IRAN

Dans les restaurants underground d’Iran, du vin, du porc et un zeste de liberté

En Iran, république islamique régie par la charia, les restaurants ne sont pas autorisés à servir de l’alcool ni du porc. Pourtant la carte de certains établissement cachés en propose.

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Un restaurant underground en Iran. Toutes les photos ont été envoyées par des Observateurs sur place. 

En Iran, république islamique régie par la charia, les restaurants ne sont pas autorisés à servir de l’alcool ni du porc. Il est pourtant possible d’en trouver sur la carte de certains établissements cachés.

Selon plusieurs de nos Observateurs en Iran, des restaurants underground ont ouvert ces dernières années, à Téhéran et dans quelques grandes villes, essentiellement dans le nord du pays. Ces lieux ne bénéficient évidemment pas de licence pour leur exploitation, et ne peuvent se dénicher qu’en comptant sur le bouche à oreilles. Il n’y a pas que la possibilité d’y manger de la nourriture interdite qui attire les clients : les femmes ont le droit d’y venir vêtue de manière plus décontractée qu’à l’accoutumée et, surtout, elles peuvent ôter leur voile, dont le port est obligatoire en public. Quant aux jeunes couples non mariés, ils n’ont pas à se soucier du regard de la police des mœurs.

"Il n’y pas de panneau à l’extérieur, et aucune fenêtre ne donne sur la rue"

Sahar (un pseudonyme) fréquente un de ces restaurants underground de Téhéran.

Je vais dans ce restaurant presque chaque semaine depuis que je l’ai découvert grâce à une amie. Il se trouve à l’intérieur d'un vaste immeuble et il n’y pas de panneau à l’extérieur signalant son existence. Il suffit de toquer à la porte, dire à quel nom on a réservé au téléphone, et ils vous laissent entrer. C’est plutôt détendu : il n’y pas de vigile à la porte. Une fois à l’intérieur, on traverse une cour et on accède au restaurant. Toutes les fenêtres donnent sur la cour, aucune sur la rue.

Dans ce restaurant, le jambon n’est pas sur la carte, mais si vous demandez à l’avance, on vous le prépare. Comme l’établissement n’a pas de licence, il ne subit aucun contrôle sanitaire des autorités. Mais je ne suis pas inquiète, car je pense que puisqu’ils ne veulent pas avoir de problèmes avec les autorités, ils sont extrêmement prudents concernant la sécurité alimentaire, sans doute plus que d’autres restaurants ! J’ai goûté le homard, et j’ai adoré. Il y a encore quelques années, il était servi dans les restaurants conventionnels, mais des conservateurs se sont plaints que c’était ‘haram’ [interdit par l’islam] et il y a eu une répression. [Plusieurs courants plus conservateurs de l’islam – du côté sunnite ainsi que shiite – considèrent que certains fruits de mers sont prohibés.]

"Là-bas, je peux être moi-même "

Comparés aux autres restaurants, les prix sont un peu plus élevés, mais ce n’est pas excessif. Il est assurément coûteux pour les tenants de ces enseignes d’acheter des produits interdits [France 24 n’a pas été en mesure d’interviewer des propriétaires de restaurants underground. Il est difficile de savoir où ils achètent leurs aliments. Néanmoins, en Iran, le vin et le porc se trouvent au marché noir ou auprès des minorités non-musulmanes]. Après, ils ont moins de frais que les restaurants conventionnés, puisqu’ils ne sont pas soumis aux taxes de l’État.

 

Je ne vais pas nécessairement dans ces lieux pour manger des aliments spéciaux. Ce que j’aime, c’est le sentiment de liberté que j’y éprouve. Je peux enlever mon hijab, et être moi-même. Mon amie qui m’a fait connaitre ce restaurant ne mange pas de proc et ne boit pas d’alcool, mais elle aime y aller avec son petit ami, car ils n’ont pas à craindre d’être embêtés par la police.

Je pense que la plupart des clients sont ainsi : pas spécialement des rebelles dans l’âme, ils se fichent juste de ce qui est "halal "[autorisé par l’islam] ou "haram "[interdit par l’islam], et il semble que ce soit de plus en plus le cas au sein des plus jeunes générations d’Iraniens. Par exemple, l’autre jour, j’ai vu trois femmes à la même table : une grand-mère portait le tchador, sa fille portait un voile et la nièce de sa fille n’avait pas la tête couverte. C’est un exemple qui illustre bien comment les jeunes se détachent des convenances religieuses, et comment les plus âgés les laissent faire. Ça me donne de l’espoir pour le futur de l’Iran. Trente-cinq ans après la révolution islamique, il semble que les gens finissent par comprendre qu’on ne peut pas forcer ou juger les autres. Malheureusement, les autorités ne semblent pas encore l'avoir compris ...