À Dresde, "antifascistes" et "anti-immigration" sur le pied de guerre
Depuis sept semaines, des manifestants dénonçant l’influence de l’islam dans les pays occidentaux et la politique migratoire allemande défilent chaque lundi à Dresde. En réaction, des contre-manifestations s’organisent dans cette ville de l’est de l’Allemagne, afin de combattre cette vague de xénophobie. Un face-à-face de plus en plus tendu.
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Manifestants Pegida. Capture d'écran de la vidéo réalisée et diffusée sur YouTube par Filmproduktionen, le 1er décembre 2014.
Depuis sept semaines, des manifestants dénonçant l’influence de l’islam dans les pays occidentaux et la politique migratoire allemande défilent chaque lundi à Dresde. En réaction, des contre-manifestations s’organisent dans cette ville de l’est de l’Allemagne, afin de combattre cette vague de xénophobie. Un face-à-face de plus en plus tendu.
Il y a sept semaines, seule une centaine d’individus avait participé au rassemblement initié par les "Patriotes européens contre l’islamisation de l’Ouest" (Pegida). Depuis, ce mouvement a pris de l’ampleur, parvenant à réunir 7 000 manifestants lundi 1er décembre. Mais la réaction face à ces marches de l’extrême droite allemande s’organise. Ce même lundi, au moins 1 200 manifestants, en majorité des militants de gauche, ont battu le pavé afin de dénoncer les idées défendues par le Pegida.
"Le Pegida instrumentalise les peurs au sujet des réfugiés"
Frank Olfmann (pseudonyme), un habitant de Dresde, a déjà participé à trois marches anti-Pegida dans la ville.Le mouvement Pegida est constitué de néo-fascistes, de membres du parti national-démocrate [un parti nationaliste, NDLR], de "bikers", de hooligans, mais aussi de personnes sans affiliation. Lundi, on voyait que la moitié des manifestants du Pegida étaient préparés pour des affrontements. Certains portaient des gants en cuir par exemple.
Le Pegida a été lancé au mois d'octobre. Une douzaine de personnes sont à l’origine de ce mouvement. Lutz Bachmann, son leader, a fait de la prison à deux reprises dans les années 2 000.
Du côté anti-Pegida, on trouve de nombreux activistes d’extrême gauche, tels que les "antifas" [antifascistes, NDLR], qui ont parfois également recours à la violence. Lundi, ils ont par exemple jeté de l’acide butanoïque [produit qui dégage une odeur nauséabonde, NDLR] sur la route empruntée par les manifestants du Pegida. Mais il y a aussi des gens non violents parmi eux, qui veulent simplement montrer qu’ils ne sont pas d’accord avec les idées du Pegida.
Le Pegida ne représente pas l’opinion majoritaire à Dresde. Mais certaines personnes ont peur que des demandeurs d’asile s‘installent près de chez eux et que la délinquance augmente. C’est essentiellement pour ça qu’elles descendent dans la rue avec ce mouvement. Cette mouvance instrumentalise les peurs existant au sujet des réfugiés et propage des idées racistes. Il prétend également lutter contre l’islamisme radical. Or, selon l’Office fédéral de protection de la Constitution, une centaine de musulmans seulement aurait une orientation radicale dans la Saxe [le länder dans lequel se situe Dresde, NDLR]. Mais la plupart des gens qui manifestent l'ignorent.
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"Ces dernières semaines, j’ai entendu des collègues faire des remarques déplacées au sujet des étrangers ou des réfugiés"
Timm Eisenberg, 34 ans, vit à Dresde depuis deux ans. Lundi, il a participé à la manifestation anti-Pegida pour la première fois.Ces dernières semaines, j’ai eu du mal à supporter l’atmosphère ambiante concernant les étrangers. Même au travail, j’ai entendu des collègues faire des remarques déplacées au sujet des étrangers ou des réfugiés. En participant au rassemblement, je souhaitais montrer que le tout le monde ne raisonne pas de la même façon.
Lors de la marche, à un moment donné, il y avait seulement une quinzaine de mètres entre manifestants Pegida et anti. Les plus radicaux des deux côtés voulaient clairement en découdre, donc la police a dû s’interposer. Il y avait plusieurs centaines de policiers déployés afin d’éviter les clashs. Mais un manifestant anti a quand même été blessé, selon la presse.
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Depuis le début de l’année, plusieurs manifestations visant à dénoncer l’influence de l’islam dans la société ont été organisées en Allemagne. Le 26 octobre, le rassemblement "Hooligans contre salafistes", convoqué par une organisation islamophobe, avait réuni 4 000 "hooligans" et militants d’extrême droite à Cologne.
La critique de l’islam se traduit également par une hostilité croissante à l’égard des demandeurs d’asile, provenant essentiellement de Syrie, d’Afghanistan et d’Irak. En 2014, plus de 200 manifestations contre les demandeurs d’asile et 86 attaques visant les centres les accueillant ont été comptabilisées en Allemagne.
Manuel Tripp, un jeune militant du parti national-démocrate contacté par FRANCE 24, explique qu’il a manifesté à Dresde afin de "soutenir un mouvement qui cherche à lutter contre l’immigration de masse en Europe et à sauvegarder l’identité européenne", assurant que le Pegida "n’est pas contre l’islam en tant que tel, mais contre l’islamisation de l’Occident".
L’Allemagne est la première destination des demandeurs d’asile en Europe. Depuis le début de l’année, le pays a accepté 25 646 demandes d’asile, un record, sur un total de 158 000 demandes. En 2013, 20 100 dossiers avaient été acceptés, sur 127 000 demandes. Le 6 novembre, le Parlement a voté l’augmentation des allocations versées aux réfugiés, pendant que leur demande d’asile est examinée. Les autorités allemandes rencontrent toutefois des difficultés croissantes pour leur fournir un hébergement.
Photo publiée sur Twitter.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Chloé Lauvergnier (@clauvergnier), journaliste à FRANCE 24.