Des serviettes hygiéniques pour les collégiennes tunisiennes
Les Tunisiennes les plus pauvres ne peuvent pas se payer de serviettes hygiéniques lorsqu’elles ont leurs règles. Certaines cessent donc d’aller en cours pendant plusieurs jours, ou utilisent des moyens de contrôler leurs menstruations dangereux pour la santé. Notre Observateur s’est attelé à ce problème tabou en Tunisie. Lire la suite...
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Capture d'écran vidéo Youtube de témoignages à l'internat de Makthar par Enactus IHEC Carthage.
Les collégiennes tunisiennes les plus pauvres ne peuvent pas se payer de serviettes hygiéniques lorsqu’elles ont leurs règles. Certaines cessent donc d’aller en cours pendant plusieurs jours, ou utilisent des moyens de contrôler leurs menstruations dangereux pour la santé. Notre Observateur s’est attelé à ce problème tabou en Tunisie.
Les serviettes hygiéniques lavables sont fabriquées par Ecolibree, une micro-entreprise créée grâce à un partenariat entre l’association Génération Liberté et l’école IHEC Carthage. Pour l’instant, le projet se concentre sur l’internat de Makthar, dans le nord de la Tunisie, et une seule couturière travaille à la confection du produit.
Des serviettes hygiéniques lavables fabriquées par Faouzia, une couturière de la ville de Makthar.
Bientôt, chaque collégienne recevra un pack de huit serviettes hygiéniques, une trousse imperméable, un savon et un guide d’utilisation. Par la suite, l’objectif d’Ecolibree est de fournir du matériel, installé chez des couturières de la région, pour produire des serviettes hygiéniques en grand nombre et ainsi les commercialiser dans tout le pays. En employant des couturières dans des régions rurales, Ecolibree compte aussi créer de l’emploi pour les femmes dans des villages où il y a peu d’opportunités.
« Les jeunes filles utilisent la mousse des matelas »
Lotfi Hamadi est membre de l’association Génération Liberté et l’un des instigateurs de "Wallah we can", une initiative pour améliorer les conditions de vie dans les internats de Tunisie dont est issu le projet Ecolibree.Lors des tournées que je faisais dans les internats, j’avais remarqué que la mousse des matelas était arrachée. La responsable d’un de ces établissements m’a expliqué que les jeunes filles utilisaient cette mousse ou des tissus usagés comme protections pendant leurs règles, ne pouvant s’acheter des serviettes hygiéniques jetables. J’ai même rencontré une femme à Makthar qui s’est protégée avec un vieux tissu qu’elle a trouvé dans la rue sur le chemin de son travail. Elle a eu une grave infection. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose.
Photo prise par Lotfi Hamadi, le 17 février 2004, dans un internat tunisien.
Fournir des serviettes hygiéniques lavables aux écolières est un moyen de les protéger des maladies, mais aussi d’éviter leur déscolarisation. Car une semaine par mois, faute de pouvoir utiliser des protections hygiéniques, beaucoup de jeunes filles préfèrent rester à la maison.
J’ai donc contacté des ministères, mais ils ne réalisaient pas l’importance de ce problème de santé publique. En Tunisie, les gens ne veulent pas admettre qu’on vit dans un pays sous développé.
Je ne me suis pourtant pas découragé et j’ai fait des recherches. J’ai vu qu’un Indien, un homme, avait inventé une machine pour produire des serviettes hygiéniques lavables. J’ai réalisé que ce n’est pas parce que je suis un homme que je ne peux pas aider les femmes.
La distribution de serviettes hygiéniques dans l’internat de Makthar est accompagnée d'ateliers de sensibilisation. L’enjeu est que les collégiennes osent parler de sexualité ou d’hygiène intime avec leur entourage.
C’est la première fois qu’une initiative de ce genre est lancée dans le monde arabe. Mais ces dernières années, de plus en plus d’entreprises et d’associations proposent des serviettes hygiéniques lavables en Afrique. En Ouganda par exemple, où plus de 60% des filles ne peuvent pas se protéger convenablement pendant leurs menstruations, on compte trois différentes entreprises qui proposent ce produit. Un programme d’aide aux femmes sans ressources qui semble en passe de devenir un véritable business.
Article écrit par Amira Bouziri (@AmiraB22), journaliste à France 24.