IRAN

Un "bateau-bélier" pour couler les bateaux de pêche illégaux en Iran

Depuis des années, des marins pêchent illégalement carpes et esturgeons dans la zone protégée de la péninsule de Miankaleh, sur les bords de la mer Caspienne. Et les nombreuses saisies d’embarcations ne semblent pas les dissuader. Les gardes-côtes iraniens ont donc décidé d’employer une technique radicale : ils foncent sur les bateaux pour les briser et abandonnent les pêcheurs à l’eau. Lire la suite…

Publicité

Depuis des années, des marins pêchent illégalement carpes et esturgeons dans la zone protégée de la péninsule de Miankaleh, sur les bords de la mer Caspienne. Et les nombreuses saisies d’embarcations ne semblent pas les dissuader. Les gardes-côtes iraniens ont donc décidé d’employer une technique radicale : ils foncent sur les bateaux pour les briser, et abandonnent les pêcheurs à l’eau. 

 

Ces images ont été filmées le 17 mars au matin par un pêcheur, dans la zone protégée de Miankaleh. Dans la première partie de la vidéo, l’homme filme au loin une embarcation de pêcheurs illégaux vers laquelle un bateau de gardes-côtes se dirige à grande vitesse, et qu'il semble percuter. Puis il braque sa caméra sur un autre bateau de gardes-côtes qui se dirige tout droit vers l’embarcation où il se trouve, avant de la heurter violemment. La vidéo s'arrête quelques secondes après.

"Heureusement que la scène a eu lieu à proximité des côtes"

Hor Mansouri, activiste défenseur de l’environnement, a récupéré ces images auprès des pêcheurs. Il tient le blog Miankaleh Watch.

 

Après que l’embarcation a été percutée, les deux pêcheurs qui se trouvaient à bord sont tombés à l’eau. Les gardes-côtes les ont laissés là, et c’est un autre bateau de pêcheurs qui est venu les secourir. Heureusement que la scène a eu lieu à proximité des côtes et que l’eau n’était pas trop froide. Sinon, ça aurait pu être beaucoup plus grave pour eux.  Et on a eu de la chance que la carte mémoire du téléphone du pêcheur ayant filmé la scène ait pu être récupérée.

 

Cette méthode dangereuse est récente. Les autorités chargées de la régulation de la pêche mettent beaucoup plus la pression ces derniers jours sur les pêcheurs illégaux, car beaucoup d’articles ont été écrits sur le sujet.

Les médias locaux évoquent notamment une nouvelle stratégie des pêcheurs, qui consiste à fabriquer des bateaux qu'ils appellent "angelikas". Ce sont des embarcations très peu coûteuses et rudimentaires, construites à partir de chambres à air de tracteurs, remplies de ballons. Puis les pêcheurs rajoutent un petit moteur à l’arrière et un filet au milieu. L’intérêt pour eux, c’est que ça coûte beaucoup moins cher qu’un vrai bateau. Donc c'est moins grave si leur embarcation est saisie.

 

Un bateau "angelika" aperçu sur une route à proximité de la zone marécageuse.

 

À l’inverse des chasseurs illégaux, qui ont des fusils et n’hésitent pas à tirer sur les gardes, les pêcheurs n'ont pas d'armes. Il me semble évident qu’il faut augmenter les amendes et arrêter ces personnes qui détruisent notre biodiversité, mais cette stratégie me parait totalement disproportionnée. 

 

Beaucoup de ces pêcheurs sont issus de la communauté sistani, qui vivait de la pêche jusqu’aux années 1980 dans la zone du lac Hamoun (sud-est de l’Iran). Le lac s’est ensuite asséché, et ils ont migré vers le nord-est pour retrouver un emploi. Certains y travaillent comme manutentionnaire dans les ports, d’autres ont repris la pêche malgré l’interdiction.

 

La peninsule de Miankaleh.

 

La péninsule de Miankaleh, longue de 48 kilomètres, sépare la baie de Gorgan de la mer Caspienne. Cette réserve naturelle, dont la biodiversité est considérée comme l'une des plus riches du monde, a été classée "réserve de biosphère" par l’ONU en 1976.

Billet écrit avec la collaboration d'Ershad Alijani, journaliste à France 24.