Des automobilistes centrafricains rackettés sous les yeux de la Minusca
Publié le : Modifié le :
Notre Observateur à Bouar, en Centrafrique, raconte comment il a été forcé de payer à un barrage illégal sous les yeux de soldats de la force onusienne Minusca.
Photo prise par notre Observateur, à Bouar, le 29 avril dernier. Au loin, se trouve la barrière érigée par des jeunes, en toute illégalité, et à droite, un camion de la Minusca.
Notre Observateur à Bouar, en Centrafrique, raconte comment il a été forcé de payer à un barrage illégal sous les yeux de soldats de la force onusienne Minusca.
File de camions à Bouar, ayant dû verser de l'argent au niveau d'un barrage pour pouvoir passer. Photo prise par notre Observateur, le 29 avril dernier.
"J’ai été vraiment étonné que les casques bleus, présents à quelques mètres de la barrière, ne réagissent pas"
Didier (pseudonyme) était de passage à Bouar, le 29 avril dernier.Je suis arrivé dans le quartier de Lokoti vers 10h, en voiture. Il y avait un convoi d’une centaine de camions sur la route. Je les ai doublés et je suis arrivé au niveau d’une barrière faite de branchages. Des jeunes du quartier étaient là, ils devaient être une trentaine. Ils m’ont demandé de payer 200 francs CFA (soit 0,30 euro environ) pour que je puisse passer. C’est ce que j’ai fait. Ils faisaient payer tout le monde, mais ils demandaient davantage d’argent aux camions, entre 500 et 1 000 francs CFA il me semble (soit entre 0,76 et 1,52 euro).
J’ai été très surpris de voir un blindé et un camion de la Minusca, à une dizaine de mètres après la barrière. Il y avait une vingtaine de casques bleus environ. J’étais vraiment étonné qu’ils les laissent faire… Je les ai interpellés, en leur disant : "À quoi ça sert que vous soyez ici, si vous ne faites rien ?" Ils m’ont regardé, mais je crois qu’ils n’ont pas compris, car ils avaient l’air d’être Bangladais. Puis j’ai quitté la zone.
"Il faut qu’on accélère le recrutement d’interprètes, afin que les casques bleus puissent communiquer avec la population locale"
Alertée au sujet de cet incident, Yasmine Thiam, chef du bureau de la Minusca à Bouar, a appelé la gendarmerie et le chef du quartier de Lokoti le jour-même, qui ont démantelé la barrière aux alentours de midi.
Des casques bleus étaient effectivement présents à côté de cette barrière, mais il semble qu’ils n’aient pas su réagir. En fait, il s’agissait de Bangladais, qui ont remplacé les soldats camerounais en novembre dernier, donc on est dans une période d’ajustement. Les Bangladais parlent uniquement anglais, donc ils peuvent difficilement communiquer avec la population locale. Il faut vraiment qu’on accélère le recrutement d’interprètes parlant français, mais également sango et gbaya, les deux langues locales. Ça fait déjà un mois qu’on les attend…
Par ailleurs, les casques bleus étaient focalisés sur un autre problème ces jours-ci… Ça faisait 48 heures que des camions étaient embourbés sur la route, donc les soldats ont cherché à régler cette situation avant tout. Au total, la barrière est restée en place 2 h 30 environ seulement.
Si cette barrière est restée peu de temps en place dans le quartier de Lokoti, un habitant de Bouar a en revanche signalé à France 24 que d’autres barrières étaient mises en place depuis plusieurs semaines dans le quartier voisin de Gambou, à la nuit tombée. Selon lui, des jeunes appartenant à un groupe d’autodéfense du quartier contrôlent la circulation des véhicules afin de lutter contre l’insécurité, tout en leur réclamant de l’argent pour les laisser circuler.
Cet article a été écrit en collaboration avec Chloé Lauvergnier (@clauvergnier), journaliste à France 24.