Pourquoi les symboles nazis ont-ils le vent en poupe en Indonésie ?
D’abord, il y a eu la réouverture en grande pompe du "Café des Soldats", triste lieu de la ville de Bandung où vous pouvez boire votre café vêtu en SS. Et il y a maintenant cette vidéo de campagne électorale dans laquelle une star indonésienne apparaît dans l’uniforme d’Himmler. Pourquoi trouve-t-on ce genre de références nazies en Indonésie ? Réponse de Jakarta…
Publié le : Modifié le :
Publicité
D’abord, il y a eu la réouverture en grande pompe du "Café des Soldats", triste lieu de la ville de Bandung où vous pouvez boire votre café vêtu en SS. Et il y a maintenant cette vidéo de campagne électorale dans laquelle une star indonésienne apparaît dans l’uniforme d’Himmler. Pourquoi trouve-t-on ce genre de références nazies en Indonésie ? Réponse de Jakarta.
Les propriétaires du "Soldaten Kaffee" ont beau s’époumoner à dire que leur café est dédié à la Seconde Guerre mondiale et non pas au nazisme, il suffit de passer peu de temps sur leur page Facebook pour comprendre que le IIIe Reich est pour eux une obsession. Parmi l’une de leurs nombreuses publications sur le thème, on trouve par exemple la photo d’un soldat asiatique sur laquelle est écrit : "Je suis du côté du Führer", tout en accompagnant la photo d’un commentaire : "C’est juste pour rire, on ne fait ni de politique, ni de glorification !".
Vidéo clip d'Ahmad Dhani
Pas étonnant donc que l’on retrouve sur cette même page l’autre référence à l’Allemagne nazie qui fait le buzz en ce moment en Indonésie. Dans un vidéo clip dédié au candidat à la présidentielle Prabowo Subianto, le chanteur rock indonésien Ahmad Dhani a choisi de revêtir l’uniforme du chef de la SS et de la Gestapo, Heinrich Himmler, tout en brandissant un garuda, symbole de l’Indonésie. Visiblement appréciée par le candidat, la vidéo a été repostée sur sa propre page Facebook provoquant une vague d’indignation bien au-delà des frontières du pays.
"Je ne crois pas une seconde qu’il y ait une adhésion à l’idéologie nazie derrière cela"
Dans un pays où la communauté juive ne compterait pas plus que quelques dizaines de personnes, l’enseignement de son histoire n’est visiblement pas une priorité. Aditya Rian Anggoro a 23 ans, il vit à Jakarta et la première fois qu’il a entendu parler de l’Holocauste, c’était grâce à son père.
Je n’ai aucun souvenir d’avoir entendu quoi que ce soit sur cette tragédie à l’école. C’est mon père qui, alors que j’étais à l’université, m’a conseillé de lire un livre sur l’Holocauste. Là j’ai compris l’ampleur du massacre qui avait eu lieu.
Et quand une vidéo comme celle d’Ahmad Dhani sort, et qu’en plus les journalistes du monde entier jugent d’une voix que c’est un manque total de respect, j’ai honte pour mon pays. J’ai honte parce que je sais que beaucoup d’Indonésiens n’ont pas la moindre idée de ce qui se cache derrière ces symboles. Et je ne crois pas une seconde qu’il y ait une adhésion à l’idéologie nazie derrière cela.
On peut difficilement forcer les gens à se renseigner, mais les personnes publiques ont une responsabilité. C’est un très mauvais coup de la part du candidat Prabowo car beaucoup réalisent qu’il a fait une erreur. [Dans un billet qu’ils publient sur le Jakarta blog, deux chercheurs Adrian Vickers et Mirela Suciu font remarquer que les références à des figures d’"hommes forts" sont particulièrement recherchées par le candidat Prabowo, NDLR.]
"La plupart des Indonésiens ne font pas de lien entre nazisme et communauté juive"
En ce qui concerne le café, ce n’est rien d’autre que du business. Les gens voient des croix gammées et trouvent ça cool, sans se poser plus de questions. [Le svastika est un symbole positif très présent en Indonésie comme dans le reste de l’Asie. Sa version inclinée à 45 degrés, symbole du IIIe Reich, est beaucoup moins connue, NDLR].
Personnellement, je sais qu’il y a des juifs dans le pays mais on ne sait pas vraiment où [Le pays est à plus de 87 % musulmans, NDLR]. Je ne sais pas comment ils sont perçus par la population mais je suis certain que la plupart des Indonésiens ne font pas de lien entre nazisme et communauté juive.
L’Indonésie n’est pas le seul pays à connaitre ce phénomène que certains appellent le "nazi chic". Les uniformes SS ont connu récemment un certain succès en Corée du sud, tandis qu’au Japon, la version manga de "Mein Kampf" s’est vendu comme des petits pains en librairie.