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Désolation au Nord-Kivu après une incursion rebelle meurtrière

La ville de Béni en République démocratique du Congo a été le théâtre d’une attaque d’unerare violence dans la nuit de mercredi à jeudi. Au moins 27 personnes ont été sauvagement assassinées au cours d’une incursion rebelle. La ville, connue jusque là pour être une zone sécurisée, tombe peu à peu dans la psychose.

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Les secours recueillent les corps des victimes d'une attaque perpétrée par un groupe armé dans la nuit de mercredi. Photo Austere Malivika.

La ville de Béni, en République démocratique du Congo, a été le théâtre d’une attaque d’une rare violence dans la nuit de mercredi à jeudi. Au moins 27 personnes ont été sauvagement assassinées au cours d’une incursion rebelle. La ville, connue jusque-là pour être une zone sécurisée, tombe peu à peu dans la psychose.

L’attaque a eu lieu à la tombée de la nuit dans le quartier de Ngadi, situé à sept kilomètres du centre-ville de Béni. Plusieurs assaillants armés de fusils, de machettes et de marteaux s’en sont violemment pris à des habitants du quartier, faisant 13 morts et de nombreux blessés. L’intervention des forces armées a permis de repousser les agresseurs, mais lors de leur retrait en direction du parc des Virunga, les assaillants ont tué 14 autres personnes.

Jeudi matin, les habitants de la ville de Béni ont découvert les corps des 27 victimes. Mais le bilan pourrait être plus lourd, une dizaine de personnes ayant également été blessées lors de l’attaque. Le maire a été décrété une journée de deuil.

La population de Béni rassemblée pour honorer les victimes. Photo Jonathan Itou. 

"Béni était considérée comme ‘intouchable’, bien sécurisée"

Omar Kavota est le vice-président de la société civile du Nord-Kivu. Ce matin, il était au chevet des familles.

Il y a eu ces deux dernières semaines une petite dizaine d’attaques, mais elles avaient lieu dans des villages à 50, voire 30 kilomètres de Béni pour les plus proches. Beaucoup d’habitants de ces zones avaient d’ailleurs fui pour se réfugier en ville, où les militaires sont très présents et où les gens se sentent en sécurité. C’était pour beaucoup une ville ‘intouchable’ avant l’attaque d’hier.

C’est la première fois que la ville de Béni est touchée dans sa banlieue proche, à quelques kilomètres du centre-ville. L’ampleur du massacre n’a pas eu d’égal dans la région depuis que l’armée y traque des groupes rebelles [en janvier].

Les assaillants n’avaient pas l’intention de piller, ou de faire des dégâts matériels, mais uniquement de tuer des civils : ils n’ont rien pris dans les maisons qu’ils ont attaquées et n’ont pas cherché à brûler les habitations. Les personnes ont été tuées à la machette ou frappées à la tête avec un marteau. Une violence insoutenable.

Durant la journée, les corps des personnes attaquées ont été transportées au centre-ville. Photo Austere Malivika.

Pour Omar Kavota, l’attaque aurait été menée par les combattants des Forces démocratiques alliées (ADF-Nalu), une rébellion originaire de l'Ouganda voisin. Des blessés qu’il a pu rencontrer ont affirmé avoir vu des "hommes en uniformes militaires, d’autres en civil, qui parlaient lingala et kinyarwanda", deux langues qui ne sont pas majoritairement parlées au Nord-Kivu, mais utilisées par des combattants ADF-Nalu. En janvier 2014, l’armée congolaise a fait de la traque de ce groupe rebelle une priorité.

"C’est un message envoyé à l’armée congolaise"

Fiston Mahamba Larousse, blogueur et journaliste pour une radio locale de Béni, suit depuis plusieurs mois les opérations de l’armée dans la région.

Au départ, les attaques de groupes rebelles étaient ciblées en représailles contre des chefs de village, des familles suspectées de collaborer avec l’armée et de donner des renseignements. Mais depuis hier, c’est la psychose en ville, car n’importe qui peut être visé. Nous n’avons qu’une seule crainte à présent : qu’à la nuit tombée, d’autres attaques aient lieu dans d’autres quartiers.

Cette attaque a visé des civils, mais elle est clairement un message envoyé aux militaires de la région : c’était une façon pour ce groupe, quel qu’il soit, de détruire la confiance qui s’est installée entre la population et l’armée congolaise, censée protéger la ville de toute incursion. L’objectif est probablement aussi de forcer des troupes au front à se replier pour renforcer les patrouilles en ville. Cela donne plus de temps aux groupes rebelles pour se réorganiser.

Les cercueils des personnes tuées exposés à Béni. Photo Jonathan Itou.

Cette attaque intervient alors qu’un général de l’armée est en visite dans la région depuis dimanche pour évaluer la situation militaire et sécuritaire. Depuis une semaine, les attaques de groupes rebelles, dont l’ADF-Nalu, ont fait une quarantaine de morts et près de 100 000 déplacés.

Cet article a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à FRANCE 24.