Le combat des chrétiens du Niger pour reconstruire leurs églises
Publié le : Modifié le :
Il y a un mois et demi, les églises de Niamey et Zinder au Niger étaient saccagées lors de manifestations anti-"Charlie Hebdo". Aujourd’hui, la communauté chrétienne est engagée dans une course contre la montre pour reconstruire ces lieux de culte avant la saison des pluies.
Des fidèles catholiques s'activent bénévolement pour reconstruire les murs de leur église détruits lors des manifestations qui ont sécoué la capitale du Niger mi-janvier. Photo Serge Bodjrenou.
Il y a un mois et demi, les églises de Niamey et Zinder au Niger étaient saccagées lors de manifestations anti-"Charlie Hebdo". Aujourd’hui, la communauté chrétienne est engagée dans une course contre la montre pour reconstruire ces lieux de culte avant la saison des pluies.
Lors des manifestations contre la publication d'une caricature du prophète Mahomet en une de l'hebdomadaire français "Charlie Hebdo" les 16 et 17 janvier, les églises catholiques, protestantes, baptistes et évangéliques avaient été attaquées. En tout, ce sont 67 édifices à Niamey et 3 à Zinder, soit 80 % des lieux de cultes chrétiens du pays, qui ont été vandalisés et pillés. Les chrétiens, qui ne représentent que 2 % de la population d’un pays très largement musulman, se retrouvent ainsi sans lieux pour organiser leurs célébrations.
Photo prise au lendemain de l'attaque d'une église évangélique de Niamey. Photo Jon Banke.
"Nous avons peur qu’à la saison des pluies, les murs déjà endommagés ne s’effondrent"
Le père Jean-Baptiste Kafando est prêtre à la cathédrale de Niamey, l’un des rares bâtiments catholiques à ne pas avoir été touché lors des émeutes. Son diocèse a répertorié sept églises vandalisées."Nos fidèles se sont organisés pour nettoyer les lieux où tout avait été brûlé du sol au plafond. Beaucoup avaient peur de revenir, mais cela n’a pas duré. Nous avons été aidés par de très nombreuses personnes, même des non chrétiens, pour évacuer les cendres.
"Des voleurs nous ont ramenés des bancs car ils ne sont pas parvenus à les vendre"
J’ai réalisé l’inventaire de tout ce qui a été volé : les objets liturgiques comme les calices, les vases ou les ostensoirs ont disparus, sans exception, dans les sept églises vandalisées. Les bancs, mais aussi les bureaux des prêtres, ou même des ventilateurs ont été pillés. Des fidèles ont organisé des rondes dans les marchés de Niamey à la recherche de commerçants qui revendraient ces objets, mais ils n’ont retrouvé que quelques livres. Les seuls objets que des voleurs nous ont ramenés en s’excusant, ce sont des bancs. Ils n’ont pas réussi à les vendre.
Les fidèles de la paroisse de Saint Paul de Niamey se réunissent sous des structures temporaires, en attendant la réhabilitation de leur église. Photo Serge Bodjrenou.
"On a envie de dire à 'Charlie Hebdo' : ‘n’oubliez pas les victimes collatérales’"
Notre plus gros défi est aujourd’hui la reconstruction des toits : les plafonds de six églises sur sept sont partis en fumée et beaucoup de murs sont encore endommagés. La saison des pluies arrive à grand pas [entre fin mai et début septembre, NDLR], et nous avons des problèmes de financement pour reconstruire ces toitures. Si les toits ne sont pas posés d’ici là, les églises seront inondées et nous craignons que les murs ne soient encore plus fragilisés. À terme, certaines parties des églises pourraient donc s’effondrer et tous nos efforts pour nettoyer et reconstruire seront réduits à néants.
Après les attentats, nous avons vu cet élan de générosité avec 'Charlie Hebdo' et ce journal est en bonne situation financière à présent. J’ai envie de leur dire : 'N’oubliez pas les victimes collatérales de la situation, votre aide serait la bienvenue !'
Pour éviter que les dégâts ne soient plus importants, certaines paroisses comme celle de Saint Paul dans le quartier Harobanda de Niamey, organisent avec leurs fidèles des ateliers de maçonnerie pour consolider les murs endommagés ou reconstruire ceux qui ont été détruits.
En attendant que les églises soient réhabilitées, ceux-ci se rassemblent sous des structures temporaires en plein air, la plupart du temps dans la cour des églises, pour assister aux messes dominicales. Les plus gros rassemblements se font parfois en présence de policiers, si le diocèse en fait la demande.
Des catholiques passent leur samedi après midi à reconstruire bénévolement des murs détruits à la paroisse Saint Paul à Niamey. Photo Serge Bodjrenou.
"L’odeur de brûlé est encore imprégnée dans certains bâtiments"
Mais la réunion des fidèles à l’extérieur des bâtiments ne se fait pas uniquement pour des raisons de sécurité. Jon Banke est l'un des administrateurs de la SIM Niger, une mission évangélique protestante partenaire de douze églises à Niamey. Neuf ont été touchées.Si nous constatons une hausse globale de la fréquentation lors des cultes de plein air, beaucoup de fidèles ne souhaitent plus mettre les pieds dans les églises vandalisées. Et ce pour deux raisons : d’abord, parce qu’il est nécessaire de purifier les lieux pour organiser de nouveaux rassemblements, chose qui n’a pas encore pu être faite partout, mais surtout, parce que les dégâts encore visibles leurs rappellent les émeutes et les hantent. Dans certains endroits, l’odeur de brûlé est encore imprégnée.
Le gouvernement nigérien, en lien avec les églises évangéliques, a annoncé qu’il aiderait les églises touchées à financer les travaux nécessaires sans plus de précision. Les dégâts dans environ 80 églises ont été estimés à plus d'1 milliard de francs CFA, soit environ 2 millions d’euros.
Malgré les dégats, certains fidèles se réunissent toujours dans les murs de leurs églises, pourtant encore noircis. Cette paroisse a notamment loué des chaises pour accueillir les croyants. Photo Jenny Daviès.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à France 24.