YÉMEN

Pourquoi les Houthis réclament le départ du gouvernement yéménite

La situation est tendue autour de la capitale yéménite où des milliers d’éléments armés de la rébellion houthiste se sont rassemblés. Ils ont appelé leurs partisans à des manifestations massives dans la capitale, vendredi, pour réclamer la démission du gouvernement. .

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Photo des manifestations du lundi 18 août à Sanaa, prise par Ali al-Shami et postée sur sa page Facebook.

La situation est tendue autour de Sanaa où des milliers d’éléments armés de la rébellion houthiste se sont rassemblés. Ils ont appelé leurs partisans à des manifestations massives dans la capitale, vendredi, pour réclamer la démission du gouvernement. Témoignages de militants houthis.

Abdel Malik al-Houthi, leader de la rébellion houthiste (issue d’un courant chiite au Yémen), avait appelé, dimanche, tous les Yéménites à des manifestations à Sanaa à la suite de l’annonce d’une hausse des prix du carburant. Le lendemain, lundi, des centaines de personnes sont sorties dans les rues pour réclamer le départ du gouvernement, des manifestations qui se sont déroulées sans incident.

Abdel Malik al-Houthi a adressé au gouvernement un ultimatum qui prend fin vendredi pour qu’il démissionne, et promet des manifestations de grande ampleur vendredi à Sanaa.

Armés de Kalachnikov, les rebelles ont creusé des tranchées autour de leurs campements, jeudi, aux entrées nord, sud et ouest de la capitale. Leurs positions étaient survolées par l'armée de l'air yéménite.

Manifestation à Sanaa, lundi 18 août, contre la hausse des prix du carburant. Photo prise par Ali al-Shami.

Mis en place en février 2012, le gouvernement est confronté à de grandes difficultés économiques, aux attaques d’al-Qaïda et aussi aux pressions de la rébellion houthie qui revendique entre autres l’autonomie sur la région qu'elle contrôle dans le nord du pays.

Les rebelles houthistes contrôlent aujourd’hui une partie de la capitale Sanaa, l'ensemble du gouvernorat de Saada, ainsi que le gouvernorat d'Al-Jawf.

"Je souhaite la mise en place d’un gouvernement de technocrates"

Ali al-Shami est un militant houthi vivant à Sanaa.

Je considère que ce mouvement de protestation concerne tout le peuple du Yémen, et pas seulement les Houthis car nous souffrons tous des mêmes problèmes que sont la corruption, la pauvreté, le manque de développement, etc.

J’ai personnellement participé à 150 manifestations depuis 2011 et rien n’a changé. Je réclame naturellement l’annulation de l’augmentation des prix du carburant, mais surtout la mise en place d’un gouvernement compétent, constitué uniquement de technocrates qui seraient capables de mettre en place de vraies réformes économiques et fourniraient du travail aux jeunes.

Ce gouvernement n’a pris aucune mesure sérieuse. Depuis son arrivée, nous n’avons eu que des explosions, des assassinats politiques et des coupures d’électricité. Il est incapable de protéger les ressources du pays, notamment les installations d’exploitation du pétrole et de gaz, qui sont régulièrement la cible d’actes de sabotage dans le sud du pays.

Il n’a réglé ni la crise du Sud-Yémen, où il y a une véritable guerre de sécession, ni celle de Saada [bastion des Houthis qui réclament l’autonomie sur la région nord du pays, NDLR].

Les décisions de la Conférence du dialogue national, à laquelle ont pris part des représentants de la communauté houthie, ne sont pas appliquées. Le gouvernement de transition et la nouvelle Constitution, notamment, n’ont pas encore vu le jour.

Je suis en outre très déçu par l’attitude des dix États qui parrainent l’initiative du Golfe pour une transition politique au Yémen [composée des cinq pays-membres du Conseil de sécurité et des pays du Conseil de coopération du Golfe, NDLR]. Au lieu de mettre la pression sur le gouvernement pour accélérer les réformes, ils ont dénoncé le discours d’Abdel Malik al-Houthi qui ne fait que relayer les revendications du peuple. La communauté internationale a pris position pour un gouvernement incompétent et contre le peuple yéménite. Il y a forcément des intérêts derrière tout cela.

Des manifestants brandissant le drapeau du Yémen, lundi 18 août à Sanaa. Photo prise par Ali al-Shami.

"Nous sommes armés et prêts à nous défendre"

Oussama al-Mahtouri est un militant houthi qui vit à Saada, région dans le nord du Yémen contrôlée par la rébellion houthiste, où un cessez-le-feu est entré en vigueur en 2010 après six ans de guerre contre le gouvernement central. Il compte participer à la manifestation de vendredi.

Certes, les Houthis ont été conviés à participer au dialogue national, mais on a cessé de nous mettre des bâtons dans les roues. Les membres les plus éminents de notre communauté qui étaient membres de la Conférence du dialogue national, ont été assassinés, à savoir Abdelkarim Jadbane [tué en novembre 2012, NDLR] et Ahmad Charfeddine [tué en janvier 2014, NDLR]. Ce gouvernement doit rendre des comptes. Il doit nous dire qui les a assassinés et pourquoi.

Je ne sais pas encore quelle décision prendra le leader Abdel Malik al-Houthi après les manifestations de vendredi, si jamais le gouvernement s’obstine à rester. Mais quelle que soit sa décision, je m’y conformerai.

Nous manifesterons de manière pacifique. Mais nous ne laisserons passer aucune provocation. Nous sommes armés et nous nous défendrons.

"Les coupes d'électricité et les pénuries d'essence sont un exemple concret de l'incompétence du gouvernement". Photo prise par Ali al-Shami.

"Le gouvernement n’a même pas réglé le problème des coupures intempestives d’électricité"

Radia al-Moutawakkil vit à Sanaa et milite au sein de l’ONG de défense de droits de l’homme "Moatana".

Ces manifestations divisent les citoyens à Sanaa. Certains voient avec suspicion ce mouvement de protestation lancé par Abdel Malik al-Houthi, car ils estiment que leader est en train d’exploiter le ras-le-bol des Yéménites pour obtenir des concessions politiques au profit de sa propre communauté. D’autres citoyens, parmi les plus pauvres et ceux qui souffrent du chômage, ont rejoint ces protestations par défiance vis-à-vis de l’actuel gouvernement.

La faute incombe effectivement au gouvernement. Il n’a pas réussi à résorber le chômage, ne lutte pas réellement contre la corruption qui gangrène l’administration, ni l’insécurité galopante. Il n’a même pas réglé le problème des coupures intempestives d’électricité. S’il avait pris des mesures sérieuses pour améliorer son quotidien des gens, je suis sûr que la population serait beaucoup moins réceptive au discours d’al-Houthi aujourd’hui.