourd’hui un sentiment de frustration, car ils ont l’impression d’avoir été manipulés par les putschistes qui ont profité des efforts menés depuis trois semaines pour tenter de prendre le pouvoir. Mercredi, on avait l’impression d’avoir fait un grand pas en atteignant pour la première fois la place de l’indépendance, jusque là impossible d’accès. Deux jours plus tard, c’est comme si la contestation des dernières semaines avait été éclipsée. Ils ont bafoué notre contestation.
Cette tentative de coup d’État est aussi une catastrophe pour la liberté d’expression. À ce jour, en plus de la radio nationale (RTNB), il n’y a plus que deux médias privés qui fonctionnent [Radio Maria FM, une radio chrétienne, et Héritage TV, télévision protestante NDLR] puisque la majorité des radios privés, qu’elles soient favorables à Nkurunziza ou aux manifestants, ont été saccagées [le groupe de presse Iwacu a part ailleurs suspendu jeudi ses activités pour raisons de sécurité NDLR].
"Niyombaré, un putschiste marionnette ? La rumeur circule"
Maintenant, on n’a plus que Twitter, WhatsApp et Facebook pour s’informer. Et il y circule beaucoup de rumeurs complotistes. La dernière est que le général Niyombaré n’aurait été qu’un "putschiste marionnette ". Il aurait mené ce coup d’État dans le but de créer le chaos et de pousser les manifestants à rentrer chez eux. Et dans ce contexte les "loyalistes" ont pu démontrer leur supériorité militaire.
La crainte maintenant, c’est que les manifestants soient assimilés à ceux qui ont tenté le coup d’État, et donc totalement discrédités. Ce matin, les quelques personnes qui ont essayé d’ériger des barricades dans mon quartier ont été arrêtées par les policiers qui les ont accusés d’être des putschistes.
Des partisans du président Nkurunziza scandaient des chants se moquant des contestations qui ont échoué, selon nos Observateurs.
Le porte-parole des manifestants, Vital Nshimirimana, a quand à lui affirmé que cette tentative de coup d’État était "l'initiative [de personnes] internes au système du CNDD (le parti au pouvoir)" et que les accusations de connivence entre le mouvement de protestation et les putschistes sont fausses. Il appelle par ailleurs les Burundais à "poursuivre la mobilisation".