Une vague d’arrestations sème la terreur chez les immigrés à Luanda
Ce weekend, les autorités angolaises ont procédé à l'arrestation massive d’immigrés, pour la plupart venus d’Afrique de l’Ouest, dans la capitale Luanda. Nos Observateurs sur place racontent que les Guinéens, Ivoiriens, Sénégalais, etc. qui sont passés au travers des mailles du filet vivent aujourd’hui terrés chez eux, terrifiés à l’idée d’atterrir dans une prison angolaise.
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Le quartier de Hoji Ya Henda, à Luanda, où de nombreux immigrés de pays d’Afrique de l’Ouest tiennent des petits commerces. Capture d’écran d’une vidéo publiée sur YouTube.
Ce weekend, les autorités angolaises ont procédé à l'arrestation massive d’immigrés, pour la plupart venus d’Afrique de l’Ouest, dans la capitale Luanda. Nos Observateurs sur place racontent que les Guinéens, Ivoiriens, Sénégalais, etc. qui sont passés au travers des mailles du filet vivent aujourd’hui terrés chez eux, terrifiés à l’idée d’atterrir dans une prison angolaise.
Selon le peu d’informations rapportées par les médias étatiques, 2 161 personnes auraient été contrôlées lors d’une opération d’envergure ce weekend, et 884 d’entre elles, en situation illégale, auraient été arrêtées. D’après le ministère de l’Intérieur, la majorité serait des immigrés d’autre pays africains, mais pas seulement : 300 Chinois ont été arrêtés dimanche puis rapidement relâchés - mis à part une trentaine d’entre eux - après des négociations avec l’ambassade de Chine. Toutes les personnes arrêtées sont détenues dans le centre de détention pour immigrés illégaux de Trinita.
"Je n’avais jamais vu d’opérations d'une telle envergure !"
João Barto (pseudonyme) est un Angolais de Luanda.Samedi, j’ai constaté que la police faisait une grosse descente dans mon quartier. J’ai vu quelques jeunes étrangers fuir chez des voisins angolais, qui les ont aidés à se cacher. J’aurais aimé prendre des photos, mais j’ai vite repéré des policiers habillés en civil. J’ai vu d’autres policiers en uniforme qui arrêtaient des étrangers et les embarquaient dans leurs Jeep. Toutes les petites boutiques de mon quartier - qu’on appelle les "cantinas" - étaient fermées.
C’est facile pour la police de trouver les étrangers ici à Luanda, car dans les quartiers résidentiels, toutes les "cantinas" sont tenues par des étrangers. Par le passé, quand il y a eu des rumeurs de rafles, on voyait déjà toutes les "cantinas" fermer. Mais je n’avais jamais vu d’opération d'une telle envergure !
"Avoir des papiers en règle ne suffit pas pour éviter la prison"
Mohamed Akko (pseudonyme) est Ivoirien. Il travaille comme chauffeur de taxi à Luanda depuis trois ans.Tout a commencé vendredi, quand la plupart des Africains de l’Ouest musulmans se sont rendus à la mosquée pour prier. Il y a une mosquée en particulier, près de l’aéroport, où la communauté d’immigrés d’Afrique de l’Ouest se retrouve. J’étais sur le point de m’y rendre quand un ami qui était déjà sur place m’a appelé. Il m’a dit de ne pas venir, car la police avait encerclé les lieux et commençait à arrêter les gens. L’imam et son adjoint ont tous les deux été arrêtés.
Du coup, je suis resté chez moi et je ne suis pas sorti depuis. Je suis à la maison avec dix de mes amis. Nous avons peur d’être arrêtés si nous sortons, car de nombreux amis ont été arrêtés, à la mosquée et dans la rue. Mon cousin et sa femme en font partie. Pourtant, tout comme moi, ils ont des papiers en règle. Mais ca ne suffit pas pour éviter la prison ici !
"En prison, on ne leur donne à manger qu’une fois par jour"
Ici, tout se monnaye. En tant que chauffeur de taxi, la police m’arrête tout le temps pour me demander de l’argent. Souvent, ils me giflent. Ils n’aiment pas beaucoup les étrangers, encore moins ceux qui sont francophones. Nous sommes en contact avec certaines des personnes qui ont été arrêtées, car si la plupart se sont vus confisquer leurs téléphones, quelques uns ont réussi à le cacher. Ils nous ont dit qu’ils étaient extrêmement à l’étroit en cellule, et que les hommes et les femmes sont mélangés. La plupart sont obligés de rester dans la cour, au soleil. On ne leur donne à manger qu’une fois par jour. Et les gardiens les frappent.
Nous avons contacté l’ambassade ivoirienne, mais ils nous ont dit que pour l’instant, l’ambassadeur n’avait pas eu le droit de rendre visite aux prisonniers. Ils nous ont recommandé de rester chez nous le temps que la situation se calme.
France 24 a contacté l’ambassade ivoirienne ainsi que l’ambassade guinéenne à Luanda, mais n’a pour l’heure pas reçu de réponse. Nous avons également tenté de joindre le ministère de l’Intérieur ainsi que la police de la capitale. Nous publierons leurs réponses si celles-ci nous parviennent.