CHINE

Occupy Central expliqué aux Chinois continentaux : "Un danger pour la démocratie"

Hong Kong connaît actuellement les troubles les plus importants depuis son passage sous tutelle chinoise en 1997. De quoi inquiéter les autorités de Pékin. Sur le continent, toute information qui a trait à cette contestation est contrôlée, filtrée voire censurée pour laisser la place à l’opinion des médias officiels. "Occupy Central" vu de Chine,

Publicité

Le lancement sur CCTV du reportage sur la fête nationale à Hong Kong.

Hong Kong connaît actuellement les troubles les plus importants depuis son passage sous tutelle chinoise en 1997. De quoi inquiéter les autorités de Pékin. Sur le continent, toute information qui a trait à cette contestation est contrôlée, filtrée voire censurée pour laisser la place à l’opinion des médias officiels.

 

Depuis cinq jours que le bras de fer a commencé entre les étudiants et le chef de l’exécutif hongkongais, Leung Chun-ying, les autorités chinoises n’ont fait que réitérer leur soutien indéfectible au dirigeant de la ville la plus riche de Chine. Une position clairement communiquée par les quelques médias chinois autorisés à aborder le sujet - jeudi matin, plusieurs gros tirages dont "Beijing Times", le "Beijing News" et le "Southern Metropolis" ne faisaient aucune mention du mouvement de contestation.

"Selon les journaux chinois, les manifestants sont là pour semer le chaos"

Lu est étudiant à Shanghai. Pour s’informer, il a fait le tri dans les médias continentaux et s’en remet principalement à Internet.

 

Le dernier exemple de censure, c’est celui de la télévision publique chinoise CCTV qui a diffusé, 24 heures après, la cérémonie de lever de drapeau de la fête nationale organisée à Hong Kong, sans dire un mot du conflit ou en diffuser une seule image. [D’après l’AFP, les chants des manifestants étaient pourtant audibles pendant la cérémonie].

Depuis le début de cette crise, je lis deux journaux : le quotidien hongkongais indépendant 'South China Morning post' et le 'Global Times' de Pékin [un journal qui suit la ligne des autorités chinoises, spécialisé en actualité internationale]. Le premier n’est pas vendu en Chine mais son site reste accessible sur Internet. Il m’a vraiment aidé à comprendre que le mécontentement couvait depuis un certain temps et l’escalade du conflit de ces derniers jours. 

Concernant le 'Global Times', c’est l’unique journal qui prend certaines libertés avec la rhétorique des dirigeants du parti. Ce qui n'empêche pas la rédaction de condamner avec véhémence le mouvement Occupy Central.

Je lis notamment leurs éditoriaux et dans le dernier, il est écrit que le gouvernement ne cédera pas devant des "activistes radicaux" et que ces mobilisations seront rapidement marginalisées. Pour eux, il faut être pragmatique, Hong Kong est une partie inséparable de la Chine et la logique "un pays, deux systèmes "est inébranlable. Or, la condition sine qua non de ce système est bien de reconnaître que le gouvernement central tient les rennes. 

De manière plus générale, quand des médias officiels évoquent ce conflit, ils pointent du doigt les manifestants, disent qu’ils sont là seulement pour faire du bruit et semer le chaos dans la ville. Ils sont décrits comme des gens incapables d’avoir un dialogue constructif et qui, à terme, mettront en péril la démocratie. [Une vision aux antipodes de ce que de nombreux médias occidentaux décrivent comme un mouvement déterminé à rester pacifiste.]   

Les médias utilisent aussi l’argument économique. Ils insistent sur le fait que cette occupation va coûter des milliards et que le mouvement va fragiliser la position de Hong Kong comme pôle financier.

 

"Tout ce qui concerne Hong Kong est rapidement retiré de Weibo, mais on continue de reposter "

Concernant Internet, sur le site de microblogging Weibo, tout ce qui concerne la contestation finit par être retiré. Certains se sont même plaints que des posts sur Honk Kong, qui n’ont aucun lien avec Occupy Central, ont eux aussi disparu. Par ailleurs, Instagram est totalement bloqué et les services de messagerie ultra populaires comme Wechat filtre toutes les photos provenant d’adresses IP basées à Hong Kong.  Pour m’informer sur le Net, j’utilise donc un VPN et passe par Facebook, Twitter [bloqué en Chine] et les médias étrangers.

J’essaie moi aussi de partager les photos et les reportages sur les réseaux sociaux nationaux comme Renren ou Weibo. L’information a une espérance de vie très limitée, mais on continue. 

Une certaine partie de la population n’a qu’une très vague idée de ce qu’il se passe. Elle sait qu’il y a un peu d’agitation à Hong Kong, sans plus. Cela dit, ça a suffi à dissuader les gens d’y aller. Alors qu’en cette période de vacances, en général, les prix des billets vers Hong Kong sont très élevés, ils ont chuté ces derniers jours faute de demande. Mais quelques continentaux, dont un de mes amis, ont aussi montré leur soutien en venant sur place.

Une contestation ? Non, un rassemblement patriotique selon les télévisions pro-Pékin

 

Dans ce contexte de contrôle de l’information, certaines images sont aussi manipulées. Deux internautes ont remarqué que des chaînes pro-Pékin, dont ci-dessou Dragon TV ont diffusé des images de nuit des manifestants d’Occupy Central en prétendant qu’ils veillaient en vue des célébrations de la fête nationale du 1er octobre.

Billet écrit avec la collaboration de Ségolène Malterre, journaliste à France 24.