Recalés à l’examen d’État, des élèves congolais brûlent leur école
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Des étudiants de Kolwezi, ville du Katanga dans le sud de la République démocratique du Congo, ont incendié mardi soir les locaux de leur école. Leur motif : le taux d’échec extrêmement élevé de leur école publique à l’examen d’État, équivalent congolais du baccalauréat.
Les locaux de l'Athénée royal de Kolwezi, qui abritent plusieurs écoles, brûlées mardi soir par des élèves mécontent d'avoir échoué à l'examen d'État. Photo Dédé Musinde.
Des étudiants de Kolwezi, ville du Katanga dans le sud de la République démocratique du Congo, ont incendié mardi soir les locaux de leur école. Leur motif : le taux d’échec extrêmement élevé de leur école publique à l’examen d’État, équivalent congolais du baccalauréat.
L’Athénée royal de Kolwezi a été construit par les colons belges et abrite plusieurs écoles primaires et secondaires. Selon des témoins, mardi, une cinquantaine d’élèves d’un de ces établissement, l’institut public secondaire Elimu, ont commencé à lancer des pierres sur leurs locaux et à vouloir s’en prendre au personnel. Malgré l’intervention des forces de l’ordre, qui ont réussi à mettre à l’abri les responsables pédagogiques, les élèves sont entrés dans le bâtiment avec des bidons d’essence et des pneus mettant le feu à plusieurs bureaux et à des salles de classes. L’incendie a finalement été maitrisé grâce aux camions anti-incendie d’une compagnie minière de la ville.
Plusieurs habitants nous ont fait parvenir des photos du bâtiment pendant et après l’incendie. Selon des journalistes locaux, l’Athénée royal serait détruit à 30 %. Une douzaine d’étudiants ont été interpellés par la police, les autres ayant réussi à prendre la fuite vers Likasi.
Les élèves ont aspergé d'essence le bâtiment avant de disposer des pneus dans des bureaux et des salles de cours et d'y mettre le feu. Photos transmises par Alexandre Mulongo.
"Ça fait deux ans que les résultats de cette école sont catastrophiques"
Didier Katshongo est ingénieur en métallurgie à Kowelzi. Il a été témoin de l’incendie.Cette année à Kolwezi, les résultats ont été catastrophiques pour les écoles secondaires de l’Athénée royal : sur 129 candidats, seulement deux ont été admis. Parmi les élèves recalés, certains ont échoué pour la 4e fois ! Cela fait deux ans que les résultats sont en effet très mauvais [en 2013, 10 élèves sur 85 avaient été reçus selon les statistiques du ministère de l’Enseignement congolais, NDLR].
Les écoles de l’Athénée de Kolwezi n’ont pas une bonne réputation : ce sont des écoles publiques, où les frais d’inscription sont certes faibles [27 euros NDLR] mais où l’enseignement est de moins bonne qualité qu’ailleurs. Mes enfants sont encore jeunes, mais plus tard, il est pour moi impensable qu’ils étudient à l’Athénée s’ils font leurs études secondaires à Kolwezi. Je ferai en sorte de les placer dans un établissement privé si j’en ai les moyens. Le geste de ces élèves est condamnable, mais il traduit un vrai malaise par rapport à la formation.
30 % du bâtiment serait partie en fumée. Photo prise jeudi matin par notre Observateur Dédé Musinde.
"L’enseignement est moins bon dans cette école parce que les professeurs sont sous-payés et souvent cumulards"
Murielle K. (pseudonyme) travaille dans les locaux de l’Athénée royal de Kowelzi. Son bureau a été incendié.Ça me bouleverse de voir ce bâtiment historique de Kolwezi qui date de 1956 réduit en cendre. Tout est parti en fumée : une dizaine de bureaux, des dossiers et des archives, même des diplômes que nous devions remettre. Huit salles de classes ont complètement brûlé, du sol au plafond, les dégâts sont considérables et je ne vois vraiment pas qui va payer pour rénover tout ça avant le début de la prochaine rentrée scolaire [en septembre, NDLR].
Si l’Athénée a une mauvaise réputation, c’est parce que les professeurs qui y enseignent sont sous-payés et sont souvent des cumulards : certains donnent des cours dans plusieurs écoles, d’autres ont même des petits boulots complètement différents. Ils ont donc beaucoup moins le temps de préparer leurs cours, d’accorder du temps à leurs élèves, et ça se ressent sur les résultats.
Vitres cassées et toit effondré, les dégâts sont "considérables" selon les employés du bâtiments. Photo Dédé Musinde.
Des sources judiciaires contactées par France 24 expliquent que plusieurs élèves interpellés ont été présentés vendredi au tribunal de grande instance de Kolwezi. Certains ont affirmé avoir versé des pots-de-vin au préfet des études de Kolwezi contre la promesse d’être reçus à l’examen. Mais voyant leur échec ces derniers ont incendié le bâtiment. Une accusation que le préfet concerné a nié en bloc.
Cet incendie de Kolwezi n’est pas un cas isolé : à Kamina et à Mbuji-Mayi, plus au nord, des bureaux du service de contrôle et de paie des enseignants (Secope) ont été incendiés par des candidats recalés. Dans l’ensemble de la RDC, le taux de réussite à l’examen d’État congolais est resté faible cette année, bien qu’en légère hausse, avec seulement 30 % des candidats admis.
Le bâtiment a brûlé pendant de longues heures avant que le personnel anti-incendie d'une compagnie minière n'intervienne.
Ce billet a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste aux Observateurs de FRANCE 24.