Immersion dans un abattoir insalubre du nord de la Guinée
Un blogueur de Labé, ville du nord de la Guinée, s’est introduit dans un abattoir qui, depuis plusieurs années, doit bénéficier d’aménagements pour améliorer les conditions d’hygiène et d’abattage des bovins. Photos et vidéos à l’appui, notre Observateur affirme que c’est bien loin d’être le cas.
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Sur la droite, des débris de cornes d'animaux abattus obstruent une partie du canal d'évaucation des eaux usées. Photos et vidéos Sally Bilaly Sow.
Un blogueur de Labé, ville du nord de la Guinée, s’est introduit dans un abattoir qui, depuis plusieurs années, doit bénéficier d’aménagements pour améliorer les conditions d’hygiène et d’abattage des bovins. Photos et vidéos à l’appui, notre Observateur affirme que c’est bien loin d’être le cas.
En 2010, le ministère de l’Élevage avait lancé un vaste programme de modernisation des abattoirs de Guinée et financé la construction d’abattoirs flambant neufs à Conakry et à Dubréka, au nord de la capitale. Les travaux avaient commencé à la fin de la période de transition politique en 2010, juste avant l’élection d’Alpha Condé à la présidence, mais n’ont jamais été menés à leurs termes.
L’abattoir à ciel ouvert de Labé, ville de 100 000 habitants et chef lieu de la région du même nom, était supposé être concerné par ce programme.
En l'absence d'endroit adapté, les cornes des animaux abattus. s'amoncellent à côté d'un canal.
"On voit des chiens errants et des oiseaux charognards roder autour de la viande"
Sally Bilaly Sow est blogueur à Labé. Jeudi 10 avril, il s’est introduit dans l’abattoir situé dans le nord de la ville.
N’importe qui peut entrer dans cet endroit sans qu’on lui oppose de résistance. Personne n’est venu me voir pour me demander ce que je faisais ici ou pour me demander de mettre des vêtements de protection ou des gants. Et pour cause : ce jour-là, aucun des employés n’en portait.
Une employée de l'abattoir lave le sol après que des bêtes ont été abattues.
Dans cet endroit, les bœufs sont abattus par terre, au couteau. On voit que le sol n’est pas lavé régulièrement car il est recouvert d’une couche de sang séché. Des sachets d’eau en plastique et des morceaux de caoutchouc traînent un peu partout. Les crochets qui servent à suspendre la viande sont pour la plupart complètement rouillés. Et puis on croise également des chiens errants ou des oiseaux charognards roder dans l’abattoir attirés par l’odeur de la viande.
Des oiseaux charognards rodent sur le toit de l'abattoir.
"Les femmes qui nettoient l’abattoir n’ont aucun endroit pour jeter les restes d’animaux abattus"
J’ai discuté avec les femmes qui y travaillent : elles reconnaissent le très mauvais état de l’abattoir. Elles se plaignent du manque d’eau, surtout en ce moment lors de la saison sèche, et doivent faire des allers-retours avec des seaux sur plusieurs kilomètres car le puits de l’abattoir est presque tari. Elles n’ont également aucun endroit où jeter les restes des animaux abattus. Du coup, des cornes sont entassées de l’autre côté d’un petit canal, depuis plusieurs mois. Elles travaillent sans aucune protection et ne gagnent, comme seul salaire, que du fumier pour leur champ.
Les femmes se payent en fumier qu'elles récupèrent grâce à des seaux.
Je suis venu dans cet abattoir il y a un an, et je constate qu’aucune mesure d’hygiène supplémentaire n’a été prise, alors que les radios et médias locaux parlent régulièrement de son état déplorable. Moi et la consommation de la viande de cet abattoir, c’est terminé.
Selon notre Observateur, aucun membre de l'abattoir ne portait de gant ou de tenue de protection.
Contacté par FRANCE 24, Mouctar Diallo, l’ancien ministre de l’Élevage en fonction entre janvier et novembre 2010, explique que l’abattoir de Labé ne respectait déjà pas les normes d’hygiène minimales lors de sa visite en 2010.
Alors que le pays fait face à une épidémie de virus Ebola en passe d'être contrôlée, nous avons demandé à Eric Leroy, directeur général du Centre International de recherches médicales de Franceville au Gabon, si l’état de cette structure pouvait être un élément de propagation du virus.
"Le virus Ebola se transmet par la chauve-souri au singe ou à l’homme et la contamination d’un bovin reste très improbable" explique-t-il . "Cependant, l’état de l’abattoir permet indéniablement la propagation de certains agents pathogènes, bactéries et virus, par ruissellement des eaux, ou par les insectes vecteurs."
Le secrétaire de l’association nationale des bouchers de Guinée affirme qu’aucune anomalie n’a été reportée lors des précédents contrôles vétérinaires dans l’abattoir de Labé. Il précise que le ministère de l’Élevage travaille à la modernisation des abattoirs. Il reconnaît toutefois que des dispositions doivent être prises pour "permettre aux travailleurs d’avoir de bonnes habitudes, comme enfiler des gants ou ne pas jeter de détritus".
Le ministère de l’Élevage, à qui nous avons transmis les images prises par notre Observateur, a assuré qu’il communiquerait prochainement. Nous publierons leur réponse dès qu’elle nous sera parvenue.