L’Iran dispose enfin d’un drone ultrasophistiqué... avec une antenne
En 2011, les Iraniens ont mis la main sur un drone furtif américain à proximité de la frontière afghane. Depuis, les autorités de la République islamique ont annoncé à plusieurs reprises qu’elles allaient percer les mystères de cet appareil ultrasophistiqué pour en fabriquer une copie parfaite. Le 12 novembre, ce nouveau drone a été fièrement dévoilé par les télévisions iraniennes. Mais quelques détails font tiquer les spécialistes des drones militaires.
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La version iranienne du drone en phase de décollage.
En 2011, les Iraniens ont mis la main sur un drone furtif américain à proximité de la frontière afghane. Depuis, les autorités de la République islamique ont annoncé à plusieurs reprises qu’elles s'apprêtaient à percer les mystères de cet appareil ultrasophistiqué pour en fabriquer une copie parfaite. Le 12 novembre, ce nouveau drone a été fièrement dévoilé par les télévisions iraniennes. Mais quelques détails font tiquer les spécialistes des drones militaires.
L'appareil américain RQ-170 de la CIA, aussi appelé la "bête de Kandahar" a été fabriqué en 2009 et est considéré comme une prouesse technologique. En forme de delta, cette aile volante d’une envergure d’une vingtaine de mètres peut voler à 15 000 mètres d’altitude et compte parmi les drones les moins repérables du monde. Les forces iraniennes se vantent de l’avoir "capturé" en piratant son système de pilotage, mais la CIA de son côté maintient que l’engin en mission de surveillance a été contraint d’atterrir à cause d’un problème technique.
Le drone original exposé par les Iraniens.
En 2013, les autorités iraniennes avaient annoncé que ses équipes de spécialistes avaient décodé des données secrètes qui se trouvaient dans les ordinateurs de l’appareil et qu’elles étaient sur le point d’en fabriquer une réplique. D’après le commandant des forces aérospatiales des Gardiens de la Révolution, c’est aujourd’hui chose faite. Le général Brigadier Amir Ali Hajizadeh a ainsi dévoilé mi-novembre une version qu’il dit améliorée du drone américain : le modèle iranien est supposé non seulement faire de la reconnaissance comme l’original, mais aussi frapper.
Les premières images de la version iranienne du drone
Sur les images très attendues de ce nouveau drone l’appareil survole à basse altitude une zone de montagne mais les autorités n’ont pas précisé dans quelle localité. Le drone est filmé du sol ainsi que d’un hélicoptère en vol.
"Plusieurs éléments laissent penser qu’il s’agit du vol d’un prototype, télécommandé par radio, et plus petit que l’original"
Pour autant plusieurs détails interrogent les internautes parmi lesquels David Cenciotti, spécialiste de l’aviation et rédacteur du blog "The Aviationist".
Ce que je trouve le plus étrange sur ces images c’est le moment où le drone atterrit : la façon dont il touche la piste d’atterrissage avec de légers rebonds me laisse penser que la version iranienne est plus petite et plus légère que l’original [américain, NDLR].
Un drone de type RQ-170, tout comme un petit avion, ne ferait pas ces mouvements. La cinématique de l’atterrissage est curieuse, elle fait davantage penser à un petit modèle de drone radiocommandé. [La version américaine du RQ-170 était quant à elle pilotée depuis une base aux États-Unis via un système GPS, une technologie dont l’Iran ne disposerait pas actuellement].
Par ailleurs, si la forme générale semble respecter celle du RQ-170, le train d’atterrissage du drone parait étrange, il est très fin et on dirait qu’il n’y a pas de portes de travée. [Portes qui se referment quand les trains d’atterrissage remontent, NDLR].
Enfin, en rapportant la taille du drone à la largeur de la piste d’atterrissage, on remarque assez vite que le drone iranien ne peut être que plus petit que l’original. [On ne connait pas l’aéroport iranien d’où est parti le drone mais une piste d’atterrissage mesure généralement entre 25 et 45 mètres de largeur, NDLR.]
Ces interrogations sur la taille du drone rapportées à la piste ont aussi été partagées par des internautes iraniens qui multiplient les schémas de démonstration. Ces derniers ont aussi été nombreux à faire remarquer l’antenne présente sur le drone iranien, preuve selon eux qu’il s’agit d’un appareil radiocommandé, donc technologiquement bien en-dessous de la version américaine.
Les drones peuvent avoir des antennes, bien que généralement les vrais drones ne vont pas les laisser exposées comme cela à l’extérieur mais davantage les placer sous une structure robuste pour les protéger de la météo mais aussi permettre un meilleur aérodynamisme. Il faut reconnaître que cette antenne laisse là encore penser qu’il s’agit d’un drone à pilotage radiocommandé de type 'Line Of Sight'." Ce système recouvre à la fois les drones télécommandés dans la limite du champ de vision et les drones télécommandés via un signal radio qui permet d’aller au-delà du champ de vision. Or tout ce qui émet une onde radio peut-être interceptée par des équipements spécialisés.
Enfin, le son émis par l’engin est vraiment différent du son que feraient d’autres drones de même type et fait plus penser à un modèle plus petit. À mon avis, le drone filmé sur ces images est un des prototypes dont les Iraniens avaient annoncé précédemment la fabrication.
Le porte-parole du Pentagone a réagi à la présentation de cette réplique affirmant qu’il n’y avait aucune chance pour que l’appareil atteigne le niveau technologique de l’original. Mais en Iran, le général Hajizadeh n’en démord pas, son drone est ultramoderne. Le jour de la diffusion de la vidéo du vol, il a déclaré à la presse iranienne : "On ne rendra pas la version originale du RQ-170 aux États-Unis. En revanche, s’ils lèvent les sanctions, on leur enverra la version iranienne."
Ce ne serait toutefois pas la première fois que la propagande iranienne se vante de prouesses technologiques peu crédibles. En février 2013, nous avions publié un article qui montrait que les images diffusées par Téhéran de son avion de combat furtif avaient été "photoshopées".
Billet écrit avec la collaboration de Ségolène Malterre et Ershad Alijani.