La "maison la plus photographiée d’Afrique" en voie de destruction
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C’est une maison légendaire qui est en passe d’être démolie. La Maison du patrimoine de Nairobi, bâtiment réputé le plus photographié d’Afrique, est un lieu d’échange et un musée de merveilles antiques qui témoignent du passionnant passé du pays. Un batiment qui devra bientôt laisser la place à une nouvelle voie ferrée.
La maison du patrimoine au Kenya, photo disponible sur le site African Heritage House.
C’est une maison légendaire qui est en passe d’être démolie. La Maison du patrimoine de Nairobi, batiment réputé le plus photographié d'Afrique, est un lieu d’échange et un musée de merveilles antiques qui témoignent du passionnant passé du pays. Un bâtiment qui devra bientôt laisser la place à une nouvelle voie ferrée.
Cette maison du patrimoine a été construite il y a plus de vingt ans, par l’architecte américain Alan Donovan. La bâtisse surplombe le Parc National de Nairobi. Environ 6 000 objets d’art africain issus de tout le continent sont exposés à l’intérieur de cette maison, qui est aussi le logement de Donovan. Les militants pour sa préservation, voudraient que l’édifice soit considéré comme faisant partie du patrimoine national.
La maison du patrimoine au Kenya, photo disponible sur le site African Heritage House.
Mais un récent projet du gouvernement visant à developper les infrastructures kenyanes met en péril la Maison du Patrimoine. Les plans actuels prévoient la construction d’une nouvelle voie ferrée reliant la capitale avec la ville portuaire de Mombasa. Les rails contourneraient le Parc national de Nairobi et condamnerait ainsi la maison à la démolition. Les travaux seraient menés par la société China Road and Bridge / Routes et ponts de Chine, pour un coût d’environ 3,6 milliards de dollars.
"C’est un lieu unique au monde. Il est très rare de trouver de tels objets artisanaux de nos jours"
Donovan s’étonne de cette décision qui survient alors que le gouvernement kenyan réflechissait sérieusement à faire du lieu un site protégé.
L’architecture de la maison est inspirée des bâtiments en terre typiques du Mali. La maison elle-même est pleine de ma propre collection panafricaine d’objets : la plupart des pays d’Afrique sont représentés. J’ai commencé à la construire en 1989 au-dessus du Parc national de Nairobi, et l’ai terminée en 1994. Je l’ai ouverte au public en 2004. Je propose des visites de la maison, je l’ouvre comme hôtel, la loue aussi pour des évènements, des mariages par exemple.
C’est un lieu unique au monde. Il est très rare de trouver de tels objets artisanaux de nos jours, parce que ceux qui les ont fabriqués ne le font plus aujourd’hui. Toute l’idée est de montrer aux africains qu’ils peuvent s’inspirer de l’architecture africaine plutôt que d’importer des objets de l’étranger, comme c’est malheureusement de plus en plus le cas ici. Je souhaite montrer que l’on doit d’abord chercher l’inspiration dans la culture de son propre continent.
Mon but est de faire de la maison du patrimoine un investissement pour les habitants du Kenya. Qu’elle devienne la responsabilité d’universités étrangères et kenyanes, comme Strathmore à Nairobi qui en seraient les principales parties prenantes. Il y auraient des étudiants spécialisés en culture africaine qui y habiteraient chaque année et feraient des recherches sur les objets exposés. Mais alors qu’une partie du gouvernement envisage de faire du lieu un site protégé, l’autre veut y faire passer une ligne de chemin de fer.
Photo prise d’une chambre de la maison, disponible sur le site African Heritage House.
"La promotion du progrès ne devrait pas passer par la destruction du patrimoine"
Emma Too est une ancienne mannequin pour "African Heritage" - la société lancée par Donovan pour mettre en valeur l’artisanat africain - et une habituée des lieux. Elle est à l’initiative d’une campagne en ligne pour sauver la maison.
Comme j’avais travaillé pour African Heritage, j’ai reçu un email m’expliquant les projets du gouvernement concernant la maison. J’ai trouvé cela scandaleux - pourquoi le gouvernement ne peut-il pas prévoir une autre route? Nous vivons dans un continent divisé en tribus et théâtre de tant de problèmes, mais cette collection réunit sous le même toit toutes ces différentes cultures. Ceux qui n’ont pas l’opportunité de voyager en Afrique peuvent y venir et y découvrir davantage la culture africaine. Ce n’est pas seulement la maison d’Alan Donovan, il s’agit plutôt d’un musée. On y trouve des instruments de musique, des boiseries, des tissus, des objets artisanaux d’Afrique de l’ouest, et bien d’autres choses.
J’ai donc décidé de lancer un hashtag - #SaveAfricanHeritageHse - pour réunir les kenyans sur Twitter en faveur de la cause. Nous souhaitons que la maison soit reconnue comme patrimoine national par le ministère de la Culture, de cette façon elle serait protégée.
Je comprends pourquoi le gouvernement veut construire des voies ferrées plus modernes. Les anciennes avaient été construites par des ouvriers indiens bien avant l’indépendance du pays. Et le gouvernement souhaite que le réseau ferroviaire relie les ports côtiers et cette infrastructure permettra de transporter des cargaisons de marchandises. Mais nous devrions être en mesure de trouver un compromis. Le progrès ne devrait pas passer par la destruction du patrimoine. L’ancienne voie ferrée passe déjà devant la maison, mais la nouvelle traverserait tout bonnement les lieux. [Selon les ingénieurs chinois en charge de conduire les travaux, ne faire que remplacer l’ancienne voie ferrée est impossible à cause de ses nombreuses courbes, impraticables pour les trains modernes rapides, NDLR]"
Une des chambre de la Maison du patrimoine postée sur le site African Heritage House.
Cet article a été écrit en collaboration avec le journaliste de FRANCE 24 Andrew Hilliar (@andyhilliar).