CÔTE D’IVOIRE

Des villageois ivoiriens se dressent contre les orpailleurs clandestins

En Côte d’Ivoire, des milliers d’orpailleurs exploitent l’or de façon illégale, dans des dizaines de mines artisanales. Depuis le début de l’année, cette activité se développe également à proximité de Bettié, dans le sud-est du pays. Mais tous les habitants ne voient pas d’un bon œil le développement de cette activité clandestine à proximité de leur commune. Et c’est en détruisant le matériel des orpailleurs que certains ont décidé de faire entendre leur voix.

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Lundi, des habitants de Bettié ont brûlé du matériel destiné à l'orpaillage clandestin. Toutes les photos ont été prises par Leopold Brou.

En Côte d’Ivoire, des milliers d’orpailleurs exploitent l’or de façon illégale, dans des dizaines de mines artisanales. Depuis le début de l’année, cette activité se développe également à proximité de Bettié, dans le sud-est du pays. Mais tous les habitants ne voient pas d’un bon œil le développement de cette activité clandestine à proximité de leur commune. Et c’est en détruisant le matériel des orpailleurs que certains ont décidé de faire entendre leur voix.

Lundi, plusieurs habitants de Bettié ont saisi des tuyaux utilisés pour aspirer le gravier aurifère, destinés aux orpailleurs locaux. Le matériel était transporté dans un camion en provenance du Ghana, et dissimulé au milieu d’autres marchandises (produits alimentaires, sanitaires, etc.). Les habitants ont ensuite brûlé le matériel saisi.

"L’orpaillage illégal pollue notre environnement"

Léopold Brou est un planteur vivant à Bettié.

On a découvert le matériel destiné aux orpailleurs en déchargeant les marchandises qui se trouvaient à l’arrière du camion. Il s’apprêtait à partir en direction de la forêt voisine. L’or est exploité là-bas, le long du fleuve Comoé. C’est un site assez difficile d’accès, où travaillent 300 à 500 personnes, provenant de Bettié ou d’ailleurs.

De nombreux habitants s’opposent au développement de ces activités, essentiellement car les orpailleurs utilisent du mercure et du cyanure, qui sont extrêmement toxiques pour l’environnement. Ces produits sont utilisés pour extraire les particules d’or plus facilement, car elles sont mélangées au sable et au gravier. Depuis que les orpailleurs travaillent dans la zone, on a constaté que les poissons du fleuve Comoé se décomposaient beaucoup plus rapidement. Une fois pêchés, on peut à peine les garder plus d’une demi-journée. On ne sait pas si c’est lié à l’orpaillage, mais ça nous interpelle.

On a aussi peur des conséquences à long terme sur l’environnement. [Selon les conclusions rendues à l’issue d’un atelier organisé en mai 2013 par le ministère ivoirien de l’Environnement, l’exploitation minière artisanale entraîne le déboisement, la déforestation, la dégradation des sols, la pollution de l’air par la poussière et le monoxyde de carbone, la pollution de l’eau ou encore la perte de la biodiversité, NDLR.]

Par ailleurs, de plus en plus d’habitants quittent Bettié pour aller chercher de l’or dans la forêt. Ils font régulièrement des allers retours entre la ville et le site. Il y a moins d’un an, quand tout a commencé, seules quelques personnes se livraient à ces pratiques. Leur pouvoir d’achat a considérablement augmenté, ce qui a donné envie à d’autres de faire pareil. Par conséquent, beaucoup souhaitent désormais se lancer dans cette activité pour gagner leur vie. C’est problématique car ça va détruire les activités habituelles. Par exemple, les agriculteurs peuvent être tentés d’abandonner leur travail pour se lancer dans l’orpaillage, une activité plus lucrative. Les écoliers pourraient aussi avoir envie d’aller travailler là-bas, plutôt que d’aller en cours.

Par ailleurs, on ne veut pas que des activités illégales aient lieu à proximité de notre commune, car cela génère des problèmes de sécurité sur le site. Des éboulements se produisent régulièrement car des puits relativement profonds sont creusés, sans aucune forme de contrôle.

C’est aux autorités locales d’endiguer le phénomène. On est donc allés en parler aux autorités coutumières et administratives, comme la gendarmerie, la mairie, la préfecture et la sous-préfecture. Tous nous ont reçus et dit qu’ils allaient s’en charger. Mais l’orpaillage illégal continue.

Par conséquent, on est sur nos gardes en permanence. En juillet, on avait déjà saisi du matériel destiné à l’orpaillage. Il y avait des groupes électrogènes, des grilles et d’autres tuyaux. Comme je connais certains habitants se livrant à ces activités, j’ai déjà essayé de leur parler, en leur disant que c’était une activité néfaste, avec plus d’inconvénients que d’avantages. Mais ils continuent sans jamais être inquiétés par les autorités. Parfois, des bagarres éclatent même entre les orpailleurs et les habitants qui tentent de les empêcher de rejoindre le site.

Le ministre des Mines s’est rendu à Bettié il y a un mois, pour rappeler le caractère illicite de l’orpaillage. Le gouvernement de Côte d’Ivoire s’oppose à cette pratique sur le principe depuis longtemps, mais ça fait seulement quelques mois que de vraies mesures ont été prises. Des campagnes de sensibilisation ont été lancées, des orpailleurs ont été arrêtés dans le reste du pays. Mais ici, il n’y a rien eu, probablement parce que l’orpaillage clandestin est un phénomène récent.

Depuis plusieurs mois, les autorités se disent préoccupées par les décès liés à ces activités minières clandestines. Début mai, le ministre des Mines, Jean-Claude Brou, a déclaré : "L'orpaillage est une activité qui est prévue par le Code minier ivoirien. Lorsqu'il est mené de manière légale et pratiquée dans les règles de l'art, il peut être source de revenus pour les populations. Cependant, s'il est illégal et non autorisé, il est une nuisance extrêmement dangereuse pour la région et le pays tout entier."

Ce billet a été rédigé en collaboration avec Chloé Lauvergnier (@clauvergnier), journaliste à FRANCE 24.