Le général Qassem Souleimani, héros du combat de l’Iran contre les jihadistes
Le commandant iranien Qassem Souleimani opérait jusqu’à présent dans le plus grand secret en Irak et en Syrie. Aujourd’hui, les réseaux sociaux et les médias iraniens en ont fait le héros de la lutte contre les jihadistes de l'organisation de l’État islamique. Pourquoi ce militaire est-il aujourd’hui mis en avant par l’Iran ?
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Le commandant iranien Qassem Souleimani opérait jusqu’à présent dans le plus grand secret en Irak et en Syrie. Aujourd’hui, les réseaux sociaux et les médias iraniens en ont fait le héros de la lutte contre les jihadistes de l'organisation de l’État islamique. Pourquoi ce militaire est-il aujourd’hui mis en avant par l’Iran ?
En 2013, le "New Yorker" présentait Qassem Souleimani comme le "commandant de l’ombre", très peu d’informations filtrant sur ce personnage. Ce militaire est depuis 1999 à la tête des forces Al-Qods, une unité d’élite des Gardiens de la révolution iranienne. Il a notamment entraîné pendant une décennie des milices irakiennes chiites qui ont tué des centaines de soldats américains en Irak. Ses unités seraient également intervenues en Syrie en 2013 en appui au régime de Bachar el-Assad. Il a d’ailleurs été pour cette raison sanctionné par le département du Trésor américain.
En septembre 2014, des photos et des vidéos amateur prouvaient déjà que ce militaire se battait aux côtés des forces irakiennes pour libérer la ville d’Amerli, dans l’est de l’Irak, contre les jihadistes de l'organisation de l’État islamique (EI). Depuis, un culte voué à ce général s’est répandu sur les réseaux sociaux. Des vidéos de ses exploits, la plupart éditées et mises en musique par des chiites d’Irak, mais aussi au Liban, se sont multipliées.
Une autre musique rendant hommage à Souleimani, cette fois en arabe.
Le général Souleimani est l’objet de tous les fantasmes. Certaines vidéos affirment qu’il aurait fait parvenir une lettre dans le bureau du commandant des armées américaines au Pentagone, déjouant les mesures drastiques de sécurité. Une fausse rumeur, mais qui sous-entend qu’il est suffisamment puissant pour frapper les États-Unis dans ses sanctuaires les plus protégés.
"L'image de Souleimani est façonnée par les conservateurs pour le rendre intouchable"
Des experts s’interrogent toutefois sur cette soudaine popularité, qui ne serait pas seulement le fait d’exploits militaires, mais également d’une propagande calculée de la part des conservateurs iraniens.
Morteza Kazemian est un journaliste iranien qui travaille en Europe. Il a suivi de près cette popularité grandissante de Souleimani. Il explique :
Il y a deux ans, même les Iraniens n’avaient jamais entendu parler de lui. Mais depuis que toutes ces images de lui sont publiées par des médias iraniens, il est soudain devenu un héros de la nation.
Ce qui est intéressant, c’est que sa popularité n’est pas limitée au camp conservateur. Même les médias réformateurs l’encensent pour sa lutte contre les jihadistes de l’EI. Ce qui participe à cette glorification, c’est que Souleimani n’est pas un fanatique religieux, même s’il est très conservateur.
Aujourd’hui, tout le monde semble avoir oublié qu’il avait signé avec d’autres militaires une lettre de menace contre l’ancien président réformateur Mohamad Khatami, en 1999, qu’il jugeait trop libéral. Dans cette lettre, lui et d’autres dignitaires du régime écrivaient que si Khatami continuait ses réformes, ils seraient obligés de prendre des "mesures révolutionnaires".
Pour moi, il est clair que l’image de Souleimani est façonnée par les conservateurs iraniens pour le rendre intouchable, un peu comme le général Al-Sissi en Égypte. Lorsque la situation le nécessite, Sissi peut troquer son costume de militaire pour celui de politique sans aucun problème grâce à sa popularité. À quelle fin exacte font-ils ça ? Imaginez juste que demain, le guide suprême iranien, Ali Khamenei, décède. Qui va lui succéder ? Pas Qassem Souleimani bien entendu, car il n’est pas ayatollah. Mais sa popularité et son influence pèseront certainement dans la balance au moment du choix du successeur.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Ershad Alijani (@ErshadAlijani), journaliste à France 24.