En défaut de paiement, une ville du Zimbabwe privée d'eau par le gouvernement
Publié le : Modifié le :
Les 135 000 habitants de Kwekwe, en plein centre du Zimbabwe, n’ont pas vu une goutte d’eau couler de leurs robinets pendant une semaine. En cause : des dettes impayées de leur municipalité à l’État zimbabwéen, et ce sont les habitants qui en ont fait les frais.
Des habitants de Redcliff au Zimbabwe viennent chercher de l'eau dans un forage privé. Photo Tendai Mbofana.
Les 135 000 habitants de Kwekwe, en plein centre du Zimbabwe, n’ont pas vu une goutte d’eau couler de leurs robinets pendant une semaine. En cause : des dettes impayées de leur municipalité à l’État zimbabwéen, et ce sont les habitants qui en ont fait les frais.
La dette s’élevait à plus d’un million de dollars selon l’autorité nationale de l’eau au Zimbabwe (ZINWA), une somme que la ville de Kwekwe devait verser à l’État pour être approvisionnée en eau. La ville et sa banlieue - Redcliff - avaient déjà connu des coupures d’eau précédemment à cause d’impayés, mais cela n’avait jamais excédé quelques jours.
La compagnie nationale est propriétaire des barrages, qui permettent d’alimenter en eau les villes zimbabwéennes. Les municipalités souscrivent à son service et peuvent ainsi approvisionner en eau leurs habitants, moyennant une taxe.
L’eau a été coupée à Kwekwe, jeudi 6 novembre, et ce n’est que vendredi 14 au matin que notre Observateur a pu rouvrir ses robinets, après plus de huit jours sans eau. Il revient sur cette semaine de calvaire.
Sur cette vidéo prise par notre Observateur à Redcliff, en banlieue de Kwekwe, des habitants récupèrent de l’eau dans un puits privé.
"Les enfants tombent malade et le spectre du choléra plane"
Tendai Mbofana est un consultant en communication qui vit à Redcliff.Nous avons découvert, jeudi dernier, que nos robinets étaient à sec, mais nous n’avons pas paniqué, car nous avons l’habitude de ces coupures qui durent généralement quelques heures. Vendredi, nous n’avions toujours rien, et samedi, une voiture de la municipalité avec un mégaphone a fait le tour du quartier pour expliquer que l’eau était coupée car la ville devait de l’argent à l’État.
Pendant huit jours, les gens ont fait des pieds et des mains pour avoir de l’eau. Il y a environ vingt familles à Redcliff qui ont des puits, et cinq d’entre elles ont fourni de l’eau gratuitement. Certains autres ont fait payer un dollar les quatre seaux d’eau. Le reste a refusé de partager, estimant que ça leur coûte trop cher de mettre en marche leur pompe.
Distribution d’eau à d’un puits privé de Redcliff. Photo Tendai Mbofana.
"On ne peut plus utiliser les toilettes"
Les gens ont fait attention. La priorité était la cuisine ; nous nous lavions moins. Nous ne pouvions plus non plus tirer la chasse d’eau ; certaines entreprises avaient d’ailleurs dû temporairement fermé à cause de problèmes d’hygiène, comme une compagnie minière qui emploie entre 150 et 200 personnes.
Une jeune femme transporte dans une brouette des seaux d’eau.
Les champs sont totalement desséchés. Beaucoup de personnes à Redcliff se sont lancées dans l’agriculture lorsque des entreprises minières ont fermé ces dernières années. Le fait de ne pas pouvoir arroser les champs a été une catastrophe pour ces familles car elles ne pouvaient plus cultiver, voire se nourrir.
"Pourquoi les habitants doivent-ils payer le prix d’une erreur des autorités ?"
Notre autre préoccupation est aussi la qualité de l’eau que nous buvons lors de ces coupures. L’eau des puits privés n’est généralement pas utilisée pour boire ou cuisinier, mais plutôt pour jardiner ou faire le ménage. Plusieurs familles à qui j’ai parlé disent que leurs enfants ont eu des diarrhées après avoir bu cette eau. Le spectre du choléra plane, les habitants sont encore très marqués par l'épidémie que le pays a connue il y a quelques années.
Tout le monde est déçu de l’attitude des autorités. La plupart des habitants paient leurs factures d’eau, pourquoi devons-nous encore payer le prix d’une de leurs erreurs ? [À Redcliff, les factures d’eau sont plus chères que dans le reste du pays, une situation dénoncée par des ONG, NDLR.] Cette année, la Cour constitutionnelle zimbabwéenne a décidé que les municipalités ne pouvaient plus couper l’eau à des citoyens qui n’avaient pas payé leurs factures sans décision d’une Cour de justice. Ça ne devrait pas être le cas lorsque les gens paient leurs factures !
Ce n’est pas la première fois que l’État zimbabwéen coupe l’eau dans des villes entières à cause d’impayés. Ces dernières années, plusieurs villages dans l’est du pays, des milliers de d’habitants de la ville de Gwanda au sud, ou encore une prison de Marondera, ont également vécu plusieurs jours sans eau.
Beaucoup de villes du Zimbabwe sont dans une situation financière catastrophique, à l’image de l’économie du pays. Le pays a connu deux trimestres consécutifs de croissance négative en 2014 à cause d’une inflation galopante. Selon l’International Crisis Group, un think-tank basé à Bruxelles, le Zimbabwe est devenu depuis peu un État insolvable.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Gaelle Faure (@gjfaure), journaliste à France 24.