IRAN

Campagne des conservateurs iraniens contre les femmes "impudiques"

 Avec l’arrivée du printemps, les températures grimpent en Iran. Et comme à son habitude, la police religieuse se fait plus présente dans les rues pour s’assurer que les femmes ne soient pas légèrement vêtues. Mais cette année, les Iraniennes craignent que les forces de l’ordre ne se montrent plus coriaces que jamais, car elles bénéficient du soutien de nombreux radicaux qui ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour prévenir que les  vêtements "impudiques" ne seront pas tolérés.

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Des médias proches des radicaux iraniens ont publié cette photo d’une femme sans voile, une attitude qu’ils jugent impudique.

 

Avec l’arrivée du printemps, les températures grimpent en Iran. Et comme à son habitude, la police religieuse se fait plus présente dans les rues pour s’assurer que les femmes ne soient pas légèrement vêtues. Mais cette année, les Iraniennes craignent que les forces de l’ordre ne se montrent plus coriaces que jamais, car elles bénéficient du soutien de nombreux radicaux qui ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour prévenir que les  vêtements "impudiques" ne seront pas tolérés.

 

Ces dernières semaines, des sites radicaux et des médias proches de ces mouvements ont diffusé plusieurs photos de femmes dont ils jugent le comportement indécent. Sur l’une d’entre elles, une Iranienne est photographiée en train de conduire une moto, ce qui n’est pas illégal mais très peu courant en Iran. La jeune femme est accusée d’avoir provoqué un accident en "distrayant" les autres conducteurs. 

 

Cette femme aurait provoqué un accident par son attitude inconvenable affirment des sites radicaux.

 

Cette autre photo aurait été prise dans les rues de Karaj, une ville située à l’ouest de Téhéran. On y voit une femme marcher seins nus dans la rue. Les sites qui la publient ne précisent pas si la femme avait des problèmes psychologiques. Par ailleurs, aucun autre média ne rapporte cet incident. Cité par un site radical, un imam local a tout de même demandé que des mesures soient prises contre ces attitudes immorales, qu’il attribue à l’influence négative de la culture occidentale.

 

La photo de la femme seins nus, présentée comme prise à Karaj. La photo a été floutée par les sites radicaux.  

 

Les femmes légèrement vêtues comparées à des pistaches sans coquille

 

Cette campagne en ligne est complétée par différentes affiches murales. Et les radicaux ne manquent pas de métaphores pour faire passer leur message : les femmes légèrement vêtues sont comparées à des pistaches sans coquilles, ou encore à des voitures de luxe sans couverture de protection.

 

On peut lire, "Ma fille, c’est la loi.  Plus quelque chose a de valeur, plus il faut le protéger."

 

La femme qui se couvre les cheveux avec un voile est comparée à une voiture de luxe qui serait protégée sous une couverture. La femme qui laisse apparaître ses cheveux, comme le font nombre d’Iraniennes, est elle comparée à une voiture bas de gamme.

 

Lundi 28 avril, le ministère de l’Intérieur, de qui dépend la police religieuse, a annoncé un plan spécial pour combattre les tenues indécentes sans donner aucun détail. S’il n’existe pas de véritable code vestimentaire, la police religieuse a l’habitude de cibler les femmes portant des manteaux ajustés, des leggings, des pantalons courts, des sandales, du vernis à ongle ou encore des voiles lâches. 

"Quand l’été arrive, il y a beaucoup plus d’unités de police mobile. C’est insupportable."

Sanaz, 30, a déjà été interpellée par la police religieuse.

 

Tout au long de l’année, les femmes sont sur leurs gardes vis-à-vis de la police religieuse. Pour autant, on sait où ils sont placés et on arrange notre voile quand on doit passer à côté d’eux. Mais quand l’été arrive, il y a beaucoup plus d’unités de police mobile. C’est insupportable. Et je ne pense pas que le changement à la tête du gouvernement améliore quoi que ce soit. [Hassan Rohani, modéré, a été élu à la présidence en août 2013.] Si vous voulez que les choses changent, c’est le chef de la police qu’il faut remplacer. [Le chef de la police est nommé par le Guide suprême, qui est issu de la frange radicale.] Ces affiches loufoques qui comparent les femmes aux pistaches me laissent penser que cette année sera peut-être même pire que les autres.

 

Ça reste le travail du président de défendre nos droits de citoyens, c’est pour cela que nous avons voté pour lui. C’est au gouvernement de dire à la police de ne plus arrêter les gens sans fondement ou de ne pas traiter les femmes comme des criminelles. [Il n’est pas précisé dans la loi comment doit être porté le voile islamique]. S’il devait y avoir une véritable opération ciblant les tenues féminines, la popularité de Rohani s’en ressentirait. Il perdrait beaucoup de soutien chez les jeunes femmes.

"Pour moi, les radicaux tentent de faire perdre Rohani en popularité"

 

Mahboubeh, 32, a aussi voté pour Hassan Rohani.

 

Nous savons tous que la police religieuse n’a rien à voir avec l’administration, donc nous ne devrions pas tenir le gouvernement pour responsable de ce qu’il se passe. Cela fait des décennies que c’est ainsi et ceux qui ont voté pour Rohani en pensant que le code vestimentaire serait moins stricte se sont fourvoyés. Pour moi, les radicaux tentent de faire perdre Rohani en popularité. Ils ne sont peut-être pas nombreux mais ils ont du pouvoir et notamment dans le secteur des médias. C’est une bataille perdue d’avance.

 

Billet écrit par Ershad Alijani, journalist à FRANCE 24 (@ErshadAlijani).