Pourquoi la Turquie détient-elle des Kurdes de Kobané ?
Depuis plus d’une semaine, les autorités turques retiennent des dizaines de Kurdes qui ont fui la ville syrienne de Kobané, théâtre de violents affrontements entre les jihadistes de l’organisation de l’État islamique et les combattants kurdes. Ils sont soupçonnés d’être liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qu'Ankara considère comme un mouvement terroriste. Notre Observateur dénonce le flou entourant cette détention.
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Un groupe d'habitants de Kobané détenus par l'armée turque dans un gymnase dans la localité de Suruç, près de la frontèire avec la Syrie. Toutes les photos nous ont été transmises par Mohamed Arif.
Depuis plus d’une semaine, les autorités turques retiennent des dizaines de Kurdes qui ont fui la ville syrienne de Kobané, théâtre de violents affrontements entre les jihadistes de l’organisation de l’État islamique et les combattants kurdes. Ils sont soupçonnés d’être liés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qu'Ankara considère comme un mouvement terroriste. Notre Observateur dénonce le flou entourant cette détention.
La tension entre le gouvernement turc et le PKK est récemment montée d’un cran. L'armée turque a bombardé des positions du groupe indépendantiste dans le sud-est de la Turquie, a annoncé mardi l’état-major, alors qu'un cessez-le-feu était en vigueur depuis mars 2013.
"L’armée refuse que des avocats leur rendent visite"
Mohammad Arif travaille comme médecin dans la ville turque de Suruç, située près de la frontière syrienne. Il est en contact étroit avec des députés qui ont rendu visite à ce groupe de détenus comportant femmes et enfants.Ces personnes se sont rendues à la frontière turque le 6 octobre, au plus fort des combats entre les Unités de protection du peuple (YPG) et les jihadistes de l’organisation de l’EI, qui venaient d’entrer dans Kobané. À ce moment, la plupart des réfugiés kurdes avaient déjà quitté Kobané pour la Turquie. Ils étaient parmi les derniers à partir.
Ils sont arrivés par le poste-frontière principal, et les militaires turcs les ont tout de suite placés en détention dans une école dans la localité frontalière de Ali Kour. Ils les ont ensuite transférés dans un gymnase de la ville de Suruç, à 10 kilomètres au nord. [Selon un responsable local cité par le journal Middle East Online, les détenus ne font pas l’objet d’une procédure d’arrestation, NDLR. ]
Les militaires ont pris les empreintes des détenus, puis les ont interrogés. Ils leur ont notamment montré des photos de combattants armés en leur demandant s’ils les avaient vus se battre à Kobané.
Parmi ces détenus figurent 33 femmes et 9 enfants, mais aussi des responsables politiques locaux de l’administration autonome kurde en Syrie et une équipe de journalistes de la chaine de télévision kurde Ronahi.
Au départ, ils étaient plus de 150, mais lundi, on leur a dit qu’ils pourraient être relâchés à condition de retourner en Syrie. Environ quatre-vingts d’entre eux ont accepté, et ont été reconduits à la frontière. Tous les autres sont restés dans le gymnase.
"Pour protester contre leur détention, plusieurs d’entre eux sont en grève de la faim"
Pour protester contre leur détention, plusieurs d’entre eux sont entrés en grève de la faim. Les conditions de détention sont difficiles. Ils dorment à même le sol et partagent un seul cabinet de toilette. Il y a quelques jours, deux députés kurdes du parlement turc ont pu leur rendre visite et leur ont apporté du savon.
Je comprends que les autorités turques puissent mener des interrogatoires quand elles soupçonnent des personnes d’appartenir au PKK. Mais ce que je trouve incompréhensible, c’est le fait que ces gens soient toujours en détention plus d’une semaine plus tard [selon la législation turque, la période de garde à vue peut être étendue jusqu’à sept jours dans le cas d’une affaire liée au terrorisme]. Jusqu’ici, personne parmi ces réfugiés n’a reçu un document lui notifiant qu’il est arrêté ou placé en garde à vue. Et en plus, l’armée a refusé que des avocats leurs rendent visite. Il faut que les autorités turques les libèrent si elles n’ont aucune preuve contre eux, car là il s’agit clairement d’une détention arbitraire.
Nos journalistes ne sont pas parvenus à joindre les autorités turques pour commenter les circonstances de cette détention. Cependant, plusieurs sources contactées à Suruç confirment la version de notre Observateur.